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Journalisme sur le web: des hierarchies bouleversées

"Ne dites pas que je travaille pour un site web, ma mère croit que je suis journaliste", écrivent Elyzabeth Lévy et Philippe Cohen (dans Notre métier a mal tourné).

Ainsi, le journaliste sur Internet découvre un nouveau métier, des contraintes nouvelles. Comme l'écrit Marie Bénilde (Monde diplomatique), l'écriture web est surtout quantitative, elle fait la part belle à la vidéo (gag) et abolit la hiérarchie de l'information:

"Les travers du journalisme en ligne apporteur d’audience se mesurent aussi à l’aune d’une dérégulation totale du métier. Noyé dans le flot incessant des nouvelles, le professionnel recruté pour son hyperréactivité sur la Toile joue au serpent qui se mord la queue : il fait savoir ce qui se sait, montre ce qui se voit, réagit à ce qui génère des réactions. Comme l’atteste le défilé ininterrompu de nouvelles plus ou moins anecdotiques et de vidéos sur le site Lepost.fr, édité par Le Monde, la hiérarchie de l’information n’a plus cours dans un cybermonde où prime la dernière livraison inédite. « Qu’est-ce qui importe dans ce flux mécanique ? » : telle est sans doute la dernière question que le journaliste de l’ère numérique est invité à se poser. Le discours patronal chante pourtant les vertus d’un métier régénéré par son aptitude à trier et à mettre des « contenus » divers sur les rails. Sans doute plus à la façon d’un chef de gare que d’un conducteur de locomotive. Le train de l’Internet n’attend pas, mais nul ne sait où il va."

La recherche de la rentabilité est ardue. La course à l'audience est effrénée.

"Les propriétaires misent en effet sur l’accumulation d’audience à travers des sites de médias gavés d’espaces vidéo qui se prévalent d’inventer une « nouvelle écriture journalistique ». En réalité, il s’agit surtout de satisfaire la demande en contenus multimédias d’ordinateurs reliés à des réseaux à haut débit obéissant à des logiques de télécommunications. Un tel paramétrage des sites, souvent conçu par des directions informatiques, détourne d’autant plus facilement du journalisme que l’économie de la presse incite à la réduction des coûts. Tel est le prix à payer tant que les recettes publicitaires sur le Net ne contrebalancent pas la chute des revenus du papier".

De acteurs, déjà anciens, s'affirment comme les mastodontes de l'information: les portails. Google et Yahoo, mais aussi orange ou voila.fr. Ils puisent directement à la source (L'AFP) et peuvent subir des changement de ligne éditoriale au gré des rachats (exemple: orange racheté par Dassault):

"Les portails de Yahoo, Orange ou Google comptent en effet parmi les sites d’information les plus consultés en France avec ceux du Monde ou du Figaro. Particularité de ces acteurs nés sur Internet ou venus des télécommunications : ils agrègent des contenus en provenance d’autres sites d’information et des dépêches d’agences de presse, là où les médias traditionnels mobilisent des rédactions dédiées à leur production en ligne. Comme tels, ces nouveaux supports n’ont donc pas à proprement parler de ligne éditoriale. Depuis début juin, le site Orange.fr, consulté par quinze millions six cent mille visiteurs chaque mois, s’en remet aux journalistes du Figaro, propriété du sénateur UMP Serge Dassault, pour animer une interview politique quotidienne, ou à Radio Classique, propriété de M. Bernard Arnault, pour alimenter son espace en entretiens avec des patrons ou des acteurs de l’économie. La page d’accueil du portail, qui fait miroiter des informations sur les services, les sports ou les loisirs, délègue à l’AFP sa partie « actualités », où les internautes sont invités à réagir à travers des forums".

(Le Monde diplomatique)

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Commentaires

  • Orange racheté par Dassault ???? C'est un peu trop gros, même pour ce multi-milliardaire. Fameux scoop en tous cas !!
    La suite de l'article montre que ce n'est pas exactement ça ;-)

  • Comment faisait-on de l'info avant les journaux papier ? Y avait-il une écriture journalistique ? A mon avis non ! C'est le support papier qui a généré ces codes et le changement de support en réinventera. Ils sont d'ailleurs déjà en train de s'établir, non ?

    [Orange racheté par Dassault ? T'es sûr ? Si c'est le cas, c'est énorme ! En tout cas, quand on change de Toulouse à Bruxelles, on n'entend plus du tout la même information quant à ce gouvernement...].

  • @René,

    Merci de ton commentaire: j'ai lu un peu vite. non, orange n'a pas été racheté par Dassault. J'ai mal compris le texte. Il s'agit juste d'une coopération entre les deux entreprises.

  • Le terrain, il n'y a que ça de vrai... Ce qui nourrit l'info, c'est le terrain et rien que le terrain. Tout le reste, c'est la façon dont l'information rebondit : la caisse de résonance.

  • Si au moins on pouvait écrire sans faute...

  • Pourquoi opposer le fond et la forme ? A vous lire, on pourrait penser qu'une vidéo est forcemment racoleuse et un texte forcemment profond. Une vidéo, si elle est bien faite, ne peut-elle pas se substituer à un article écrit ? Une carte interactive ne dit-elle pas en trois clics ce qu'un article dirait en 1500 signes ?

    Personnellement, je pense que l'internet offre aux sites d'information des ressources inépuisables, puisqu'il permet d'agréger tous les types de contenus. Il offre des outils qui permettent de rendre accessibles des infos qui ne le sont pas toujours.

    Bien sûr, cela remet en cause quelques habitudes du métier. A chacun de s'adapter...

  • @Le Tieou,

    Vous avez parfaitement raison. J'ai exagéré concernant l'usage des vidéos. Ce n'est pas la vidéo qui implique un usage particulier. Disons plutôt que c'est un usage particulier des videos qui peut faire considérer que la vidéo sur internet est avant tout un moyen de créer du buzz, de choquer et non de faire réfléchir.

  • C'est fatiguant. Est-ce qu'un jour la profession réalisera que c'est justement ce genre d'article qui la tue ? Le journalisme à la française se limite trop souvent à du commentaires, oubliant ce qui devrait en être la base, la vérification de l'information. Combien de journalistes partant sur une fausse piste sont capables de se rendre compte qu'il s'agit d'une fausse piste et de changer l'angle de leur article?
    Un exemple dans cet article. Internet = course à l'audience. C'est faux. Il ne s'agit pas d'une généralité. Le modèle économique de l'audience n'est tenable que par les plus gros sites, les autres vivent d'autres recettes (abonnements, affiliation,...). Donc un certain nombre de sites se foutent de l'audience, et leurs journalistes avec.
    Mais pour le comprendre, il faut enquêter, poser des questions, se remettre en question,... Bref, faire ce fameux de travail de journaliste dont la journaliste en question est ici si fière mais qui la dépasse visiblement totalement.
    Je serai curieux de savoir quelles personnes elle a interrogée pour réaliser son "enquête". Pas sûr que le journalisme à la française soit prêt à faire face aux fact checkers.

  • @Ludovic,

    Tu parles de sites qui se foutent de l'audience. Lesquels?

  • Prends le cas de celui des Echos par exemple. Leur objectif n'est pas forcément de drainer un max d'internautes mais d'accueillir leur public cible (ex. décideurs, CSP+). Donc pas besoin de mettre en ligne des vidéos de Paris Hilton puisque l'audience qu'elle ferait gagner ne se monétisera pas.
    En général, c'est d'ailleurs le modèle de la presse spécialisée, celle qui fait vivre le plus de journalistes en france.

  • @Ludovic,
    Merci de ces précisions.

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