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Le plus grand pouvoir des médias

Le plus grand pouvoir des médias n'est pas de parler de tel ou tel sujet ou de mettre en lumière telle ou telle personne. Le vrai pouvoir, c'est de taire un sujet*.

Ne pas parler d'un sujet dans les médias, c'est le condamner à une mort médiatique, une mort symbolique.

"Les médias ne parlent de nous que lorsque il y a un fait divers ou une émeute", disent les habitants des banlieues. Et les ruraux? On ne les entends même pas se plaindre de ne pas assez exister.

Une des principales causes de décès des adolescent, c'est le suicide. Les médias n'en parlent pratiquement jamais.

La faim dans le monde est peu montrée (voir l'étude récente de La Croix).

Lors de la catastrophe en Haïti, on a très peu parlé des haïtiens. On a surtout parlé des Américains et des Occidentaux sauvant les haïtiens.

Les médias parlent peu des programmes politiques et se concentrent sur les petites phrases et les combats de personnes.

Finalement, le pouvoir des médias est bien plus étendu qu'on ne le croit.

 

*"L'influence la plus déterminante que les médias exercent sur la politique ne procède pas de ce qui est publié mais de ce qui ne l'est pas. De ce qui est occulté, passé sous silence" Manuel Castells, dans le dernier Manière de voir, consacré à Internet, révolution culturelle.

Commentaires

  • Oui, et pas que sans doute.

    C'est à mon avis plus globalement "tout ce qui va sans dire", donc tout ce que l'on ne dit pas en effet, plus la façon dont on dit certaines choses.

  • C'est certain! Et c'est affolant!!

  • D'accord, sauf sur un point, l'exemple du suicide des adolescents.

    On m'a toujours dit que les infos sur le suicide incitaient certaines personnes fragiles à franchir le pas, et que la discrétion des médias sur ce sujet était une preuve de responsabilité sociale. C'est pas vrai ?

  • Il est difficile de détecter les signaux faibles, et l'absence est sans doute le plus difficile.
    Un média qui ne dit pas est-il en faute ?

    Il était intéressant de voir dans le (caricatural par ailleurs) premier documentaire d'arte de ce mardi comment les conspirationnistes allemands ne trouvaient d'espace qu'en ligne parce que les médias installés faisaient un véritable black out sur eux. Ce n'est pas le cas en France.

    Quand tu parles d'Haïti, il me semble que ce n'est pas taire un sujet, mais... un changement d'angle. Il est peut-être révélateur de voir que ce qui intéresse c'est montrer sa bonne conscience et se rassurer de l'aide qu'on apporte à ces pauvres gens, plutôt que de montrer ou écouter les victimes. (il me semble pourtant que certains ont fait des efforts, en TV par exemple)

  • Mathieu > je n'ai pas la réponse absolue, mais en terme de preuve de responsabilité sociale, si cacher la vérité c'est être sage, je ne sais pas.

    Ne pas vouloir voir la réalité est une façon de protéger quelqu'un, mais ça ne durera pas toute la vie.

    Je crois que c'était en Roumanie, ils ont voté pour avoir 50% de news positives et 50% de news négatives aux infos (et non pas plus de news négatives comme c'était le cas). Bien, c'est leur choix. Mais dans quel monde vit-on si on voit 50% de news négatives alors que la réalité est faite de sinistres tous les jours? Les images que l'on choisi, les thèmes que l'on filme, les reportages que l'on montre constituent une représentation de la réalité qui façonne une partie de notre vie. Il n'y a qu'à voir la télé US, 90% de leurs chaines & émissions sont centrées sur le continent nord américain, 5-8% sur l'irak et le reste répartis sur le reste du monde. Quelle vision ont-ils du monde?

    Oui les médias (télé-presse-radio) ont un pouvoir incroyable. Ce pouvoir s'arrête au moment où l'on éteint la télé et l'on choisit d'autres manières de s'informer, d'autres médias, ou que l'on devient soi-même média.

    Eric> Plus ils taisent quelque chose, plus cette chose va ressortir sur Internet. Donc il vaut mieux traiter Haïti en ne couvrant qu'une partie. Il vaut mieux donner sa version truquée que ne rien faire du tout (en terme de manipulation je veux dire).

