Aujourd'hui, il y a trop d'informations. Nous naviguons en permanence dans un flux d'infos, dont la plupart ne sont pas désirées. Et le développement des médias sociaux va amplifier le phénomène.
Pourquoi les médias produisent-ils toutes sortes d'informations futiles, et négligent-ils les « questions importantes »?
La couverture de l'Express nous donne un semblant de réponse: la tête de Johnny, avec le titre: "les dessous de l'affaire Johnny". C'est donc le sujet le plus important de la semaine pour ce magazine qui n'a quasiment consacré aucune couverture à la crise financière ou aux problèmes sociaux que connait notre pays.
Bon, rien de nouveau: ce phénomène est connu de tous depuis des années.
Exposer ou surexposer
Comme l'explique Bernard-François Huygues, les médias ont notamment le pouvoir « d'exposer ou de surexposer (un événement, un point de vue, un discours, une personnalité) qui sera au centre de l'attention publique et du débat ».
Les médias choisissent des événements et ils donnent du crédit aux personnes dont ils parlent. Les autres n'"existent "pas.
La proportion d'informations futiles
Avec le développement de la publication sur Internet, les « gens » ont maintenant accès à ce pouvoir. Un tout petit pouvoir, proportionnel à l'audience de votre blog.
Or, il se trouve que l'arrivée des blogs et des réseaux sociaux accroit la production d'information futiles. Et la proportion d'informations utiles, instructives, n'augmente pas. A croire que c'est une donnée universelle...
C'est-à-dire que ceux qui imaginaient un complot ourdi par les médias en sont pour leurs frais. Si on pensait que les médias avaient pour but de nous empêcher de réfléchir aux questions importantes, on s'aperçoit, en lisant les blogs, qu'ils contiennent à peu près la même proportion de sujets futiles.
Commentaires
Je suis entièrement d'accord !
@Monsieur Kaplan,
Mais, attention: mon billet n'est pas un laidoyer en faveur de la presse.
Bon, on peut dire aussi qu'en faisant une couv "alléchante", ils peuvent vendre de la "vraie" info à l'intérieur.
Tout le monde sait que personne n'achèterait un numéro avec une couv sur la crise financière ou le chômage. Ce serait donc suicidaire pour un journal fragile, comme toute la presse "papier".
La véritable question est: y a-t-il A L'INTÉRIEUR de l'hebdo un traitement fin des sujets importants.
@Maryvonne,
"Tout le monde sait que personne n'achèterait un numéro avec une couv sur la crise financière ou le chômage. "
Ce n'est totalement exact: The Economist ou Newsweek font souvent de telles couvertures.
En fait, ce n'est pas suicidaire de faire des couvertures sur la crise. Au contraire c'est en ne faisant pas assez d'enquête sérieuses que la presse se met en situation financière difficile.
C'est vrai.
Le poisson est noyé.
le blogueur aussi, à son échelle, cherche un public. Pour ce faire il risque de privilégier les arguments dont "on parle" et comme "on en parle" il a des éléments pour en parler.
C'est plus rassurant que de se lancer sur des terres inconnues ou de livrer des pensées plus profondes.
Bon weekend, Eric
Ce serait plus parce que nous avons baigné dans la culture des médias, et que nous ne savons pas comment penser autrement. On a tendance à faire comme tout le monde, de peur de passer pour le cinglé de service
Ah ben si ce n'est oas un billet en faveur de la presse, alors... vade retro satanas ! :p
Bien que je reste d'accord sur le fond (la constance dans la proportion d'information utiles/futiles), je trouve que le problème est moins important sur Internet (pour le moment).
A mon humble avis, on a plus de moyen pour sélectionner et filtrer l'information, avec les flux rss par exemple, que par les médias classiques. Ce qui fait que je pense que nous pouvons jouer personnellement sur cette proportion. Je pense que cette ressource proactive au niveau du lecteur rend justement le pouvoir des bloggeur a faire exister une information utile plus important. Avant on sélectionnait son information par le choix de la chaine que l'on regarde, ou le journal auquel on s'abonnait, seul liberté de mouvement. Maintenant on aggrège ses flux d'un nombre potentiellement illimité de sources.
Il est évident que si l'on veut réfléchir et obtenir de l'information intéressante, il est nécessaire d'avoir cette démarche proactive, je pense qu'il est impossible de vouloir réfléchir et avoir une position passive face à l'information, que ce soit lors de la sélection de celle-ci ou lors de la lecture.
Au contraire donc, je pense que la présence d'information futile est une donnée bien moins pertinente que dans les médias traditionnels de par la multiplicité des sources des producteurs de contenus et par les possibilités de filtrage/sélection pour les lecteurs.
Pour moi le problème spécifique aux blogs et aux médias sociaux serait plus à chercher au niveau de la redondance que du bruit de la futilité.
