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Et si les journalistes disparaissaient (1)

Très intéressante cette interview croisée de deux observateurs de la presse (Française et US) dans Télérama. J'en extrais un passage. On y explique pourquoi il est difficile pour les journalistes d'informer parce qu'ils sont confrontés à plus fort qu'eux: de grosses machines à produire de la com. Et cette com, ils doivent la décrypter.

L'administration Bush (mais aussi, tiens donc! le département des Hauts-de-Seine), sont cités en exemple de ces grosses machines qui produisent de la com, autrement dit, de la malbouffe informationnelle pour les masses. Mais cette malbouffe ne provient pas que des institutions politiques: les entreprises en sont productrices aussi, et à foison, comme on le sait.

Télérama: La presse américaine a quand même été secouée par de grosses crises qui ont entaché sa crédibilité : tout récemment encore, le New York Times a publié une fausse lettre du maire de Paris !

Rick Edmonds : La lettre dont vous parlez avait été envoyée par mail, il y a eu une faille dans la chaîne de vérification. C'est embêtant mais anecdotique. On a connu plus grave, avec la découverte que des journalistes du New York Times ou de USA Today avaient bidonné des articles. Au New York Times encore, une journaliste chevronnée, manipulée par des sources gouvernementales, a publié de fausses informations sur l'existence d'armes de destruction massive en Irak... Pourtant, malgré ces erreurs, j'ai le sentiment que le niveau d'information général est bon dans les médias américains.

Bertrand Pecquerie : Je serai moins optimiste que vous ! Juste avant la guerre en Irak, les journaux ont vraiment été du côté de ceux qui défendaient cette guerre.

Rick Edmonds : Vous avez raison, la presse s'est globalement laissé berner par la communication de l'administration Bush. Plus largement, je suis très inquiet du déséquilibre grandissant entre un petit nombre de journalistes débordés et multitâches, et, en face, un Etat, des administrations, des pouvoirs économiques capables de fabriquer une information sophistiquée avec des services de communication et de relations publiques forts.

Bertrand Pecquerie : Sur cette question, voyez le département des Hauts-de-Seine. Au service de communication, on compte soixante-dix salariés. C'est, en moyenne, le nombre de journalistes employés dans un journal régional ! Il y a vingt ans, vous auriez eu plus de monde dans ces organes de presse et seulement dix ou quinze personnes à la com du département. Quelle que soit la motivation, le combat devient extrêmement difficile face aux agences de relations publiques, qui vous noient tous les jours sous les nouvelles, les chiffres, etc

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Commentaires

  • C'est amusant car sur mon blog, je milite vraiment pour une reprise en main de leur communication par les entreprises (et avec eux les artisans, les consultants, les thérapeutes, les artistes, les associations). Car la "malbouffe informationnelle" dont vous parlez est partout devenue la norme. Plus personne ne s'étonne face à une publicité mensongère et plus personne (ou presque) ne penserait à boycotter la marque pour son mensonge !

    La principale raison de cette dérive qui a transformé petit à petit le dicours, l'information en "com" n'est pas forcément, en tout cas au départ, une volonté de mentir des dirigeants politiques ou de grands groupes, c'est souvent la "promesse" des publicitaires pour conquérir leurs clients ou pour les conserver qui en est la cause.
    Si je vous dit, "Ok, votre produit (votre loi) est mal conçu, mauvais, pourri, mais en présentant les choses selon mes bonnes recettes publicitaires, je vous assure que vous les vendrez sans problème !", petit à petit un glissement pervers s'opère entre la réalité de ce qui est dit et la manière dont on les dit. Petit à petit, la forme l'emporte sur le fond et le discours perd du sens, et la politique avec lui !

    Qui n'a pas acheté un jouet en cédant à ses enfants emballés par un pub tv. Une fois le jouet déballé, quelle déception, il n'a finalement aucun intérêt.

    C'est peut-être la vraie racine du "tous pourris !" qui imprègne la société concernant politiques et média

  • C'est un peu fatigant ces constantes jérémiades des journalistes autour de la "méchante-communication-qui-fait-qu'à-leur-mentir".

    Pour reprendre un argument que j'ai déjà développé chez Aliocha (http://laplumedaliocha.wordpress.com/2009/02/06/voyage-au-bout-de-la-com/#comments), cette prise de position impliquerait que les journalistes ne sont tout simplement plus aptes à faire leur travail. La nouvelle génération de journalistes aurait perdu sa capacité à filtrer, débusquer, recouper, vérifier, valider l'information ?

    N'est-ce pas justement la mission du journaliste, sa fonction, sa raison d'être voire sa vocation ? La carte de presse ne requiert-elle pas un peu plus que des "relais" d'informations poussant de la dépêche et du communiqué sans valeur ajoutée ?

    Alors oui, je comprends la frustration grandissante de rédactions confrontées à un volume croissant de messages, poussés ou non par des services de communication, et à une concurrence accrue avec des relais "d'infos" quasi temps réel que sont les blogs, Twitter ou les agrégateurs de news. Mais n'est-ce pas là que doit intervenir le journalisme ? N'est-ce pas devant ce déferlement de "boue médiatique" que la recherche de la pépite démontre tout son intérêt ?