  • @Cédric,

    ""tout ce qui va sans dire""

    Mais ça va mieux en le disant. Aucun sujet n'est anodin.

    @Matthieu,

    Tu as peut-être raison, je n'ai pas d'info sur le sujet. Parler du suicide, c'est juste, c'est difficile.

    @Enikao,

    Oui, on peut dire que les médias couvrent beaucoup de sujets. Et je ne me place pas dans une perspective complotiste (on nous cache tout, on nous dit rien!).
    Et c'est vrai que si les médias parlaient de sujets dont ils ne parlent pas, peut-être que ça n'intéresserait personne.


    @Zoupic,

    "Oui les médias (télé-presse-radio) ont un pouvoir incroyable. Ce pouvoir s'arrête au moment où l'on éteint la télé et l'on choisit d'autres manières de s'informer, d'autres médias, ou que l'on devient soi-même média."

    Oui, dans une certaines mesure, allez vers d'autres médias est une solution. Mais est-ce que ça ne revient pas à ce que tu reproches sur le sujet du suicide, c'est-à-dire ne pas affronter la réalité? Ignorer le point de vue des médias "dominants", c'est une attitude un peu louche aussi.

    Concernant les sujet non traités, comme Haïti, je ne me place pas sur le plan d'une manipulation. Certains non dits sont peut-être involontaires. Ce sont des angles morts.

  • Bonjour

    Ce billet m'intéresse beaucoup d'un point de vue de bibliothécaire (en recherche de poste).

    Aujourd'hui les bibliothèques se donnent pour défi de réussir leur adaptation à la société de l'information, tant du point de vue des outils technologiques que de celui de la prise en compte des besoins des publics (y compris celui d'être acteurs de l'établissement qu'ils fréquentent).

    Jusqu'à présent, j'ai toujours pensé que les publics étaient soumis aux pressions de la société de consommation, et que les bibliothèques ne s'honoraient pas en cessant de résister et d'offrir une alternative à ces pressions.

    Mais je n'avais pas pensé que les lecteurs étaient aussi soumis aux pression de la société de l'information, du moins pas dans ce sens. J'avais toujours pensé la société de l'information en termes de flux gigantesque de sujets traités, mais pas dans les termes opposés, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas traité.

    Je pense qu'une bibliothèque est moins utile lorsqu'elle renforce ses lecteurs dans leurs habitudes de lectures, quelles qu'elles soient, que lorsqu'elles les aident à en sortir.

    Or, si on veut répondre aux besoins du public et si on se contente d'être médiateur entre les lecteurs et les documents, on coupe nécessairement les lecteurs de ce qui n'est pas traité par les médias, ou du moins à la marge, et donc de ce qui n'est pas familier aux lecteurs.

    On devient simple technicien là où on devrait plus que jamais garder une vocation de passeur.

  • un peu comme quand dans un débat sur les subventions publiques à la presse je pointe 3 M€ de subventions de l'Union européenne à courrier international sur un blog spécialisé dans la veille sur les questions de presse et que ça fait à grand peine l'objet d'un "merci, c'est intéressant"...

  • @johnmarguerite,

    "Je pense qu'une bibliothèque est moins utile lorsqu'elle renforce ses lecteurs dans leurs habitudes de lectures, quelles qu'elles soient, que lorsqu'elles les aident à en sortir."

    Oui, je suis de ton avis.

    @Edgar,

    Chacun voit midi à sa porte. Chacun a ses marottes. Je respecte les tiennes, laisse-moi les miennes!

  • tu donnes déjà un élément de réponse : le suicide des ados ça doit pas être la marotte des médias, comme la faim dans le monde et les subventions de l'Union.

  • @Eric

    Tu as raison. Dans la recherche de la vérité, du comportement juste, laisser les médias traditionnels, les ignorer c'est ne pas les confronter. Ne pas les confronter c'est laisser pour acquis qu'ils disent la vérité. Je ne suis pas d'accord avec ça.
    Maintenant en terme de choix, est-ce que j'essaye de lutter, de les démonter, d'expliquer en quoi ils sont à côté de la plaque, ils trompent, et manipulent à chaque fois que je le vois? ou est-ce que j'essaye de trouver un média qui me satisfasse, ou mieux, j'essaye de produire ma propre information au plus près de cette fameuse vérité?

