Auteur invitée.
Aujourd'hui, je publie un article d'Anne-Sophie Vandaele.
Cette étudiante en Mastère Marketing Management et Communication à l'ESC Toulouse m'a contacté car elle souhaitait publier ce texte dans le cadre de son Mastère. Et elle a choisi Crise dans les médias pour le faire.
C'est avec plaisir que je le publie, car il est lié directement aux problématiques traitées sur ce blog.
Janvier 2008. Annonce de Nicolas Sarkozy, Président de la République française. 2009 marquerait la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Bouleversement.
Bouleversement pour les chaînes publiques ? Bouleversement pour les annonceurs ? Bouleversement pour l’industrie publicitaire dans sa globalité certainement.
Terrain d’exposition important pour les annonceurs, mode de financement clé pour les chaînes de télévision, la publicité télévisée semble constituer un maillon important de l’économie.
Comment les annonceurs vont-ils réagir face à cette perte de visibilité au travers de ce média très puissant ? Les potentialités des nouveaux médias sont-elles assez intéressantes pour forcer les annonceurs à redéfinir leur stratégie en profondeur ?
La télévision, un média publicitaire puissant au cœur de la stratégie des marques
Sans surprise, le petit écran est le média publicitaire par excellence. Puissante, fortement investie par les annonceurs, la télévision constitue aujourd’hui un élément incontournable de l’industrie publicitaire. Sans aucun doute placée au cœur de la stratégie des annonceurs grâce à la visibilité qu’elle offre, elle constitue le centre nerveux de tous les médias. Cependant, victime de son succès, la vocation première de la publicité télévisée semble détournée par la multiplication des marques à l’écran. Le ratio investissement/visibilité, facteur de rentabilité pour les annonceurs, semble en être la première victime. Les coûts n’en demeurent pas moins affectés avec des tarifs publicitaires qui ne cessent d’augmenter.
Des investissements publicitaires colossaux qui constituent cependant le moyen clé de financement pour les chaînes de télévision. Mais attention chaînes privées/chaînes publiques : loin d’être le même combat. Si pour les chaînes privées (TF1, Canal+, M6, chaînes privées de la TNT, chaînes locales) ces recettes publicitaires constituent 100% de leur financement, il n’en est pas de même pour les chaînes publiques France 2, France 3, France 4, France 5, ARTE, RFO) financées par diverses ressources, à la fois d’ordre commercial et d’ordre public.
Les chaînes publiques, soumises à des restrictions d’ordre étatique, ne peuvent donc pas proposer autant d’écrans publicitaires que les chaînes privées. Cette suppression de la publicité va donc radicalement modifier la donne pour le groupe France Télévisions.
France télévisions : la nouvelle donne
Les chaînes publiques de demain ? Une télévision dite plus « culturelle » voire même « une autre télévision » selon Thierry Cheleman, Directeur médias Havas Sports. Le petit écran d’ordre public revendique en effet, des chaînes sans pub ou presque, mettant en avant l’histoire et la créativité française. Un projet de loi qui impliquerait une redéfinition non seulement des financements de la télévision publique mais aussi de la grille des programmes de France Télévisions. Cette révision représenterait une perte financière de 800 millions d’euros.
Un nouveau mode de fonctionnement qui engendre de nombreuses polémiques quant à l’avenir de ces chaînes : Quels financements ? Qu’en sera-t-il de la pertinence des programmes ? À ce jour, ce qui semble certain, est l’importance de l’enjeu économique que cela engendre pour les chaînes privées. En effet, ces dernières qui continueront de proposer de l’espace publicitaire, profiteraient de ce revirement stratégique en bénéficiant d’une coupure publicitaire supplémentaire. « Le principe serait de passer de la contrainte des 12 minutes maximum par heure glissante (spécificité française) aux 12 minutes par heure d'horloge; de passer d'une contrainte jour de 6 minutes en moyenne par heure à 9 minutes. Par ailleurs il est également question d'introduire une 2e coupure dans les films et œuvres » explique un cadre de TF1 Publicité. Selon lui, dans ce contexte, il ne faut pas négliger l’importance de l’émergence des chaînes de la TNT : « les chaînes de la TNT progressent fortement en audience et pourraient être perçues par les annonceurs comme une bonne alternative à l'espace publicitaire de France Télévisions ». Par ailleurs, l’action en bourse des groupes privés poursuivrait sa hausse depuis l’annonce de la suppression de la publicité. Une redistribution de l’espace publicitaire néanmoins soumise à conditions : la télévision publique sera financée « par une taxe frappant les opérateurs de téléphonie et d’Internet à hauteur de 0,9% de leur chiffre d’affaires et par un prélèvement de 3% sur les recettes publicitaires de toutes les chaînes ». Une démarche qui tend à modifier la répartition des investissements publicitaires : les annonceurs vont-ils continuer d’investir dans les médias dits traditionnels ou vont-ils réorienter leur stratégie vers les nouveaux médias, des modes de communication en plein essor?
L’essor des nouveaux médias, un marché porteur ?
Aujourd’hui, en marge des médias dits traditionnels parmi lesquels on retrouve la télévision, de nouveaux médias font leur apparition et émergent petit à petit dans le paysage publicitaire. Dans une société qui a adopté ces nouveaux modes de communication, la publicité investit ces terrains du quotidien. Internet et téléphonie mobile font ainsi l’objet de nouveaux usages et deviennent de nouveaux modes de communication intégrés. Des outils du quotidien qui deviennent de véritables médias. Des nouvelles stratégies de communication et phénomènes de « propagation de l’information » voient le jour : le buzz marketing, le marketing viral, ou encore les communautés de blogueurs…Des nouveaux modes de communication qui permettent un ciblage particulièrement précis, puisqu’on assiste à des campagnes très particulières telles que celles mise en place par Myspace, présentant un système qui permet d’adapter les publicités aux contenus publiés par les utilisateurs sur leur page personnelle.
