Le journalisme, c'est l'art de deviner de quoi on parlera le lendemain dans les bistrots.
En général, il y a un sujet qui s'impose. Dimanche dernier, dans le café où j'étais, ç'aurait pu être le "pauvre con", ç'aurait dû, mais non.
Un gars a essayé de lancer la conversation sur le sujet: "IL a encore fait des siennes".
Pas besoin de dire qui était IL ni ce qu'il avait fait. Mais, étrangement, la conversation n'a pas pris.
Le gars a alors ouvert l'Equipe. Il a montré LA photo. Le tacle assassin contre le joueur d'Arsenal. La jambe brisée en deux.
J'ai pris en sténo leur dialogue à quatre voix.
_ C'est une fracture ouverte, a diagnostiqué le gars.
_ Il a dû avoir super mal, a compati une fille.
_ Non, il n'a même pas mal, a rectifié le gars, qui était footeux.
_ N'empêche, quand tu as une fracture, tu n'as pas mal, c'est tellement chaud, a précisé un de ses potes.
Le gars a fait de l'esprit:
_ Et après, le mec, il est sorti. Il a pris son pied et il est sorti.
Personne n'a ri. Une dame s'est penchée sur la photo:
_ Ah bon? C'est du foot? Moi je croyais que c'était du rugby.
Le gars est reparti:
_ Non, le foot, c'est plus dangereux. C'est pas un tacle, c'est un attentat.
Un vieil homme, a lâché son Figaro pour protester mollement:
_ Mais ils sont payés pour ça!
Son épouse, pragmatique, a souligné:
_ Oui, ils sont indemnisés.