    Pour les médias, j'ai fait mes choix, pour la banque aussi. Dans de nombreux cas, je choisis de désapprouver, de reconnaître que ça ne me correspond pas, et je construis autre chose ailleurs avec d'autres.

    C'est à dire que ce n'est pas très sain (à mon goût) de modifier, rééditer, retravailler le travail des autres en permanence à base de: "moi j'aurai fait ça"
    C'est d'ailleurs le métier de critique, ça existe, mais en terme d'énergie, je ne trouve pas ça très constructif sur le long terme, et je trouve qu'une énergie contre quelque chose est moins belle qu'une énergie pour quelque chose. Si on représente ça par un arbre, disons que là je suis sur la branche de l'autre, c'est lui qui a fait le travail, planté la graine, arrosé, et créé cette information ou produit. En étant critique, je suis sur sa branche. Si je recrée quelque chose, je repars avec une graine, je me trouve un terrain et je construis quelque chose, "ma création". Les deux sont nécessaires, utiles et constructifs, mais pour l'histoire des médias, j'ai fait mon choix.

    L'histoire du suicide, ce sont des personnes qui choisissent pour moi ce qui est bon ou non. Peut-être ces érudits ont été élus par le système auquel j'appartiens. Cela ne m'empêche aps de ne pas approuver chacune de leurs décisions.
    La liberté c'est avoir le choix. Avoir le choix d'être emprisonné, avoir le choix d'être prisonnier ou avoir le choix d'être autonome.

    Je n'ignore pas la réalité des médias dominants, je la connais, c'est une représentation de la réalité, pas la réalité. Chaque média n'est qu'une petite représentation de la réalité, mais à quoi bon me nourrir d'une représentation qui est fausse? à part vivre dans une bulle? un rêve? un fantasme? Cela peut me faire du bien ou être confortable, mais pour combien de temps? A quel prix réel?

  • @Zoupic,

    "C'est à dire que ce n'est pas très sain (à mon goût) de modifier, rééditer, retravailler le travail des autres en permanence à base de: "moi j'aurai fait ça""

    Oui, tu as raison: la critique a ses limites. Ce n'est qu'une phase. Ensuite, il faut produire du positif!

    Tu as raison d'être avant tout dans le positif, la création, la rencontre avec ceux qui partagent tes idées.

    De toute façon, on peut passer sa vie à critiquer ou à chercher à corriger nos défaut _ mais c'est en cultivant le positif qu'on avance.

    "Je n'ignore pas la réalité des médias dominants, je la connais, c'est une représentation de la réalité, pas la réalité. Chaque média n'est qu'une petite représentation de la réalité, mais à quoi bon me nourrir d'une représentation qui est fausse?"

    Bonnes question, que je laisserai en suspens!

  • @Edgar,

    Quand je parle de marotte, je veux dire que nous sommes des individus, nous autres les blogueurs. On n'a pas les mêmes moyens et les mêmes responsabilités que les grands médias: un blogueur écrit parce que ça lui plait, sur les sujets qui l'intéressent, comme ça lui plaît.

  • je ne suis pas sûr que ce ne soit qu'une question individus/blogueurs vs institutions/medias.

    j'y vois plutôt des questions d'orientation idéologique. chacun ne retient que ce qui cadre avec sa conception du monde. de même qu'eolas ne fera jamais un billet sur frontex et la politique d'immigration européenne, tu ne vas pas taper sur l'ue parce que c'est réservé aux méchants et je ne saluerai pas tel exploit de l'union européenne (il est vrai que c'est rare).

    si c'est le méchant gouvernement sarkozy qui subventionne les blogueurs et que la blogobulle s'agite : ouvrons les robinets, les billets pleuvent. si c'est la gentille UE qui subventionne les gentils de courrier international, ça n'est même pas un sujet.

    alors même que les thèmes sont identiques (quelle dépendance de celui qui reçoit les fonds par rapport à celui qui les verse etc...)

  • Très juste. Ça ouvre la question du pourquoi les médias délaissent-ils certains sujets ? D'où vient cette "entente préalable" qui fait que l'ensemble des acteurs médiatiques décide de ce silence.
    On avait parlé et on parle encore de la manière dont on forme les journalistes, les filières dans lesquelles on les recrute…
    :-))

  • @Zoupic @Eric :
    Sur le suicide et les médias, il y a des infos et des stats très intéressantes sur http://agora.qc.ca/thematiques/mort.nsf/Dossiers/Medias (paragraphe "MEDIAS ET SUICIDE").

