Avec l'avènement des médias sociaux, la fonction de médiation des journalistes est remise en cause. Ils fournissaient une explication du monde, mais leur position est menacée. Ils subissent une vexation existencielle: et si on n'avait plus besoin d'eux?
Sur Internet, il est impossible de tout voir, de tout connaître. Là où je suis, je ne peux pas avoir une carte complète du web. J'habite dans tel lieu, je possède tels codes sociaux, je connais telles personnes: au-delà c'est l'inconnu.
En lisant le journal Le Monde (et d'autres), nous avons, au contraire, l'illusionde tenir le monde entre nos mains. Le monde décrypté, expliqué, « désensauvagé ». L'expertise des journalistes, la confiance que nous avons en eux, suffisent à créer cette illusion _ qui est plus qu'une illusion.
Aujourd'hui, avec l'avènement des médias en relation directe avec le public, c'est cette vision du monde qui vole en éclats.
Médias directs
Avec Twitter, par exemple, une institution, une célébrité ou un média s'adresse directement à moi. Je sélectionne des sources, des flux, des lieux de rencontre virtuels. Et c'est cela, finalement, qui compose ma vision du monde _ mais impossible de la tenir entre mes mains, comme un journal.
Au point où nous en sommes, il est difficile de dire si le modèle classique du journal va disparaître au profit de plateformes accueillant la multiplicité des voix, comme c'est le cas sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, etc.)
Ce qui est certain, c'est qu'Internet a bouleversé le paysage. Les intermédiaires, que sont les journalistes, sont déstabilisés.
La vexation du journaliste
Les journalistes avaient pour fonction de nous expliquer le monde. Aujourd'hui, il subissent une vexation, un peu semblable aux trois vexations dont parle Freud, la vexation cosmologique de Copernic, qui a laissé rouler la Terre hors du centre de l’univers ; la vexation de l’évolutionnisme biologique de Darwin, qui fit des hommes des cousins et des cousines des primates ; et la vexation psychanalytique de Freud lui-même, qui ôta aux sujets bourgeois l’illusion que leur Moi serait maître chez lui. (source: Multitudes)
De fait, la hiérarchie de l'information est modifiée: ce ne sont plus les journalistes qui la définissent, c'est le public.
La question qu'on se pose, c'est: « a-t-on besoin d'une explication globale du monde, comme nous la proposaient les journaux, et si on perd cela quel est le risque ou plutôt quelles sont les perspectives nouvelles qui s'offrent à nous? »
photo: source