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La précarité rend mystique (ou l'inverse?) (3)

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Ce billet est le dernier d'une série de trois. Il part d'une question simple: pourquoi Nicolas Sarkozy veut-il à tout prix  instrumentaliser la religion? La question doit être prise au sérieux.   (Le billet premier est ici et le deuxième là)

Quand on parle de mystique, on pense forcément à Nicolas Sarkozy. La religion, il en parle sans arrêt. Je pense qu'il faut le prendre au sérieux sur ce sujet.

Pourquoi Nicolas Sarkozy met-il la religion à toutes les sauces? Pourquoi a-t-il écrit deux livres* sur la religion? Pourquoi a-t-il créé le conseil du culte musulman? Pourquoi s'est-il fait filmer de nombreuses fois en compagnies de rabbins? Pourquoi a-t-il baisé la main du pape et prononcé son discours de Latran?

Opium du peuple pour les banlieues

Avonçons une explication relativement simple et classique. Pour lui, la religion doit remplir son rôle d'opium du peuple. Il l'a dit à plusieurs reprises.

Ainsi, dans les banlieues, les religieux pourront suppléer au manque d'assistantes sociales. Avec, en plus, ce "supplément d'âme" du religieux. Cette fameuse supériorité du curé sur l'instituteur, énoncée par le chef de l'Etat dans un curieux discours.

De tels discours confortent les religieux. C'est un feu vert pour une contre-offensive de ces conservateurs. Les militants anti IVG, anti gay, par exemple, peuvent espérer être mieux entendu. Régression assurée.

L'économie mondialisée fait des victimes. Pour ces "déchets" de la société capitaliste, comme les désigne, pour dénoncer leur situation, le sociologue Zygmunt Bauman, il ne reste plus qu'à se trouver un dieu, une religion ou une drogue pour oublier. C'est, du moins, le point de vue des conservateurs, auxquels Sarkozy emprunte l'idéologie, comme l'avait remarquablement démontré Serge Halimi.

Mystique de mauvais aloi

La mystique de mauvaise aloi, ce sont aussi les sectes. Ne pas sous estimer le sujet, ne pas l'occulter non plus. Dans le domaine, Nicolas Sarkozy a toujours été très ambigu: pas de condamnation ferme des sectes. Un laisser faire très libéral.

On peut lire à ce sujet ce rapport, publié en 2004. Il émane de la Miviludes, organisme chargé de lutter contre les dérives sectaires.

Ce qui me paraît intéressant dans ce document, c'est l'analyse des doctrines qui soutendent l'ultra-libéralisme. La religion y joue un rôle de consolation, d'opium du peuple.

L'auteur écrit notamment: "Un faisceau de présomptions tend à montrer que le Pouvoir institué au sommet par les élections législatives et présidentielles de 2002 essaie d'instrumenter les religions, les sectes et la nébuleuse New Age" 

Sans chercher à voir des complots là où il n'y en a pas, il faudrait être aveugle pour ne pas, tout simplement, s'interroger sur le rôle joué par les religions dans l'action politique de la droite, et notamment de Nicolas Sarkozy.

Communication et injonctions paradoxales

Autre point intéressant de la stratégie de communication de Nicolas Sarkozy (et de la droite depuis 2002): les injonctions paradoxales, le recours au double discours, comme je l'avais déjà évoqué.

"Le recours au double message contradictoire et aux injonctions paradoxales, l'usage du double bind, semble apparaître comme une technique de communication politique du gouvernement actuel."

L'exemple le plus frappant de cette politique du double discours, c'est d'un côté on fait un Grenelle de l'Environnement et de l'autre le rapport Attali. 

Novlangue officielle

L'analyse de Laurent Fabius me paraît pertinente: "Ce qui me frappe aussi, c’est la novlangue officielle, cette communication érigée en propagande. " (24 novembre 2007)

Ainsi, si Nicolas Sarkozy essaie de modifier la loi de 1905 sur la laïcité (comme il en a plusieurs fois exprimé le souhait), dirons-nous que ça n'a aucune importance?

 

* Son premier livre, sur Mendel, et son livre sur la religion et la république

Commentaires

  • Par rapport à la religion (aux religions), il va de soi que Nicolas Sarkozy se fourvoie. D'un autre côté, le pont-aux-ânes que vous assénez d'entrée de jeu (religion = opium du peuple) interdit toute discussion, sur ce sujet qui la mériterait pourtant.

