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Les journalistes et le combat du Monde diplomatique

Dans le dernier numéro du Monde diplomatique, Serge Halimi fait un tour d'horizon de la crise de la presse (crise qui n'épargne pas le Monde diplomatique, dont les ventes sont en baisse depuis 2003, malgré un sursaut en 2008 _ ainsi que le précise Halimi).

Un des grands mythes qui a accompagné l'aventure du journalisme, c'est celui du journaliste garant de la démocratie. Halimi le relativise:

"Si les tourments des médias indiffèrent une large fraction de l’opinion, c’est pour partie qu’elle a compris une chose : la mise en avant de la « liberté d’expression » sert souvent de paravent aux intérêts des propriétaires de moyens de communication. « Cela fait plusieurs décennies, estime le cofondateur du site dissident CounterPunch.com Alexander Cockburn, que les journaux dominants ont plutôt fait obstruction ou saboté les efforts destinés à améliorer notre situation sociale et politique. » Les enquêtes et reportages diligentés par la presse, de plus en plus rares, permettent surtout de préserver la fiction d’un journalisme d’investigation pendant que prolifèrent dans d’autres pages faits divers, portraits, rubriques de consommation, de météorologie, de sport, copinages littéraires. Sans oublier le simple copier-coller de dépêches d’agences par des salariés en voie de déqualification rapide".

Les grands groupes médiatiques sont mis en cause: 

"En 1934, le dirigeant radical français Edouard Daladier fustigeait les « deux cents familles » qui « placent au pouvoir leurs délégués » et qui « interviennent sur l’opinion publique, car elles contrôlent la presse ». Trois quarts de siècle plus tard, moins d’une vingtaine de dynasties exercent une influence comparable, mais à l’échelle de la planète. Le pouvoir de ces nouvelles féodalités héréditaires — Murdoch, Bolloré, Bertelsmann, Lagardère, Slim, Bouygues, Berlusconi, Cisneros, Arnault… — excède souvent celui des gouvernements. Si Le Monde diplomatique avait dépendu de l’une d’entre elles, eût-il mis en cause le contrôle de l’édition par Lagardère ? Le destin qu’Arnault inflige à ses ouvrières ? Les plantations de Bolloré en Afrique ?

Serge Halimi donne l'exemple de Libération où le directeur, Laurent Joffrin, s'affiche "en tribun de la liberté de la presse":

Revenant sur les conditions de son départ de Libération, le quotidien qu’il avait fondé, après qu’Edouard de Rothschild eut fait irruption dans le capital du journal, Serge July précise : « Edouard de Rothschild (…) acceptait de s’engager financièrement, pour autant que je m’engage à quitter non seulement mes fonctions, mais le journal. Je n’avais pas le choix, j’ai accepté tout de suite. » Il est assez piquant que son successeur, imposé par l’actionnaire, prétende aujourd’hui s’afficher en tribun de la liberté de la presse.

Commentaires

  • Billet d'utilité publique! C'est navrant, mais des mots précis sont mis sur un malaise que le simple lecteur ressentait depuis longtemps.

  • je n'y peux rien mais je suis tjrs un peu bcp agacée par ce côté self righteous du diplo, on est les meilleurs, on est les seuls, qui à part nous, qui mieux que nous. A la longue, ça me gonfle.
    Cela mis à part, Je crois qu'une partie de la désaffection des lecteurs du mensuel, provient aussi d'un certain immobilisme, d'un vieillissement de la réflexion encore trop axée nord sud.

  • @marsupilamima,

    Oui, le diplo est l'organe officiel de l'anti américanisme, comme disait je ne sais plus qui.
    Mais j'ai trouvé l'enquête de Halimi assez juste, finalement.
    L'indépendance des journalistes, c'est un sujet qui fait débat, aujourd'hui en France?

  • Je suis d'accord sur le fond avec halimi, c'est juste sa façon de dire on est les plus meilleurs, les seuls non corrompus etc...Sinon, il ne faut pas mélanger l'indépendance des journalistes (comme personnes), des rédactions (comme entité avec une hiérarchie etc) et l'indépendance économique.

    ps tiens ta réponse était plus longue par mail donc je réponds: sinon, une des raisons qui m'ont fait quitter le monde (c'était un plan de départs volontaires finalement et non des licenciements secs comme prévus par la direction, rappelle toi, j'ai choisi et décidé de partir...), c'était la perspective d'un achat par lagardère (le monde.fr lui appartient déjà à moitié)ou Bolloré ou un autre.

  • @Marsupilamima,

    Oui, j'ai supprimé une partie de ma réponse, parce que je pensais que c'était un peu hors sujet!

    Tu as raison sur le point "on est les meilleurs", les plus purs. Sans doute. Mais ça fait partie du jeu. Le Diplo n'est pas le seul à jouer sur ce registre: Mediapart (sans parler du Plan B, ou d'Acrimed mais là il s'agit de médias très spécialisés).

    Enfin, d'accord sur le fait qu'il ne faut pas faire l'amalgame entre indépendance des journalistes et indépendance économique (même si c'est tentant).

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