    A ma connaissance, il n'y a aucune obligation pour un journal de devenir le copié-collé de ses petits camarades. Nous pouvons briser le cercle faisant du Monde, reflet des infos des quotidiens du jours lesquels sont en partie celui des infos du web, l'agenda des conférences de rédacs des journaux radios et télé du matin. C'est dans ces temps de crise, à l'issue d'Etats Généraux de la presse décevants, qu'il conviendrait de reprendre le métier à sa racine pour ne pas disparaître.

    Il serait paradoxal en effet de constater une éradication des journalistes au moment même où nous en avons le plus besoin pour nous apporter une information qualifiée dans un océan de brèves douteuse.

    Je reprenais pour le joke un exemple récent glané au Zapping (http://3dcom.wordpress.com/2009/02/09/dis-tas-pas-une-etude-coco/) pour démontrer à quel point certaines rédactions n'essayent même plus de faire leur "job". Ce sont, à mon avis, les fondations du journalisme qu'il faut redécouvrir avant de chercher des causes extérieures.

    Alors, continuez si vous voulez à taper sur la "com", elle a ses torts, mais pendant ce temps-là, vous perdez un temps précieux à ne pas vous posez les bonnes questions. Il est vrai que journalisme et introspection ne font pas toujours bon ménage.

  • à tout bien réfléchir, oui il est évident que bien souvent on nous sert plus souvent de la com que de la véritable information...bien uniformisée d'ailleurs, on e beau zapper c'est du pareil au même partout..
    le hic c'est que les politiques, et même les nouveaux venus du sérail , ceux qui prétendent vouloir faire 'autrement' donnent à fond dans la com (cf les dernières élections par ex ou les derniers conflits) avant tout autre chose. Ils manipulent à leur façon les médias, qui restent bien sages, à leur diapason.
    il faudrait donc que les journlaistes prennent des distances avec ce système, pour renouer avec leurs vraies valeurs : investigations, autonomie, reportages sur le terrain, vérifications etc....mais en ont-ils encore les moyens , non pas intellectuels bien sûr, mais de libre action, budgets, et effectifs suffisants ?

  • @anne - c'est la véritable question, mais quand on commence à parler de survie, il faut savoir faire mieux et différemment avec moins (dans un premier temps). Il faudrait par exemple penser sérieusement à revoir les priorités des rédactions en termes de sujets couverts.

    Je viens par exemple d'écouter les infos à la radio et on nous a servi sur un plateau la réduction du coût de la hotline de la SNCF... quel intérêt ? Pourquoi en faire 2 minutes au journal de la mi-journée ? La SNCF a-t-elle mis un flingue sur la tempe de la rédaction pour les forcer à relayer cette info de la plus haute importance ? On nous dira que c'est du grand public - je suis sûr qu'il y avait d'autres sujets à traiter ou que la journaliste dépêchée au siège de la SNCF aurait pu consacrer ce temps à creuser une autre thématique, ne croyez-vous pas ?

    Pour reprendre votre terme, je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'il y ait "manipulation" car les journalistes sont malheureusement bien souvent des victimes consentantes. Ils connaissent désormais tous les rouages de la communication et ne sont pas dupes. Ils décident juste de jouer le jeu (ou on leur demande de jouer le jeu, je vous l'accorde) mais cette situation les met souvent en porte à faux et les amène trop souvent à être sur la défensive.

  • Aujourd'hui, les médias diffusent de "l'info" et c'est au lecteur-auditeur-blogueur de recouper et vérifier les dire ! Ce n'est plus le même métier, c'est l'invention du jeu de piste !!!
    :-))

  • En France, l'info a toujours été suspecte. Ce qui est nouveau, peut-être, c'est l'emploi par le pouvoir politique et par le pouvoir économique de méthodes de communication qui instrumentalisent les journalistes de plus en plus. Ceux-ci sont-ils des victimes complices ? Syndrôme de Stockholm ? C'est l'occasion de glisser "et les blogs, dans tout ça ?", ce que je ferai ce soir tard dans une note sur mon blog.

  • De tout temps, avant même la maturation de la presse, on a vendu de la com, chez les romains, chez Louis XIV ou Napoléon, tout a toujours été de la com.
    La grande avancée, c'est la naissance de la presse, du libre arbitre, et c'est très lié, et de la volonté de sortir d'une pensée unique imposée.
    Lorsque l'on trouve mauvais les journalistes aujourd'hui (et j'ai souvent tendance à le faire) de quels journalistes parle-t-on ? des ectoplasmes qui interviewé/servi la soupe à Nicolas Sarkozy la semaine passée ? ou bien ceux qui dans la presse papier comme sur la presse en ligne essaie de défendre cette garantie de la démocratie et de la liberté ?
    Combien de temps encore les petits marquis du web vont-ils continuer à se faire les porte-paroles de ceux qui veulent enterrer cette garantie de liberté ?
    La question n'est pas le support (et je crois à la presse papier, le problème est plus sa distribyution et en corrolaire son prix, que la nature du support), mais la volonté de défendre le garant de nos libertés.
    La disparition des journalistes, c'est la fin de la liberté de pensée, et de la liberté tout court.