  • Ne faut il pas faire un distingo entre "religion" et les "églises" qui les portent ? Ton choix de vocabulaire n'est peut être pas adéquat car il me semble que c'est plus aux "églises" instruments de pouvoir que s'adresse Sarkozy qu'aux croyants et à leur foi - ceci explique d'ailleurs assez bien son obstination à créer une structure pour l'islam en France.
    Et aujourd'hui je vais être d'accord avec Didier Goux, parler d'opium du peuple n'est pas heureux, je respecte trop la foi de certains de mes amis pour voir en eux des gens qui cherchent à s'évader dans je ne sais quel chemin

  • @Didier,

    Les religions sont pleinement respectables.
    Mais la ligne jaune est franchie quand on l'utilise à des fins politiques.

    L'expression opium du peuple a été reprise par Marianne. Elle me paraït juste pour qualifier les visées de Nicolas Sarkozy, même si ce ne sont que des visées.

  • l'expression n'est pas nouvelle... "la religion est l'opium du peuple" et certainement pas de Marianne... ;))
    mais c'est interessant, on pourrait alors remplacer dans cette expression le mot 'religion' par "foi "ou tout simplement 'espoir' ou 'espérance'
    il y a qq chose de formidablement trompeur dans cette notion de foi (qu'elle soit religieuse ou pas) qui implique forcément l'espoir, parce que l'on pense communément que l'espoir fait vivre et donne de l'energie pour avancer dans la vie

    or, à mon sens, l'espoir maintient seulement en vie et ne donne pas souvent l'impulsion des actes, en tous cas pas pour la majorité de ceux qui s'y accrochent à tout prix.
    l'espoir maintient très souvent dans l'assujettissement , l'inertie, on s'accroche à l'espoir que tout va changer, va aller mieux, on s'en remet au très haut ou à je ne sais qui pour améliorer notre sort ou celui du monde.
    c'est au prix de l'espoir que des femmes battues restent auprès de leur tortionnaire, c'est à ce prix que les pauvres continuent à survivre sans se révolter haut et fort, c'est au prix de l'espoir

    c'est d'ailleurs pour cela que les politiques usent de ce mot, espoir, espérance, parce que ce mot est porteur de temporisation, d'attente, d'immobilisme...

    et c'est par désespoir que les gens se rebellent, se mettent à agir...

    enfin c'est ainsi que je le vois....

    (bien sur on peut aussi me rétorquer que s'il n'y avait de l'espoir dans les luttes elles n'aboutiraient pas, certes, cependant si l'on réfléchit un peu à l'Histoire, et si l'on s''arrete un peu sur la condition des pauvres et des précaires, l'espoir ne leur sert à rien....sinon à leur faire accepter leur condition)

  • @Anne,

    Oui, je sais bien que l'expression est de Marx!

    L'espoir fait vivre! L'espérance est une vertu. Mais une vertu trompeuse, comme tu le dis justement.
    Le livre de Nicolas Sarkozy s'appelait, justement La république, l'espérance et les religions.

  • oui, ok pour la chute de ton sujet en trois phase...si pour la première j'étais moins convaincue. Bien sûr qu'il vient redonner du culte et de la religion comme d'ailleurs on sort la rangaine du foot ou du rugby dans toute notre vie quotidienne..et pendant l'été, on passe le relai à Intervilles...et pendant ce temps, on ne pense plus...on se soutient comme on peut...c'est effectivement une grande question , si de plus tu fais le lien avec l'ouverture large faite aux mouvements sectaires et attaques contre la Miviludes..

  • Je me demande si vous avez bien raison d'aborder de tels sujets. Marianne et Sarkozy, c'était très bien : pourquoi vouloir à tout prix faire du hors-piste ? Et sans les bâtons, en plus ?

  • Qui c'est le gars à côté du Pape ?

  • @Farid,

    Tu veux dire: qui est le gars à côté de Sarkozy?

    (Non, tu fais bien d'inverser la blague)

  • @didier goux, désolée, je comentais l'article , et l'associait librement , mais n'entrais pas dans un fil de discussion..pour autant je maintiens qu'il y a des utilisations politiques de certains themes "tranquillisants" ...pour la population...

  • l'espérance n'est pas une vertu...Eric, non (heu...c'est quoi une vertu d'abord ?) et elle ne fait que survivre, pas vivre

  • @Anne,

    Pour ta gouverne, sache que la foi, l'espérance et la charité sont les trois vertus théologales!
    Ca t'en bouche un coin?