My two cents
@Feadurn,
Oui, tu as raison de souligner l'importance de "cette démarche proactive". En somme, c'est à chacun à trouver un stratégie pour se déplacer dans le champ "de bataille" médiatique.
@Kaplan,
Voilà, on a ressorti les gousses d'ail!
@Céleste,
Merci du commentaire.
@Achille,
Non, il n'y a aucune raison d'avoir honte ou de craindre être original.
"Les médias choisissent des événements et ils donnent du crédit aux personnes dont ils parlent. Les autres n'"existent "pas.":
Oscar Wilde l'avait déjà dit:
« Une chose dont on ne parle pas n'a jamais existé. »
Mais comment découvrirait-on encore un Oscar Wilde aujourd'hui,dans la masse des gens évoqués par le journalisme (les "informations") et aussi alors que tout le monde écrit et le plus des souvent pour ne rien dire, pour simplement se donner l'illusion d'exister?
@Marc,
"tout le monde écrit et le plus des souvent pour ne rien dire, pour simplement se donner l'illusion d'exister".
oui, c'est exactement ça: se donner l'illusion de.
@ Marc et Eric
Et ce n'est déjà pas un mieux par rapport au fait que "tout le monde regarde pour se donner l'illusion de participer", caractéristique de la télévision par exemple?
Ne pas non plus blâmer de facon péremptoire la participation des autres, même si cette participation ne rencontre pas les standards imposés par une élite d'Internet auto proclamée comme telle. Personne ne peut vraiment dire si la médiocre participation d'aujourd'hui ne se relevera pas être la meilleure contribution de demain. J'avoue, je me fais un peu l'avocat du diable (et le défenseur d'un relativisme excessif) alors que j'évite tant que je peux l'information que je considère comme inutile/stupide/..., mais tout autant que je n'aime pas les skyblog par exemple, je ne considère pas qu'ils écrivent pour se donner l'illusion d'exister, ils écrivent pour participer, parce que cela rencontre leur propres standards sociaux de participation. Et dans ce cas, même si ils écrivent pour ne rien dire, c'est le cadet de leur soucis, parce que le message n'est pas la finalité, c'est la participation à un medium qui l'est.
@Feadurn,
Je te le répète: je suis d'accord avec toi!
Quand tu dis "Ne pas non plus blâmer de façon péremptoire la participation des autres"
Ce n'est pas ce que je fais! Je m'inclus dans le lot.
Et tu as raison de dire que toute cette production, sans cadre, anarchique, finira par donner quelque chose.
Ce qui est étonnant (pour reprendre le fil de mon billet), c'est de constater à quel point le tricot, par exemple est un sujet largement abordé dans les blogs.
@ Feadurn & Eric:
Je m'inclus aussi dans le lot, et cela lucidement, sans fausse modestie (encore que... inconsciemment...).
Pourquoi nous cacher à nous-mêmes ce sentiment de n'être rien qui nous étreint? Ce n'est pas ici une question de qualité des écrits; c'est une question de besoin de reconnaissance auquel personne, je pense, n'échappe.
J'ai fait à ce jour deux billets (un avant hier et un autre au moment de la gloire de poppyrose et du tricot) parce que dans certains domaines, les blogs remplacent une presse disparue. Il n'y a presque plus de journaux de tricot et les pages culture et en particulier théâtre se réduisent comme peau de chagrin.
Or, en ce qui concerne le tricot, il existe plein de nouvelles laines dues à de nouvelles technologies ou à l'utilisation de nouvelles matières qui renouvellent complètement ou presque les résultats. C'est bcp plus facile et ça va bcp plus vite. Il y a plein de jeunes filles, femmes et même des garçons dans les quelques boutiques qui restent ( mais y a plein de boutiques en ligne) Ce qui est curieux, c'est qu'il y ait si peu de journaux à prendre la relève...Peu de livres aussi.
Est-ce futile? ça revient moins cher et c'est un moyen d'expression rigolo. Et ça ne fait de mal à personne...
Il y a aussi des tas de blogs et de sites cuisine mais la presse cuisine a l'air d'aller bien, les bouquins font un tabac, il suffit d'aller jeter un oeil chez les libraires ( y a même une quantité de coffrets avec verrines, moules, machins pour cuisine moléculaire...).
La culture, en revanche, bien que non futile (gare aux revolvers, aux autodafés) résiste tant bien que mal....
@Martine,
Ce que je voulais dire en parlant de chose "futiles" ce n'était pas émettre un jugement de valeur "moral", même si en fait c'en est un quand même. On respecte aussi les choses futiles, celles qui donnent de l'épaisseur à la vie, qu'on fait avec plaisir. Je me place plutôt en observateur (et en acteur: par exemple, je suis passionné du jeu d'échecs ou de sport) qu'en "moraliste".