    Si effectivement il y a une corrélation, j'estime que c'est la moindre des choses de faire preuve de discrétion. Lorsque ce type d'information a un impact sur la vie démocratique d'un pays (suicide provoqué par un harcèlement, par exemple), il me semble légitime de le dire. Mais pour tout le reste, je pense que le risque dépasse l'intérêt de l'information.

  • Plutôt d'accord avec Edgar quant au choix que l'on fait en tant qu'individu blogueur d'accepter la pub de tel ou tel média subventionné.

    Dans ton billet, très intéressant du reste, il est question de traitement de l'information, d'angles de vues traités et non traités comme par exemple sur Haïti, par contre tu fais complètement l'impasse sur ce qui me semble le plus important : qui contrôle les médias ? A priori, peu le sont par les journalistes eux-mêmes à l'heure où plus de la moitié des plumitifs n'est plus sous CDI...

  • @Des pas perdus,

    Qui contrôle les médias? Tu poses là une question essentielle. Mon billet était sans doute trop général et trop abstrait; quand on se penche concrètement sur l'aspect économique des groupes médiatiques, on comprend concrètement ce qui se passe.

  • Raisonner comme tu le fais indique que tu souscris à l'idée selon laquelle les choses existent parce qu'elles font l'objet d'une attention des médias et que donc, à l'inverse, elles n'existent pas si elles ne font pas l'objet de cette même attention; C'est curieux - peut on parler des 1/3 - 2/3 d'un iceberg ? La partie cachée n'existe t-elle pas ? Peut on au juste nous dire quelle est l'influence de la non publication d'articles sur le suicide des jeunes ? Ou l'inverse, quelle serait cette influence si des articles étaient publiés ?

  • @Didier,

    Les médias ont le pouvoir qu'on leur donne.

    Qui peut nier qu'un intellectuel médiatique "existe" plus qu'un intellectuel inconnu?

    Je ne nie pas l'état de fait, à savoir l'importance de la partie émergée de l'iceberg, mais la partie émergée est sans doute la plus intéressante, la plus riche.

  • C'est mentir par omission..

    Les Anglais n'ont pas trop apprécié les dernières omissions de la BBC..

    à lire ici:

    http://laurentgrandsimon.hautetfort.com/archive/2010/02/25/mentir-par-omission-une-forme-classique-de-propagande.html

  • tu es marqué dans la chaine "jeu d'écriture n° 3"

  • Un pouvoir d'oubli volontaire, sans doute à rapprocher du vrai pouvoir, absolu et définitif. Celui de susciter la peur de la réaction, le déclic du mutisme.
    Et c'est peut être ce qui relativise le "pouvoir" des médias, au fond, web compris. Quand ça devient vraiment sérieux, la "mascarade" médiatique se tait d'elle-même.

  • @Laurent,

    Le pouvoir des médias prend une plus grande force en contexte, quand il est lié aux autres pouvoirs.

  • Voilà un article comme je les aime : direct. Pour une fois, on parle avec justesse des médias et de leurs comportements. Voilà des années qu'ils m'exaspèrent : monter en épingle un feu isolé dans une banlieue pas si terrible qu'on le dit, passer sous silence les dérives de certains flics, etc.
    Ils font la pluie et le beau temps de la politique et disposent un pouvoir de désinformation immense. Infiniment regrettable pour une démocratie et vraiment dommageable.
    Pour moi, depuis les états généraux de la presse, les médias sont plus que jamais à la botte du pouvoir : il en va de leur survie.
    Donc plus du tout d'objectivité, encore moins d'enquêtes sérieuses. Foin d'articles révélateurs, mais des articles aguicheurs, ça oui.
    Voilà quelques décennies que les journaux, toutes tendances confondues, parlent de la même chose pendant un laps de temps donné, puis, sans transition, parlent d'autre chose pour l'oublier tout aussitôt et entamer le sujet suivant. Si c'est ça le journalisme... autant ne plus acheter une feuille de chou et se retirer du monde.

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