Le journal « Le Monde » fête son 20 000ème numéro et publie un supplément qui reproduit 20 Unes, de 1945 à nos jours.
En découvrant ces Unes, ces titres, ces événements, on est saisi d'une petite émotion...
- Hitler est mort. La première Une sélectionnée par la rédaction du Monde date du 3 Mai 1945: « HITLER EST MORT ». Un titre en lettres capitales. Trois mots. Une information au sens « transcendental »: le mal a été vaincu.
Et, en lisant cette Une du « Monde », on est surpris. Vous souveniez-vous de l'Amiral Doenitz, qui succéda à Hitler en tant que Führer-bis? Saviez-vous que l'Angleterre et les Etats-Unis se battaient pour diffuser le bolchévisme? C'est ce que déclarait l'Amiral Doenitz dans ce 3 mai 1945.
- De Gaulle, président de la République et de la Communauté. Le 23 décembre 1958, de Gaulle est élu. « Le Monde » titre: « Le général de Gaulle est élu président de la République et de la Communauté ». Dans le style « Monde », un titre long, descriptif et sans humour. Il nous rappelle que la France était alors « La République et la Communauté ». Euphémisme pour dire « les colonies »...
En plongeant dans le gris du texte, on découvre les noms de messieurs Marrane et Chatelet, les candidats battus par le grand Charles. C'est la première fois que je lis leur nom, comme quoi...
(NB:
cette Une n'a jamais existé, c'est un montage obtenu en misant cette Une et
celle-ci)
- JFK, consternation et inquiétude. Les 24-25 novembre 1963, c'est l'assassinat de JFK. « Le Monde » ne lésine pas sur les sur et sous titres pour apporter tous les éclairages nécessaires.
Le titre « L'assassinat de John Kennedy soulève consternation et inquiétude ». Surtitre « A l'Est comme à l'Ouest ». Premier sous-titre: « Le président Johnson a pris possession de ses fonctions ». Deuxième sous-titre: « Un suspect a été appréhendé et inculpé ».
Une constante, semble-t-il des titres du « Monde »: ne pas se contenter d'énoncer es faits, mais très vite prévoir les conséquences de ces faits. Ici, « la consternation et l'inquiétude » suggèrent les conséquences de l'événement. (à lire Profession blogueur)
- On a marché sur la lune! Un très beau titre le 22 juillet 1969:
« DEUX HOMMES ONT FOULE LE SOL DE LA LUNE devant des centaines de millions de téléspectateurs ».
Dans ce titre, le mot important est bien sûr « téléspectateur ». Sans la télévision, l'homme serait-il allé sur la lune? Le progrès technique avait sans doute besoin de cette dimension narcissique pour croire en son existence.
La chronique de Sirius (le pseudo de Hubert Beuve-Méry, le directeur du journal) prend un tout autre relief, cosmique et philosophique. Le journaliste termine en s'interrogeant: « Oui, mais pourquoi? »
- Mitterrand. Le titre au lendemain du 10 mai 1981 est extraordinairement long: « La très nette victoire de M. François Mitterrand va au-delà du rassemblement de toute la gauche et aggrave les divisions de la majorité sortante ».
Là encore, on va au-delà des faits, on prévoit les conséquences.
Les mots importants dans ce titre: « très nette ». Généralement l'écriture journalistique bannit les adjectifs et encore plus les adverbes. Le « très nette » aurait pu être remplacé par le score (50,81%) mais on se serait alors aperçu que la victoire n'était pas « très nette »...
- La fin de l'URSS. On peut mettre face à face deux titres: « Les républiques slaves proclament la fin de l'URSS » (1991) et « Les Bourses saluent la naissance de l'euro » (1999).
Ce sont des titres classiques: sujet-verbe-complément. On peut les mélanger, façon collage surréaliste: « Les républiques slaves saluent la naissance de l'euro » et « Les Bourses proclament la fin de l'URSS ».
- Nous sommes tous des Colombani. La Une du 13 septembre 2001 vaut surtout par son éditorial « Nous sommes tous Américains », exceptionnellement signé (par Jean-Marie Colombani).
Le titre: « L'Amérique frappée, le monde saisi d'effroi ». un mot sur la forme: le titre en deux parties, balancées par une virgule. Je crois savoir que c'est une innovation récente du « Monde ». Je n'aime pas du tout ça. On a deux titres pour le prix d'un, mais c'est trop!
- Planète. Le 1er avril 2005, on retrouve un autre titre en deux parties: « Planète épuisée, progrès menacé: l'alerte de l'ONU ».
Ce qu'on note dans ce titre, c'est un glissement du journal vers le magazine. On s'échappe de l'actualité pour s'aventurer vers l'analyse. Sans doute un des signes que le « Monde » a changé et que les quotidiens ont évolué.
Cette Une est aussi un écho à la nouvelle rubrique du journal "Planète", apparue en 2008.
- Dieu? Le 27 décembre 2007, un titre un peu étrange: « Dieu domine le débat présidentiel américain ». Il fait d'une pierre deux coups: on parle de l'éction américain et de Noël dans le même titre.
- Môssieur Obama. Enfin, le vingtième titre choisi ne nous déçoit pas: « L'investiture de Barack Obama ».
Une remarque: « Le Monde » a abandonné l'habitude de faire précéder le nom de famille d'un « M. » Il faut vivre avec son temps: la politesse française n'est pas transposable dans toutes les langues.
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