    Comme on le disait, l'espérance est une vertu trompeuse, mais l'absence d'espérance (le désespoir), c'est la mort. L'homme ne peut vivre qu'en se projetant. Et s'il ne peut se projeter dans une espérance, il meurt.

    (Ce qui est trompeur, à la réflexion, ce n'est pas l'espérance en elle-même, mais les faux espoirs).

  • eric, ça ne me bouche rien du tout :))
    parce que ce tu affirmes comme étant des vertus ne le sont que pour ceux qui croient en dieu....
    il en est de même pour tout ce qui est proné par la religion chrétienne (ou une autre)
    ces références là ne sont pas le s miennes, elles ne valent donc rien pour moi, (ceci dit je respecte ceux qui s'y réfèrent)

    s'il faut se référer à cela pour pouvoir vivre , alors il faudrait aussi accepter toutes les autres injonctions divines ou préceptes religieux
    (l'ultime espérance pour les chrétiens étant d'intégrer le paradis)

    je ne crois pas tant que cela à cette assertion : qu'il faille de l'espérance pour vivre, sinon mourir
    on peut tout à fait avancer dans la vie, sans espérance particulière, et l'absence d'espérance n'est certainement pas le désespoir.Entre les deux peut-être y a t-il la place pour ce qu'on appelle la lucidité...

    et la distinction que tu fais entre l'espoir et les faux espoirs, j'avoue ne pas la saisir
    qu'est-ce qu'un faux espoir ? Un espoir jamais devenu réalité ? mais l'espoir n'a jamais eu comme définition la certitude qu'ils serait réalisé Eric....

  • @Anne,

    Ce que j'appelle faux espoir, c'est quand on espère en quelque chose qui se révèle décevant quand on l'obtient.

    D'accord avec toi sur le fait que l'"on peut tout à fait avancer dans la vie, sans espérance particulière, et l'absence d'espérance n'est certainement pas le désespoir."
    Cela dit, je pensais comme toi, mais je pense moins comme ça. Même si je ne saurais pas te dire exactement ce que j'espère...

    Enfin, bien sûr que tu peux rejeter ces éléments de la doctrine chrétienne. Pour moi, ce ne sont pas des éléments de croyance (je ne suis pas croyant), mais des éléments de connaissance psychologique.

  • Éric : si l'on se réfère à René Girard, toute chose est forcément décevante, une fois qu'elle est obtenue.

    Anne : ne pas croire en Dieu (ce qui est mon cas) ne suffit pas à ôter toute pertinence aux enseignement vétéro et néo-testamentaires, tout de même !

  • @ didier : certes, et d'autant plus que je suis agnostique, plutôt qu'athée

    ce qui est d'ailleurs en contradiction avec une autre partie de moi-même qui pense que tout ne doit pas être expliqué ou démontré....
    et bien sur que non, je ne rejette pas d'un bloc tout ce qu'a pu apporter la tradition judeo chrétienne, puisque cela a façonné l'homme, qu'il soit croyant ou pas ; les fondements même de la société actuelle reposent sur cette tradition, et ce que l'on appelle aujourd' hui morale laïque est quasiment identique à la morale chrétienne

    mais cela ne m'empêche pas d'exercer mon esprit critique, et de m'indigner , là, sur ce qu'elle a pu faire de notre capacité à accepter et à subir, sous prétexte d'espérance...

  • Il convient d'y ajouter, chère Anne, la culture gréco-latine (essentiellement grecque, donc). Nous sommes le produit de cette fusion judaïco-christiano-grecque. Ce qui, nous en sommes d'accord, ne signifie nullement que nous devons nous pétrifier dans cet héritage. Mais de là à le jeter par-dessus bord, et surtout au profit de "valeurs" aussi peu assurées d'elles-mêmes et strictement temporelles, telles que la démocratie, les droits de l'homme, etc., il y a une marge !

  • @Didier Goux : voilà un D.ieu qui pense à mettre du vin à la messe et vous n'appréciez pas l'effort ? Mécréant !
    :-)


    [Je casse un peu le niveau des commentaires mais il faut oser dans la vie, comme disait Jésus !]

  • «Pour ces "déchets" de la société capitaliste, comme les désigne, pour dénoncer leur situation, le sociologue Zygmunt Bauman, il ne reste plus qu'à se trouver un dieu, une religion ou une drogue pour oublier.»

    Dieu et l'État
    Bakounine


    :)

  • Merci de ton commentaire, un peu énigmatique.

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