L’écrivain-blogueur est un animal en voie d’apparition. Pour en savoir plus sur ce phénomène, j’ai interrogé cinq blogueurs : Irène Delse (écrivaine), Juan Asensio (critique littéraire), Pierre Assouline (écrivain, journaliste), Guy Birenbaum (éditeur, écrivain) et Loïc Le Meur (entrepreneur).
Leurs réponses indiquent que le blog est un bon outil pour la création littéraire. Il permet à l’écrivain d’entrer en contact avec ses lecteurs et de pratiquer l’écriture au jour le jour. Le blog, semble-t-il, est aussi un bon outil promotionnel. Enfin, l’écriture sur Internet entraîne une mutation de la notion de droit d’auteur.
Ces entretiens ont été réalisés par mail fin août 2006. A l'époque, je m'intéressais au blog de Michel Houellebecq. Je les ai oubliés pendant quelques temps et je les publie aujourd'hui.
L’intégralités des entretiens est à télécharger ici (en pdf):ecrivains_blogueurs.pdf
Pierre Assouline répond : « La tenue d'un blog ne dilapide pas l'inspiration dans la mesure où c'est le journaliste en moi, et non l'écrivain, qui blogue. Ce sont deux activités distinctes. »
Guy Birenbaum confirme : « Pas du tout c'est un entraînement quotidien. »
Selon Irène Delse : « Non, pas vraiment. J'ai écrit un roman de fantasy, L'Héritier du Tigre […] C'est un monde imaginaire, des personnages fictifs. Le blog a un contenu plus personnel, plus divers et plus ancré dans l'ici et maintenant. Le problème, c'est plutôt le temps que cela me prend. […] On devient vite accro. »
Quant à Juan Asensio : « Mon inspiration étant celle d'un critique, je ne risque pas grand-chose, encore que... Oui, sans doute : la superficialité généralisée telle qu'on peut en constater le triomphe sur la Toile n'est guère le synonyme d'une recherche approfondie, d'une lecture patiente, d'une écriture tentant de s'abriter du bruit, bref, l'antithèse même de la solitude de l'écrivain (et du critique un tant soit peu sérieux), horrible cliché qui est pourtant une évidence absolue. Ceci dit : dilapider ne me gêne point, proposer des textes qui demandent beaucoup d'efforts (ceux-là mêmes que j'exige en retour de mes lecteurs...), qui peut-être ont pu dessiller quelques regards sur l'état lamentable de la République française des lettres, voilà qui est bien la seule tâche digne d'être accomplie à notre époque... »
Pour Pierre Assouline, « non seulement la gratuité du blog ne devrait pas faire baisser la vente des livres d'un blogueur mais elle devrait l'augmenter car elle le fait connaître urbi et orbi de lecteurs qui ne connaissaient pas ses livres ».
Loïc Le Meur est du même avis : « C'est l'inverse, le buzz que génère le blog donne envie à aux lecteurs du blog d'acheter le livre, dans mon cas les ventes ont augmenté. »
Selon Irène Delse : « Non, au contraire. D'abord parce que je ne mets pas gratuitement en ligne tout ce que j'écris ! […] Ecrire ce blog, c'est un moyen de me faire connaître en tant qu'auteur. C'est aussi une façon de communiquer avec mes lecteurs (potentiels ou déjà connus), de faire passer des informations utiles (par exemple une signature, une date de publication...) et d'avoir des échos de leur part. Cette interaction avec les lecteurs est probablement ce qu'il y a de plus stimulant dans toute mon expérience de blogueuse. »
Selon Guy Birenbaum : « Je ne crois pas. On va voir. Mais ce que j'écris chaque jour est différent de ce que je dis à la radio et de ce que j'écris dans la presse comme dans mes livres. Disons que le blog est une très bonne bande annonce... Et un moyen de réagir en temps réel. Un média brûlant ! »
Qaunt à Juan Asensio : « Encore une fois, je vous répondrai franchement : je m'en moque. J'aurais même tendance à penser que le fait de réduire pour le moins drastiquement toute volonté d'exiger ces droits serait une belle leçon pour tous ces petits monsieurs qui, après avoir écrit un poème sur la queue de cerise croquée par Germaine, se déclarent Princes des poètes. Tout doux mes amis, tout doux... »
Internet constitue-t-il une régression en ce qui concerne le droit d'auteur ?
« Pas une régression mais une révolution qui oblige le droit d'auteur en se remettre en question », indique Pierre Assouline.
Selon Loïc Le Meur : « Bien au contraire, c'est une avancée en particulier avec la licence Creative Commons qui permet de partager du contenu uniquement pour une utilisation non commerciale ».
Guy Birenbaum est plus mesuré : « Je ne sais pas. Je pense que tout travail mérite salaire et je suis ennuyé d'écrire "pour rien" mais on ne peut pas tout avoir... »
Irène Delse estime : « Internet en soi, non. L'utilisation qu'on en fait, c'est possible. Comme je disais plus haut, il s'agit à la fois d'un outil et d'un média. La technologie est différente que pour le papier imprimé, mais les règles de bases sont les mêmes. Les lois sur la propriété intellectuelle s'appliquent, depuis le droit du créateur à être identifié comme auteur de l'oeuvre à l'autorisation de citer de courts extraits. Personnellement, cela ne me dérange pas si un lecteur lambda veut s'amuser à numériser mon bouquin en tout ou partie, mais uniquement s'il le fait pour son usage personnel (le lire sur son PDA, par exemple). Mais s'il met le fichier en ligne sur un serveur sans mon autorisation ou celle de l'éditeur, alors là, non ! »
Commentaires
La condescendance de Juan Asensio c'est pour remonter la pente ?
