Comment évaluer les dégâts (en terme de productivité, notamment) causés par le "bruit médiatique"?
Tous ces signaux non souhaités et qui nous parviennent quand même? Le spam, les pubs, les rumeurs qui courent sur le net et ailleurs, les tweets plein de "lol" . Est-ce qu'un économiste peut chiffrer leur valeur négative?
Hier, par exemple, je suis tombé sur un éditorial de Gérard Carreyrou, lu en suivant un lien sur Twitter. (Pour résumer: cet édito, écrit à la va comme je te pousse, compare France Inter à Radio Paris: "Avec Stéphane Guillon, France Inter prend des couleurs de Radio Paris")
En lisant cet éditorial, le lecteur un peu familier des blogs se dit: "ce monsieur a atteint le poind Godwin dès le deuxième paragraphe", et il passe à autre chose.
Ceux qui ne passent pas à autre chose
Le problème c'est que certains ne passent pas à autre chose. Du moins pas tout de suite. Ils restent scoché à ce texte, le relisent, le retournent, ou cherche à en savoir plus.
Et ce délai, plus ou moins long, constitue le dégat causé par le bruit médiatique.
Cela se traduit par une baisse de la productivité.
Cette baisse de productivité est encouragée par les commentaires qui accompagnent le message. Les tweets publiés par les journalistes font part de leur sidération. Pour Eric Mettout "les éditorialistes de droite sont en pleine compète", Guy Birenbaum qualifie l'édito d'"Incroyable", d'autres professionnels expriment leur accablement devant l'outrance du propos et la lourdeur du style.
Ce qui est bruit pour l'un est information pour l'autre
Tous ne sont pas du même avis: pour eux cet éditorial est bien troussé, bravache et briseur de tabou en diable, etc. Ce qui est bruit médiatique pour l'un est information intéressante pour l'autre.
Mais le but de mon billet, je l'oublierai presque, n'est point de vous bassiner avec Gérard Carreyrou, dont j'aimerai bien arrêter de parler. Mon sujet, je le rappelle, c'est comment le bruit médiatique sabote la productivité, comme dirait le site Bien Bien Bien.
Et c'est ce qui m'intéresse dans le phénomène: qu'est-ce qui fait qu'une information nous titille, qu'est-ce qui nous indigne dans une indignation qu'on ne partage pas?
Des processus mentaux se mettent en branle, des émotions aussi, et un petit bruit médiatique prend une ampleur considérable...
Je ne sais pas s'il existe une étude démontrant combien coûte, en productivité, ces pertes de temps liées au bruit médiatique. Mais ça doit être énorme.
Combien coûte les informations boiteuses
Jakob Nielsen explique, par exemple, combien coûte aux entreprises des textes mal rédigés:
"Combien coûte un titre mal rédigé sur la page d'accueil d'un intranet? Pour une entreprise de 10 000 salariés, environ 30 000F, soit beaucoup plus qu'un bon rédacteur qui corrige le titre avant qu'il soit mis en ligne.
- Le chiffre indiqué ci-dessus est basé sur les suppositions suivantes:
- tous les salariés passent 5 secondes de plus que nécessaire à lire et à comprendre le titre parce qu'il n'est pas clair
- la mauvaise conception du titre fait que 10% des salariés cliquent sur le titre alors qu'il ne les concerne pas
- ce salariés passent en moyenne 30 secondes à lire l'article avant de comprendre qu'il ne les intéresse pas
- 10 000 salariés utilisent l'intranet
- la valeur du temps d'un salarié est de 300F de l'heure*; cette valeur incluant son salaire plus la valeur ajoutée qu'il crée dans l'entreprise"
Ces considérations nous emportent loin, bien loin de Gérard Carreyrou. Et, fatalement, elles nous y ramènent. Car Gérard Carreyrou, comme le sparadrap du Capitaine Haddock, nous suit et nous poursuit inlassablement de sa vindicte.
Ah, le bruit médiatique est encore beaucoup, beaucoup, beaucoup plus nocif qu'on ne le croit au premier abord.
* le texte date d'une dizaine d'années.