Dans la série de ce que j'appelle les sécrétions du temps, voici deux anecdotes récentes:
1. Cigarette de crise
Dimanche matin, 10 h, je suis installé devant un café au Canon des Gobelins (Paris 13e).
Dehors, temps maussade. Un homme d'une trentaine d'années, visage cabossé, s'adresse à un monsieur d'une soixantaine d'années qui porte un béret. Je n'entends pas ce qu'ils disent de l'autre côté de la vitre du café. Mais le ton monte, très vite. Le jeune homme, qui tient à la main une cigarette, imite le geste de fumer. Puis il crie quelque chose d'un air méchant. L'autre, avec lenteur, tire une cigarette de sa poche et la lui tend. Le jeune homme lui donne alors deux pièces jaunes (quel montant? Je ne le vois pas).
Je comprends maintenant ce que se disaient ces deux passants. "Si vous ne voulez pas me donner une cigarette, je peux vous la payer". Situation courante le dimanche matin ou pratique apparue du fait de la crise?
2.Où la crise?
Un autre jour, dans un autre café.
Un monsieur très bourgeois, soixante dix ans, entre, accompagné d'un homme d'une quarantaine d'années. Conversation très chic.
Le vieil homme demande des nouvelles de deux personnes: "Est-ce qu'ils sont heureux?" Et il estime que "Véronique n'est pas heureuse". "C'est comme tous ceux qui travaillent des les relations publiques: tu t'emballes, tu t'emballes, et tu t'aperçois que tu vends des mensonges."
L'autre homme s'étonne: on parle d'une crise mais il ne le voit nulle part. "Va dans les restaurants, c'est comble! Les magasins, pareil! Hier j'étais au BHV pour acheter un presse agrume, il y avait des files d'attentes partout! Je ne vois pas où est la crise!"
Le vieil homme, philosophe:
_ Et n'oublie pas qu'en France, la moitié de la population n'a aucun doute sur son avenir: ce sont les fonctionnaires.
Une autre sécrétion du temps: