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Art, littérature - Page 6

  • L'été, la presse est philosophe

    La philosophie est à la mode. On s’arrache les livres de Michel Onfray et Luc Ferry… et même ceux d’Epictète, Nietzsche et Platon !

     

     

    La presse n’est pas en reste. Surtout en été, où il faut rivaliser d'imagination pour capter des lecteurs. Ainsi la philo a fait la couverture du Point et du Figaro magazine, la semaine dernière. Philosophie, un bimestriel lancé au début de l’année, sort son troisième numéro. Que faut-il en retenir ?

     

    Philosophie : agréable et léger

    Le projet de Philosophie est de capter un large public. Maquette agréable, semblable à celle du Magazine littéraire, dossiers fédérateurs (ce mois-ci le voyage, le mois précédent l’animalité), plumes célèbres (Glucksmann, Bouveresse et… Confucius) : tout est fait pour séduire. A première vue, on est séduit. Mais quand on creuse un peu, on est déçu. Les articles constituent une bonne initiation, pas plus.

     

    Toutefois, ces défauts sont contrebalancés par d’indéniables qualités : la diversité des sujets, les nombreux interviews, pistes de lectures, expos, films… Bref, c’est stimulant, mais un peu léger. C’est pourquoi il m’étonnerait que Philosophie connaisse le succès de Psychologies.

     

     Un Point, c’est tout

    Le dossier du Point a été confié à Roger-Pol Droit, un connaisseur des philosophies antiques et orientales. Le résultat est tout juste passable. La philosophie antique est-elle une thérapie efficace pour l’homme moderne ? Oui, jusqu’à un certain point. Elle est une solution individuelle, or beaucoup de problèmes modernes sont globaux. De plus, les philosophes de l’antiquités doivent être replacés dans leur époque : leurs leçons ne sont pas transposable tel quel.

    Ce dossier est complété par dix fiches biographiques de philosophes : Pythagore, Socrate, Antisthène, Diogène, Épictète, Sénèque, Plotin, Porphyre, Boèce, Marc Aurèle.

     

    Le Fig Mag et la philo MEDEF

    Le dossier du Figaro Magazine est beaucoup plus étriqué. Son but semble être de promouvoir le dernier livre de Luc Ferry, qui pourtant n’ en a pas besoin (180 000 ex. vendus).

    Mais la goutte qui fait déborder le vase, c’est l’article où des « spécialistes du bonheur » donnent leurs recette. Parmi eux : Laurence Parisot, présidente du MEDEF. Selon elle, le bonheur naît de l’écoute : « Nous détournons la valeur française de l'égalité en nous interdisant d'admirer et de louer les qualités et les succès des autres. Tout cela fabrique des frustrations et des illusions qui aiguisent la jalousie. » Ah ! Si les pauvres pouvaient se contenter d’admirer messieurs Arnault et Pinault ! Vanter les inégalités au non de l’égalité : décidément, Mme Parisot est une philosophe décoiffante…

    En résumé, si la presse s’intéresse à la philo, ce n’est pas pour des raisons philosophiques. A l’exception de Philosophie, qui mérite d’être découvert, le reste ne vaut pas grand chose.

    Cet été, sur la plage, prenez plutôt un bon livre de Nietzsche !

     

     

    Quelques liens...

  • Claude Lévêque s'expose

    Une exposition intéressante, en ce moment, au Centre Pompidou. Elle s'appelle Le Mouvement des images. Elle interroge le lien en art et cinéma au XXème siècle.

    L'exposition donne à voir plein d'oeuvres qui ont le mouvement pour point commun. Les rotoreliefs de Duchamp sont regroupés avec des oeuvres Delaunay et Calder dans une très belle salle.