  • désolé pour les fautes, mais pas de correction possible en ligne, pas comme sur le papier ;-)

  • @JP,

    "Combien de temps encore les petits marquis du web vont-ils continuer à se faire les porte-paroles de ceux qui veulent enterrer cette garantie de liberté ?"

    Je ne sais pas qui sont ces petits marquis, mais à mon avis ils s'appellent Séguéla, ou Bouygues ou de la Brosse, bref des gens qui ne défendent pas l'intérêt général mais leur intérêt personnel (ou celui de leur client), ce qui est leur droit le plus absolu.

    Comme toi, je fais la différence entre les supports des médias; les journaux papiers (quotidiens) sont peut-être menacés, mais ce n'est pas le cas de la presse en général.

    @Poireau,

    Oui, le lecteur est un webacteur, comme écrit Francis Pisani (voir son blog et notamment le dernier chapitre de son bouquin, sur les médias, gratuit en ligne).


    @Alexis,

    "Je viens par exemple d'écouter les infos à la radio et on nous a servi sur un plateau la réduction du coût de la hotline de la SNCF... quel intérêt ? Pourquoi en faire 2 minutes au journal de la mi-journée ? La SNCF a-t-elle mis un flingue sur la tempe de la rédaction pour les forcer à relayer cette info de la plus haute importance ?"

    Peut-être que cette info a été considérée comme une "info pratique", donc utile pour les auditeurs.


    @Merlin,

    Oui, le processus que tu décrit me parait correspondre à ce qui s'est passé.


    @Anne,

    "le hic c'est que les politiques, et même les nouveaux venus du sérail , ceux qui prétendent vouloir faire 'autrement' donnent à fond dans la com (cf les dernières élections par ex ou les derniers conflits) avant tout autre chose."

    Oui, et pour certains blogueurs, c'est pareil.

  • >Eric : Séguéla, Bouygues ou de la Brosse : beaux maîtres à penser pour le journalisme, manque plus que Le Lay ;-)

    J'aurais préféré de vrais journalistes. Et la question n'est pas le support réel ou virtuel, papier ou web, radio ou... oublions la télé un moment ! La question est de savoir ce qu'est le journalisme, et non pas la publicité ou le divertissement.

    Et je continue à penser qu'il faut être sur ses gardes et ne pas crier au loup avec les chacals qui n'aiment pas la presse et sa liberté qui les dérange.
    La démocratie et la liberté sont des valeurs beaucoup plus précieuses et fragiles que de savoir si le monde va passer d'un type de média à un autre. Le journalisme c'est un état d'esprit et un engagement, une conviction pas un contrat ni une posture.

  • @JP,

    "Et je continue à penser qu'il faut être sur ses gardes et ne pas crier au loup avec les chacals qui n'aiment pas la presse et sa liberté qui les dérange."

    Bien d'accord avec toi.

    Et si je citais des hommes de la pub, c'est justement pour noter que ceux qui ont intérêt à affaiblir les médias, ce sont justement les gens de la pub, ou les de Saussez...
    Et il faut absolument protéger le journalisme de qualité.

  • >Eric, et surtout protéger le journalisme tout court ;-)
    Et quand je dis ça, je reviens sur les petits marquis du web. N'est pas journaliste qui veut. C'est un métier, et c'est un engagement.

    Je suis persuadé, même si c'est ma petite opinion personnelle, que le concept de "journalisme citoyen" et le fait de croire que les blogues et plus généralement le web 2.0 sonnent la fin du journalisme relèvent d'un aveuglement stupide, et peut-être d'une certaine manipulation. C'est pour cela que je m'énerve contre les petits marquis du web, ceux qui prédisent la mort de la presse traditionnelle, et surtout papier.

    Il faut rester humble, y compris sur le web ;-)

  • @Jpc,

    "Je suis persuadé, même si c'est ma petite opinion personnelle, que le concept de "journalisme citoyen" et le fait de croire que les blogues et plus généralement le web 2.0 sonnent la fin du journalisme relèvent d'un aveuglement stupide, et peut-être d'une certaine manipulation."


    Oui, la notion de "journalisme citoyen" n'est presque plus utilisée de nos jours. Il y a trop de difficultés techniques pour que ça marche.
    Rien ne remplace un journaliste quand il s'agit de produire une information. Un blogueur peut donner son opinion, prendre des photos, faire des vidéos, indiquer un article intéressant en faisant un lien et il peut, surtout, donner son opinion (je l'ai déjà dit!) mais la production d'information, dans un média, c'est autre chose et c'est notamment un travail d'équipe.

    Mais il n'empêche qu'un blog est un média, un média personnel certes, mais un média quand même. Et, compte tenu de l'"engorgement idéologique" (je ne sais pas comment appeler ça), il est tout de même revigorant devoir que les blogs, notamment, peuvent bousculer un peu le paysage.

    Quant aux petits marquis du web, laissons-les où ils sont!

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