Je traduits : "je suis le seul à écrire correctement et je m'en fous de vendre des livres les lecteurs n'ont qu'à me mériter"...
Nicolas,
Ta traduction n'engage que toi!
Je partage son constat d'ensemble.
En revanche, je ne suis pas d'accord en ce qui concerne sa critique de Pierre Assouline, que je considère comme un très bon écrivain.
là je ne saisis pas trop ce que viens faire Loic Le Meur ...c'est un blogeur, un entrepreneur...mais pas un écrivain !!! Le mettre à coté de pointure telle qu'Assouline, c'est lui faire trop d'honneurt...vraiment là , tu fais un peu de TF1...on mélange les genres...et on fait de la pub à bon compte à ceux qui sont déjà médiatiques ...tu m'aurais demandé, je t'aurais trouvé de vrais auteurs pour remplacer L Lemeur...mais sinon j'aime toujours ton blog mais on peut avoir des divergences...moi, je ne veux pas servir la soupe à n'importe qui...sinon on fait de la stratégie star académie...(humour) et il faut des Le Meur dans la blogosphére, je ne le conteste pas...mais en faire un grand esprit, ça j'ai du mal à avaler... :=)
Ivann,
Je voulais avoir des points de vue différents sur la question.
Pourquoi être obligé de se défendre d'interviewer quelqu'un?
Tu as quelque chose contre TF1?
;)
Mais tes conseils auraient été les bienvenus pou contacter des écrivains. Sur le net ils ne sont pas encore très nombreux.
j'adore TF1 !!! son intégrité, ses journalistes de talent (hein type qui fait de faux interviews en direct de Cuba et une autre qui en plein 95 fait un bouquin plus que cire pompe sur le candidat Balladur...)...sa façon d'élever le niveau...d'etre détacher de tout racolage et de toutes pressions financiéres...Vive TF1, Vive Le Meur...ça va ou je dois en plus dire que j'adore les légumes, que je trouve que Bruel est un poete et que Barbevilien est le nouveau Verlaine et Bigard un mec genial...
@Ivann,
Ca va, t'es en forme!
Pour revenir au sujet des blogueurs-écrivains, l'aspect économique de la question m'intéressait autant que l'aspect artistique. C'est pourquoi il était important d'avoir l'avis "purement business" d'un spécialiste des blogs.
Tiens, pendant qu'on y est, et ce sera plus intéressant, est-ce que tu connais des écrivains qui ont un blog?
moi je trouve l initiative tres bonne!
Eric : ça dépend ! A partir de quand on est écrivain, à tes yeux ?
Toute personne qui écrit n'est-elle pas écrivain ?
Vaste sujet !
:-)
[J'ai un probleme avec ton blog, la page d'accueil coince sur l'article à propos de Bayrou et il me faut deux plombes pour que mes commentaires passent. Quand ils passent !]
filaplomb,
Un écrivain, qu'est-ce que c'est? Tu poses la bonne question!
Mais il est facile d'y répondre. Le roi bourdieusien te répodnrait. Justement avec Bourdieu: etre reconnu dans le champ littéraire comme un écrivain est la condition pour l'être... Ca ne nous avance pas beaucoup!
Eric : bin non ! Surtout pas !
C'est l'acte d'écrire qui fait l'écrivain.
La reconnaissance fait partie du jeu social et sort déjà de cette notion de "être écrivain".
Surtout pas la reconnaissance comme critère, ça enlèverait trop d'auteurs découverts trop tard !!! :-)
Fil,
Oui, mais tôt ou tard il faut bien quelqu'un pour reconnaître l'écrivain ou l'artiste comme étant artiste. Même après sa mort! Lautréamont a été reconnu par les surréalistes, même si de son vivant il n'a pas vraiment été considéré comme un grand écrivain.
Cela dit, je te rejoints sur un point: Lautréamont le savait, le sentait...
Grrrr ! Mon commentaire d'hier est disparu !
Je disais : surtout pas la reconnaissance comme critère.
Tu es écrivain parce que tu écris.
Ou alors, cela suppose une sorte de "littérature officielle" dans laquelle il faudrait entrer pour en avoir le titre…
L'acte d'écrire te fait écrivain.
Ensuite, le jeu social c'est autre chose !!!
Par exemple, rapporté à un autre cas : qu'est ce qu'un blogueur ? Quelqu'un qui blogue, point. Rien à voir avec la reconnaissance et la si rigolote "influence" dont on se gausse dans les salons. Tu vois ? :-)
fil,
Oui, ta vision des choses se défend. "écrivain" c'est un mot, un titre de gloire, un miroir aux alouettes.
Pfff je suis déçu : je pensais que vous interrogeriez le fameux brad-pitt deuchfalh
un écrivain blogueur ? et plus que blogueur ?
françois bon : http://www.tierslivre.net/
et http://www.remue.net/