Les géants de l’Internet s’attellent également au développement de ces stratégies de communication nouvelles : Google ouvre son réseau publicitaire aux « Widgets », Microsoft souhaite racheter Yahoo, un business qui semble porteur et dans lequel tout le monde veut être un acteur impliqué.
Aujourd’hui, le couple média/hors média est indivisible au service d’une stratégie optimale. Si l’investissement média permet une visibilité certaine, il n’est pleinement efficace aujourd’hui que s’il est accompagné d’un investissement hors média. Une démarche qui semble aujourd’hui incontournable pour les annonceurs et qui tend à se renforcer.
Un relais média/hors média qui tend à prendre de l’ampleur au travers de stratégies plus ciblées, plus personnalisées de type « one to one » et qui tend à se renforcer avec l’émergence des nouveaux médias. Le but de ces nouvelles stratégies ? Intégrer le quotidien des consommateurs, multiplier les points de contacts avec ces derniers et leur donner l’impression que leur démarche vers les marques est personnelle et non forcée. Plus précise que les mesures d’audience média, la communication via les nouveaux médias implique une démarche mesurable qui permet d’entreprendre des stratégies anticipées et ciblées.
Des nouveaux médias qui permettent notamment la diffusion de contenu vidéo avec pour centre nerveux la télévision. On compte ainsi 65% des français qui auraient déjà utilisé d’autres modes de diffusion pour visionner la télévision, 2/3 des internautes qui seraient attentifs à la pub en vidéo. On assiste à une réelle adaptation des contenus aux nouveaux modes de communication et aux nouvelles tendances sociétales. Selon David Popineau, Responsable Nouveaux Média au sein de Disney Télévision France : « L’utilisation de ces nouveaux médias dans une campagne publicitaire me paraît maintenant complètement indispensable. La valeur ajoutée de ces médias est qu’ils apportent un plus par rapport à un simple spot tv ou une annonce presse. Ils donnent accès à plus de contenus pour découvrir le produit ». Cependant le développement des nouveaux médias offre-t-il un dispositif aux potentialités suffisantes pour redéfinir profondément la stratégie des annonceurs ?
Aujourd’hui 5 grands médias, demain 40, l’émergence d’une nouvelle forme de publicité ?
Si le développement des nouveaux médias offre des potentialités intéressantes, ils ne semblent cependant pertinents qu’en tant que relais aux autres médias et ne font difficilement l’objet d’une stratégie optimale à eux-mêmes. Médias traditionnels vs Nouveaux médias ? Le choix ne semble plus être à faire. Les deux dispositifs semblent complémentaires et interdépendants. Ainsi, selon David Popineau, Responsable Nouveaux Média au sein de Disney Télévision France:« la réclame tv a encore de beaux jours devant elle. Maintenant, le web va continuer à monter en termes de revenus publicitaires, car une campagne web est beaucoup moins chère et tout aussi impactante qu’une campagne TV sur les cibles enfants/ados/jeunes adultes ». Les opportunités de développement pour les annonceurs semblent reposer sur des stratégies de type multicanale où les médias fonctionnent avec des dispositifs complémentaires. C’est ce qu’affirme une employée de Tf1 Publicité : « nous croyons effectivement à la complémentarité des dispositifs TV-Web et non à la cannibalisation. ». Tf1 Publicité revendique notamment ce point de vue dans une étude qui « explore la complémentarité de ces deux médias en matières de pratiques, de perception et d’efficacité publicitaire. » Cette étude permet de comprendre avec précision les atouts pour les marques de ce type de dispositif. (Extrait tableau ci-dessous).
Une complémentarité au service d’une forte efficacité publicitaire qui intègre les nouveaux médias : « Nous croyons effectivement à l'utilisation des nouveaux médias et au cross média : un pôle 361 (contraction de 360 et TF1) vient d'ailleurs d'être créé pour développer ce type d'offre » affirme une employée de Tf1 Publicité.
Thierry Cheleman, Directeur médias Havas Sports, quant à lui, pense qu’Internet, téléphonie 3G et télévision cohabitent. Il précise que la stratégie de l’annonceur arbitre souvent au bénéfice de TF1 et M6. Selon lui : « La suppression de la publicité sur France Télévisions favorisera les parts de marché de TF1 de M6 et de la TNT ».
Il précise toutefois que les nouveaux médias sont un bon complément, ces supports permettent une meilleure approche du consommateur. Il souligne néanmoins que « les nouveaux médias ne supplanteront pas, dans l’immédiat, le mass média qu’est la télévision…L’avenir c’est la segmentation de l’audience et un ciblage de plus en plus pointu qui demandera d’avantage d’expertise. Le marché publicitaire entre dans une période de troubles » poursuit Thierry Cheleman
.Une chose est certaine, la suppression de la publicité sur France Télévisions ne bouleversera pas l’ordre établi dans la stratégie des annonceurs, mais elle ne fait que confirmer, parallèlement au développement des nouveaux médias, la nécessité, dans un futur proche, de repenser leurs stratégies à savoir : diversifier et adapter leur communication en termes de contenu, de ciblage et de dispositif de manière générale.