    J'ai beaucoup aimé la salle consacrée à l'installation de Claude Lévêque. Elle est intitulée Valstar Barbie (voir photo). Le spectateur est plongé dans une lumière rose tamisée. Une musique lancinante l'invite à entrer. Sur le sol, trois cylindres lumineux ornés d'ampoules lumineuses clignotent en rythme. Et, au fond de la salle, un escarpin rouge à talon aiguille, haut d'un mètre cinquante, trône. Les spectateurs aiment bien se photographier dans cette salle avec leur portable.

    A ne pas manquer également: l'exposition Claude Lévêque au MAC/VAL (Musée d'Art contemporain à Vitry-sur-Seine).

  • Warhol, un sujet difficile à interviewer

    _ Vous êtes un sujet difficile à interviewer !
    _ Je vous ai prévenu, je ne dis pas grand-chose.
    _ Je sais, je sais. Parler n’est pas grand-chose, faire est tout.
    _ Oui.
    _ Vous ne voulez pas parler du tout ?
    _ Hé non.


    Cet échange entre un journaliste allemand et Andy Warhol a eu lieu en 1967. A cette époque, Warhol était déjà l’artiste majeur du Pop art. Il répondait à beaucoup d’interviews. Mais il était différent des autres artistes. En effet, au lieu de parler de son œuvre en long et en large, il se taisait ou bien répondait par monosyllabe ou encore se contentait de propos banals. Si banals qu’ils passaient pour profonds. Et souvent ils l’étaient.
    Un livre, qui vient d’être publié en France, permet d’écouter Andy Warhol. Il est intitulé sobrement Andy Warhol _ Entretiens 1962 / 1987. Il contient trente huit entretiens. Il offre un survol complet de la carrière de celui qui fut avant tout peintre mais aussi cinéaste et éditeur. Il permet de sentir l’effervescence qui régnait autour de la Factory, lieu de création new yorkais où affluaient artistes, comédiens et chanteurs.


    Pour Warhol, la pratique de l’interview était ludique. Quelquefois, il se contentait de répondre par oui ou non. Sa réponse préférée était « je ne sais pas ». Il lui arrivait aussi de ne pas répondre…
    Malgré ou grâce à cette économie de mots, quelques phrases ont survécu. La plus connue est : « Dans le futur, tout le monde aura son quart d’heure de célébrité ». Il disait aussi : «Je voudrais être une machine, et je me dis que ce que je fais comme une machine, c’est exactement ce que je veux faire.»
    Une autre phrase est souvent citée : « Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, contentez-vous de regarder à la surface de mes peintures et de mes films et de ma personne, c’est là que je suis. Il n’y a rien derrière ». Elle explique, sans doute, pourquoi il rechignait à répondre aux journalistes. Puisque tout est en surface, à quoi bon expliquer ? L’explication, elle-même, reste en surface…

    Il est évident que cette façon de faire a quelque chose à voir avec la philosophie. On peut en savoir plus en lisant Ma philosophie de A à B et vice versa.

