Les Etats généraux de la presse. Je n'en ai pas parlé jusque là. Le sujet est complexe et, comme souvent avec ce gouvernement, toutes les questions sont abordées de front, pour nous embrouiller.
Ce qu'on note, c'est le faible enthousiasme des journalistes. Voire leur scepticisme.
Notable également, le caractère monarchique de l'opération.
- Claude Soula dépeint la première réunion de ce "Grenelle de la presse":
"Tous convoqués par le Roi pour l’ouverture des Etats généraux de la presse écrite, et la grande réforme du métier lancée, décidée, dictée par l’Elysée. Il y avait un coté surréaliste dans cette réunion : voir le quatrième pouvoir, censé défendre les libertés et la démocratie, ainsi tenu par l’Etat. Il y a certes une bonne raison : notre secteur vit sous perfusion des aides étatiques. 284 millions d’euros d’aides directes du ministère de la culture, plus les aides diverses à la distribution, les aides fiscales, la déduction des impôts…soit en tout – selon les estimations les plus larges- un milliard d’euros, 10% du chiffre d’affaire du secteur".
Pourquoi faire des "Etats généraux" encadrés par l'Etat? Pourquoi la profession ne se prend pas en main elle-même?
- Les personnalités choisies pour diriger les groupes de travail donnent une indication de l'orientation très patronale choisie par l'Elysée. Le Syndicat national des journaliste-CGT dénonce:
"Les quatre « personnalités » choisies sont toutes des patrons de presse liées à leurs organisations professionnelles dont les exigences vont toutes dans le sens d’une régression sociale et non dans le sens d’un développement du nécessaire pluralisme et d’une meilleure information." (Acrimed)
Pourquoi opposer la presse et Internet?
"La lecture d’un article du Monde, pourtant anodin, m’a fait bondir tant il confirme mes inquiétudes. L’article intitulé “Des Etats généraux à la rescousse de la presse“, signé Pascale Santi, a le grand mérite de poser en une phrase l’ambiguité des attentes de certains acteurs:
“L’objectif est de trouver des solutions aux difficultés de la presse écrite face à Internet et aux journaux gratuits.”
Est-il possible que certains, sans rire, puisse imaginer que c’est de cela dont il est question. Il semble que oui. La presse, donc, est la presse écrite, laquelle n’a rien de commun avec la presse en ligne, Internet et les journaux “gratuits”. Je veux croire encore que la phrase relève du lapsus, je ne suis pas dupe au point de ne pas savoir qu’il est éminemment révélateur d’un certain état d’esprit."
Un excellent décryptage du rapport Giazzi chez novovision. Le rapport Giazzi (du nom de la député UMP auteure du rapport) préconise une trentaine de mesures pour augmenter la rentabilité des entreprises de presse.
"Entre les lignes du rapport Giazzi sur les médias et le numérique se dessine un avenir de l’information à deux vitesses, cohérent et sans états d’âme : d’une part un paysage dominé par de grands groupes multimédias (associant presse écrite, radio, télévision et internet) fusionnant les industries de l’information et du divertissement, d’autre part la liberté laissée à un journalisme professionnel indépendant et pluraliste de tenter de se développer à la marge sur internet."
Les questions de fond ne sont pas abordées "à savoir l'indigence éditoriale de certains titres, une presse largement suiviste dans les grands médias, la perte de crédibilité des journalistes éduqués le plus souvent sur les mêmes bancs que les élites du pays, la mise en scène et la mauvaise hiérarchisation des informations, le permanent soupçon de collusion de cette profession vis à vis des puissants, la proximité avec l'univers de la communication, enfin une incapacité au retour critique sur soi." (Marianne)
- Le site electronlibre note l'omniprésence de Nicolas Sarkozy dans le débat:
"Seul en piste, Nicolas Sarkozy s’est même permis le luxe de dénoncer "la paupérisation des rédactions quand des plans sociaux assèchent les journaux de leur raison d’être, le journalisme". Qui d’autre a prononcé un tel jugement alors qu’à Libération, au Monde, au Figaro, des centaines de journalistes ont été contraints de partir ces trois dernières années ? L’affaire Siné a pris plus de place sur les sites d’information comme dans les journaux que ce plan sidérurgique appliqué à la presse.
Face à Nicolas Sarkozy, l’opposition de gauche a disparu. Face à lui, les éditeurs comme les journalistes ont abandonné le terrain. Les uns pour préserver leurs positions acquises, les autres par absence de solidarité et de réflexion sur leur propre métier."
- On peut aussi lire avec intérêt cet article de Philippe Manière (directeur de l'Institut Montaigne). L'Institut Montaigne, think tank libéral, est un des grands inspirateurs de certaines mesures à l'origine de ces Etats génraux.