Commencez par lire cette interview récente de Götz Werner, un milliardaire allemand aux idées économiques très originales. Il est favorable à un revenu citoyen pour tous. S'il vous reste un peu de temps après ça, lisez aussi la suite...
Plutôt que de vous expliquer ce paradoxe, je vous laisse lire une interview de Götz Werner (photo). Ce milliardaire allemand est favoral à l'institution d'un revenu citoyen universel, versé à tous. Ses idées sur l'économie sont iconoclastes:
Création de nouveaux emplois
« La tâche de l’économie n’est pas de créer des emplois. Au contraire, la tâche de l’économie est de libérer les hommes du travail. Nous avons superbement réussi sur ce point, ces 50 dernières années. » ... « Globalement, aucune génération, en Allemagne, n’a eu à travailler si peu en disposant d’un niveau de vie aussi élevé que celui d’aujourd’hui. » ...
Quand l’emploi crée le chômage
« Notre compagnie crée beaucoup d’emplois, certes. Mais notre réussite est due à notre productivité. La productivité entraîne la croissance. Et parce que nous grandissons, nous créons des emplois. Mais c’est au détriment de l’emploi dans d’autres entreprises moins productives. En économie politique, on voit que la réussite sur un marché saturé conduit toujours à une diminution de l’emploi. »
Productivité, prospérité, travail
G. W. : « Nous vivons dans des conditions quasi paradisiaques. Car nous sommes aujourd’hui en mesure de produire beaucoup plus qu’il serait raisonnable de consommer... Ceux qui ont quelques notions d’économie savent au moins une chose : l’époque du travail de masse est révolue. » ...
La 2ème tâche de l’économie
G. W. : « Il existe 2 tâches. La première : approvisionner les hommes en biens et en services. ... La deuxième : en plus de produire des biens, l’économie doit fournir suffisamment d’argent aux hommes pour qu’ils puissent consommer. » ...
Fournir de l’argent aux hommes ? Pour avoir de l’argent, il faut travailler...
G. W. : « Oui, oui. Et celui qui ne travaille pas n’a pas le droit de manger, n’est-ce pas ? Cette pensée est encore profondément ancrée dans les esprits. Mais elle ne nous fait pas avancer d’un pouce aujourd’hui. » . ..
Un revenu citoyen inconditionnel
G. W. : « Nous avons besoin d’un revenu citoyen inconditionnel. Une rente à vie pour chaque citoyen. » A combien doit-elle s’élever ? « A une somme suffisante pour couvrir décemment les besoins de base : 1300 à 1500 Euros. »
Comment financer cela ?
G. W. : « Je propose d’abolir tous les impôts sauf la TVA, la taxe sur la valeur ajoutée. ... [qui pourrait monter] jusqu’à 48 %. ... Si vous additionnez toutes les taxes et toutes les charges sociales, elle est équivalente à un taux de TVA de 48 %. Si cette somme n’était collectée qu’à travers la taxe sur la valeur ajoutée, les avantages seraient immenses. »
Un exemple
G. W. : « Supposons qu’une infirmière gagne 2500 Euros. Après soustraction du revenu citoyen de 1300 Euros, l’hôpital n’aurait plus qu’à payer 1200 Euros. L’infirmière toucherait autant mais la rémunération de son travail serait beaucoup moins lourde pour l’hôpital. Le revenu citoyen allègerait considérablement les charges qui pèsent sur les biens et les services très gourmands en main d’œuvre, ce qui dynamiserait d’autant le marché du travail. Au résultat, les prix resteraient les mêmes, l’Etat devant financer le revenu citoyen sur la TVA collectée. »
Qui voudra encore travailler s’il peut rester chez lui pour 1500 Euros ?
G. W. : « Vous sous-estimez la valeur immatérielle du travail. Beaucoup de gens ont un grand plaisir à travailler. Songez aussi à tous les métiers sociaux et à tout le travail culturel. Sur ce plan, les besoins sont immenses dans la société et trouveraient enfin le moyen d’être financés. » ... [Les emplois ennuyeux, désagréables]devront être mieux rémunérés si nous en avons besoin. »
Tout le monde parle de crise. En vous écoutant, on pourrait penser que l’Allemagne va très bien.
G. W. : « Ce qui est tout à fait vrai. Notre pays n’a encore jamais produit une telle prospérité. Nous avons seulement du mal à répartir ces richesses. Nous n’y sommes pas habitués. »
Donc pas de crise ?
G. W. : « En tout cas pas de crise économique... Nous progressons vers une société dans laquelle le travail disparaît. La question est de savoir ce que les gens peuvent faire de leur temps libre. C’est une question culturelle. Le problème que nous rencontrons ne relève pas du marché du travail mais de la culture. Malheureusement, les gens en sont à peine conscients. C’est justement par là qu’il faut s’attaquer au problème.
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Ces derniers temps, on s'apitoye (ou on s'agace) du manque d'idées du Parti socialiste et de la gauche. Le problème, ça n'est pas seulement le PS. Pour résumer: nous assistons à une emprise sans précédent de l'idéologie néolibérale. C'est vrai en France, mais pas seulement.
Et pourtant, un constat est partagé par beaucoup: l'organisation de l'économie, la mondialisation, conduisent à la précarisation d'une frange de plus en plus large de la population. En gros, 20% de personnes sont touchées. Et les autres craignent de devenir précaires.
Bref, nous sommes passés d'une société du plein emploi (les années 60) à une société de l'emploi précaire. Avec des formes différentes selon les pays. En France, la précarité, c'est le chômage, les CDD, l'intérim. En Angleterre, ce sont les boulots mal payés.
Face à cela, les solutions politiques sont quasi inexistantes. J'avoue que j'ai du mal à voir où veut en venir l'actuel gouvernement ...
Si la gauche veut revenir au pouvoir, c'est sur ce sujet qu'elle devra innover. Ségolène Royal a parlé de "flexsécurité" pendant la campagne présidentielle. Le modèle scandinave était posé en exemple.
Alors, tant qu'on y est, allons vers l'utopie. On sait qu'on ne réalisera jamais cette utopie, mais ça permet de fixer un cap. Souvenons-nous, quand Lionel Jospin est arrivé au gouvernement en 97, avec les 35 heures et les emplois jeunes, il y avait une utopie derrière tout ça: donner du travail à tous et partager le travail. Aujourd'hui, les salariés sont majoritairement favorables aux 35 heures, car elles constituent une avancée sociale.
Alors, le revenu citoyen? "Le revenu citoyen, concept politique non stabilisé, est une proposition de revenu accordé à tous les individus d'une zone donnée, basée sur l'idée qu'une partie de la richesse de cette zone, due tant à la nature qu'à l'activité humaine, appartient à tous ceux qui l'occupent, autrement dit ses citoyens (voir Bien commun), et que ses revenus devraient ainsi être répartis entre tous."
Pour ceux qui connaissent, le revenu citoyen ne doit pas être confondu avec la proposition des libéraux et libertarien. Les libéraux proposent d'octroyer un revenu aux alentours de 300€ à toute personne. Cette aumône aurait pour conséquence de forcer les gens à accepter n'importe quel boulot pour obtenir le minimum vital. La proposition de Christine Boutin de dividende universel, 330€ est de ce type. Mme Boutin avait fait cette proposition en 2003.
Il est évident que 330€ (ou 500€ comme le propose alternative libérale) c'est insufisant pour vivre. En fait, l'idée du revenu citoyen est de libérer l'homme du travail. Et une fois libéré du travail, il travaillerait... mais mieux qu'aujourd'hui.