Une hypothèse: pourquoi des journaux ne se créent pas dans ces domaines? Est-ce bien sûr? Je me souviens d'une ITV d'Arnaud Lagardère qui disait qu'il envisageait de créer des magazines de niche dans plein de domaines. Est-ce que ces journaux ont été créés? Je n'en sais rien.
Mais si on veux te suivre on peut dire que créer un journal est plus coûteux qu'avant. Un patron de journal (qui a jeté l'éponge) me disait qu'il fallait investir environ 100 euro pour gagner un lecteur. Je crois savoir qu'aucun magazine féminin ne s'est créé ces dernières années. Il y a eu Jasmin, mais il n'a pas passé le cap, il a disparu. Bref, il y a sans doute des raisons assez profondes qui font que c'est plus difficile aujourd'hui.
Je suis toujours dans cette logique de vente de la presse. On fabrique ça pour que les gens l'achètent et pour générer de la richesse. S'il faut montrer le cul de l'info pour que ça se vende, les journaux le font, tout simplement.
La question revient donc au lectorat : pourquoi de moins en moins de gens s'intéressent à comprendre la crise financière plutôt qu'à se délecter des peoples en maillot sur la plage ou à la santé d'un chanteur décati ?
:-))
eric, ce qui m'intéresse dans tout ça, c'est comment ça remue cad que je rejoins ton regard d'observateur. J'achète des magazines quand je prends le train donc je parcours les relais H! Jamais de news ni de féminins , mais ces émanations des féminins que sont les "cuisine", la déco etc. Plus "niches" justement. Il y a eu création de journaux de cuisine (les hommes les lisent aussi) Elle à table, Saveurs, régal, celui de Cyril Lignac, et plein d'autres, et de décoration. Par ex, côté sud s'est prolongé avec côté ouest, côté paris côté est,à côté des maison française, Marie Claire déco et Marie claire idées (qui remplace 100 idées, si j'ai bien compris), Elle Déco, etc. Chers: entre 4 et 5 euros si ce n'est plus. Et tu peux les télécharger en ligne http://www.relay.com/Maison-Cote-Ouest/numero-courant-111.html?origin=5582CDDD13AD61E9. Il y a aussi la presse Voyages (Ulysse, Grands reportages, Terres Catalanes, 7€)...), le cheval (ui a sa chaîne de télé), la nature etc. Il y a plein de nouveaux magazines.
Or c'est du rêve, on ne fera jamais les recettes, on n'aura jamais de loft de 200m2 ou de maison dans les arbres, on n'ira pas voir le Taj Mahal, on n'élèvera pas de pur sangs...
j'ajoute, c'est dingue, j'avais oublié, tout ce qui est culture, mouvement, books, chronikart, transfuges....
Dire que The economist fait des couv d'économie, c'est leur job, il me semble...
Moi ce que je n'aime pas, c'est la position moralisatrice et confortable, qui voudrait que l'on devrait traiter que de sujets "sérieux", alors que dans la vie quotidienne, on a besoin de tout: parler de futilités et de choses graves. Les unes parfois permettant parfois d'aborder les autres.
En parlant d'information trivialles, le nombre de poules aux Etats Unis, est ce trivial ou pas tant que ça? (c'était le sujet d'un article dans le très sèrieux Sydney Morning Herald).
http://laurentgrandsimon.hautetfort.com/archive/2009/12/29/les-poulaillers-de-ville.html
@Maryvonne,
Entre ne traiter que des sujets "sérieux" et nous ensevelir sous les pipoleries, il y a un juste milieu!
Et tu me parles de The Economist, mais j'ai aussi cité NewsWeek, qui est un "équivalent" de L'Express. A mon avis la presse magazine en France (et notamment L'Express et l'Obs) se cantonne trop dans des sujets "compatibles avec les annonceurs".
eh ben .... lire ce billet et tous les commentaires, c'est bien intéressant ! merci Messieurs Dames. A chaud, comme ça, je retiens que le sujet des articles publiés dans la presse est à l'image de ce qu'est notre société car il faut adéquation entre le sujet et le lecteur, ce que le lecteur a envie de lire ou l'envie qu'on lui a donné de lire - bref, presse miroir. Çà explique sans doute le succès des psy en tout genre -)))
Le billet s'ouvre sur une affirmation qui me questionne : existe t-il vraiment ce flux d'information ? Je veux dire est-ce un flux. C'est le discours bizarre de Th Crouzet dans la vidéo d'asa qui m'amène à cette question - internet serait un flux ! je voudrais qu'on me le démontre, Crouzet n'est pas convaincant.
Sur le même sujet, je vous conseille les trois billets de Pierre Marcelle paru dans Libération sur la façon dont les journaux traitent les comentaires de leurs internautes.
http://bit.ly/7tWt86
http://twitter.com/Nata_Wood