    Ne pas trop parler, se limiter à la surface des choses, voilà deux traits qui rapprochent Warhol d’un philosophe contemporain : Ludwig Wittgenstein. Dans le Tractatus Logico philosophique, ce dernier évoque sa méthode philosophique : « La bonne méthode philosophique serait ceci : ne dire rien excepté ce qui peut être dit, c’est-à-dire les propositions de la science naturelle, c’est-à-dire quelque chose qui n'a rien à voir avec la philosophie. Et alors, quand quelqu'un souhaiterait dire quelque chose de métaphysique, il faudrait lui démontrer que certains signes dans ses propositions n’ont aucune signification.  Cette méthode serait aussi insatisfaisante que l'autre (il n'aurait pas le sentiment que nous lui enseignions la philosophie) mais ce serait la seule méthode strictement correcte. » Nous n’en dirons pas plus.
    Warhol a également dit : « J’aime les choses ennuyeuses. » Cette phrase a été diversement interprétée. L’extrait qui suit est une explication. Forcément décevante, vous l’aurez compris :
    _ Vous avez dit : « J’aime les choses ennuyeuses. » Comment le divertissement peut être ennuyeux ?
    _ Si vous vous asseyez et regardez par la fenêtre, c’est très agréable.
    _ Pourquoi, parce que vous ne pouvez pas prévoir ce qui va se passer, ce qui va se dérouler sous vos yeux ?
    _ Ca prend du temps.
    _ Vous êtes sérieux ?
    _ Oui. Vraiment. Vous voyez les gens regarder par la fenêtre tout le temps. Je le fais.
    _ En général ce sont des gens coincés là où ils doivent être, comme une personne âgée ou une mère qui attend que les enfants reviennent de l’école. Et, d’habitude, ils s’ennuient.
    _ Non, je ne crois pas. Et quand vous ne regardez pas par la fenêtre, vous attendez dans une boutique en regardant la rue.
    _ Vos films sont simplement une façon de prendre son temps ?
    _ Oui.
    Warhol a aussi été comparé à un maître Zen. Le maître Zen, on le sait, pose des question étranges, nommées koan. Ses réponses sont tout aussi surprenantes. Dans le dernier entretien qu’il ait donné, en avril 1987, on peut voir un Warhol très Zen :
    _ J’ai vu Ileana Sonnabend aujourd’hui et je lui ai demandé quelle question je devrais vous poser, et elle m’a répondu : « Je ne sais pas. Tout lui est égal, à Andy. »
    _ Elle dit vrai.
    Comment décririez-vous ce point de vue.
    _ Je ne sais pas. Si elle l’a dit, elle dit vrai. (Rires).
    _ C’est très zennien, ça.
    _ Zennien ? Qu’est-ce que c’est ça ?
    _ Comme zen.
    _ Zennien. Un très bon mot. C’est un bon titre… pour mon prochain livre.
    Avec Andy Warhol, l’humour était une arme puissante. Zennienne…
    Et pour réussir à piéger cet interviewé récalcitrant, le mieux était de jouer à son propre jeu. C’est ce qu’a réussi à faire un adolescent qui l’a interviewé en 1969 pour le journal de son école. Après quelques questions pompeuses auxquelles Warhol répondait par des monosyllabes, l’interviewer frustré demanda :
    _ Aimez-vous la ciboulette ?
    _ Quoi ?
    _ Aimez-vous la ciboulette ?
    _ Hum ?
    _ Aimez-vous la ciboulette ?
    _ Ciboulette ?
    _ Oui.
    _ Ciboulette ?
    _ Oui.
    _ C’est quoi la ciboulette ? Vous voulez dire ces choses que vous mettez dans…
    _ Le fromage frais.
    _ Hum ?
    _ Le fromage frais ?
    _ Oh oui, je vois.

    Une question reste en suspend à la lecture de ces entretiens : fallait-il interviewer Andy Warhol ? Il aurait répondu : « Je ne sais pas. » Enfin, peut-être…

    Quelques liens

    Biographie et informations sur Warhol.

    Un blog où un fan reproduit, jour après jour, le journal d’Andy Warhol, à trente ans d’intervalle. Un projet fou.

    La dernière exposition de Warhol en France a eu lieu à Lyon, l’an dernier.

    Le Musée Andy Warhol à Pittsburg (USA).
    La Fondation Andy Warhol.

     

  • LQR, la langue de la propagande

    lqrG.jpgA l’heure où l’on cherche des outils pour décrypter les médias, ausculter la langue de bois des politiques et démasquer les mensonges des communicants de tous poils ou de toutes plumes, un petit livre (petit par la taille) vient à point nommé. LQR, La Propagande du quotidien, d’Eric Hazan, est une critique efficace des tics de langage qui fleurissent dans la bouche et sous le stylo de ceux qui, on ne sait pourquoi, s'obstinent à se nommer « élite ».

    LQR : Lingua Quintae Republicae, Langue de la cinquième république en bon français. Cette langue est épurée à souhait. Elle parle de réforme pour signifier que la pilule sera dure à avaler. Elle dénomme modestes ou exclus les pauvres. Sa figure favorite est l’euphémisme.

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