Le coup de tête de Zidane. On l’avons vu en direct. Et puis on l’a revu. L’image a été téléchargée plus 1,6 million de fois sur Youtube. Journaux, télés et radios ont relayé le fait. Tous ont été interviewés : des joueurs, le frère de Zidane, le père de Materazzi, des psychologues, des sondeurs et, évidemment, Jacques Chirac ou Maradonna…
En un mot, une bulle médiatique a gonflé sous nos yeux. Comme pour les caricatures de Mahomet, l’épopée de Youssef Fofana, l’affaire Clearstream, le tsunami et la mort de Jean-Paul II.
La bulle médiatique est comparable à une bulle spéculative. Une bulle spéculative ou boursière est une surestimation de la valeur d’un titre ou de l’ensemble des valeurs d’un secteur.
On se souvient de la bulle d’Internet. La valeur de certaines entreprises a été surestimée. Puis, d’un coup, le cours des actions s’est effondré. La bulle a éclaté.
C’est en Hollande, au XVIIème siècle qu’on a observé la première bulle. La spéculation portait sur les bulbes de tulipes. En 1636, un seul bulbe valait un carrosse, deux chevaux et tout leur harnachement, selon un historien.
Peter Sloterdijk, philosophe allemand a expliqué le lien qui existe entre bulle médiatique et bulle spéculative. Il résume l’idée en une formule : « Les journalistes sont des marchands de tulipes ».
Il argumente: « Aujourd’hui, chaque sujet ou thème qui peut provoquer l’indignation collective, est à comprendre comme autant de tulipes. Et les journalistes, dans cette perspective, ne sont rien d’autre que des vendeurs de tulipes, qui vous proposent des tulipes chaque jour. Ainsi, ‘‘le 20 heures’’ avec ces informations est le moment critique de la journée où l’on propose à une population une dizaine de sujets sur lesquels elle pourrait facilement s’indigner. Les thèmes sont toujours choisis de telle sorte qu’ils contiennent un certain potentiel d’indignation. Et de temps à autre, l’affaire éclate. La plupart du temps on passe sur cette proposition d’excitation, sur cette proposition d’indignation, tout simplement parce que la population est fatiguée : on ne peut guère s’indigner tous les jours. Mais dans le même temps on apprécie vivement le fait que les journalistes fassent leur travail, lequel consiste précisément dans le fait de nous présenter continuellement un répertoire de possibilités de nous indigner. De sorte que la température d’indignation de la société reste toujours constante. »
Précisons que Peter Sloterdijk a été au centre d'une "affaire" il y a quelques années, lors de la parution d'un de ses livres, comme c'est expliqué ici. Il sait donc de quoi il parle.
S'il y a des vendeurs de tulipes, c'est qu'il y a des acheteurs. Supprimons les vendeurs et les acheteurs vont eux même cherchez leur dose de tulipes sur Youtube et ailleurs...