Il est facile d'ironiser sur les sites d'information qui vont bénéficier des aides de l'Etat. Les blogueurs, dans l'ensemble, ne s'en sont pas privé. Le sujet a été traité chez Vogelsong, Narvic, Rubin, Thierry et Juan. (à lire aussi: Le Monde et Marianne)
En fait, le problème est complexe. Nous vivons dans une économie "bizarre" où presque tout est « aidé » ou subventionné.
L'Etat a aidé les banques, les constructeurs automobiles, il vous aide à acheter une voiture, il aide les grandes surfaces et les entreprises petites ou grandes.
Bref, l'économie, dont on nous répète sans arrêt qu'elle est la chose la plus naturelle du monde, a tout de même besoin qu'on la pousse un peu pour fonctionner.
Donc, sur le principe, pourquoi ne pas aider un secteur de l'économie déjà fragilisé?
Les aides sont attribuées après un examen des dossiers par une commission rattachée au fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (source: ministère de la culture et de la communication).
Mais, à lire les blogs que j'ai cité, quelques questions se posent:
1. Quid de l'indépendance?
Comment un site peut-il se dire indépendant s'il reçoit des aides de l'Etat? Un média est toujours dépendant de celui qui le finance: propriétaire, actionnaire, annonceur, lecteur, abonné, etc. mais la question de l'indépendance n'est pas simple à trancher. Au final, le verdict est donné par les lecteurs.
Mediapart, par exemple, a choisi de faire appel aux aides de l'Etat. Le site d'Edwy Plenel va-t-il perdre une partie de son indépendance quand il s'agira de critiquer le gouvernement? A priori non. Plenel n'a rien à gagner à adoucir la ligne éditoriale de son site. Les aides de l'Etat n'y changeront rien.
Le site d'Arrêt sur images a, lui, décidé de refuser l'aide de l'Etat. Pour des raisons multiples, parmi lesquelles la volonté de préserver son indépendance.
2. Des critères d'attribution flous
Les sites d'information reçoivent des aides, mais on ne sait pas selon quel critère. Pas l'audience? Non, car des sites peu visités comme Mediapart ou Slate reçoivent à peu près autant que Rue89 qui enregistre 4 ou 5 fois plus de trafic.
La désignation des « éditeurs de sites d'information » est elle-même assez floue.
3. Manque de transparence
Il est reproché aux sites d'information leur manque de transparence sur ce sujet. Pourquoi n'informent-ils pas leurs lecteurs sur la provenance des sommes qui les font vivre?
4. Contorsions idéologiques
Certains sites d'information se sont donné pour mission de propager des idées libérales. C'est leur droit. Lefigaro.fr est en pointe sur le sujet. On se souvient que son propriétaire, M. Dassault, voulait diffuser des « idées saines ». D'autres, comme Slate.fr, publient le très libéral Eric Le Boucher, prompt à fustiger toute intervention de l'Etat.
Ces sites doivent-ils refuser les subventions pour être en conformités avec leurs idées? Apparemment, ils ont répondu « non » à cette question.
5. Quelle place pour les blogs?
Certains affirment que les blogueurs mériteraient leur part du gâteau. Blogueur subventionné: est-ce bien raisonnable?
Pour répondre à cela je ferai deux remarques:
1) Les blogs sont des espaces personnels de commentaire de l'actualité et d'agrégation de contenu. Le blogueur est un conversationnaliste. Son rôle n'est pas à confondre avec celui du journaliste qui est rémunéré pour établir des faits d'actualité.
2) Les blogs ont une audience et une influence réelles. Les meilleurs d'entre eux captent l'attention des lecteurs et génèrent un engagement que beaucoup de journalistes leur envieraient. Cette activité, productrice de « valeur » mérite-t-elle d'être rémunérée ou récompensée?