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Trois journalistes au pays des dinosaures

Aujourd'hui, trois témoignages  de journalistes.

Mima a vu le métier se modifier ces dernières années, conduisant à un journalisme plus conformiste, où tous les journaux parlent des mêmes sujets.

Quant à Alain, il raconte un entretien d'embauche où il a fait la connaissance avec de beaux spécimens de dinosaures encore en activité...

Enfin, Nicolas nous emmène en voyage dans les pays de l'Est et il affirme: les dinosaures ne sont pas ceux qu'on croit: parfois ce sont de jeunes journalistes, mais bien décidés à refuser toute évolution...

  • Mima est une ancienne journaliste du Monde. Vous connaissez sûrement son blog. Sur Mediapart, elle dit sa lassitude face au métier de journaliste tel qu'il est devenu:

"Marre des économies sur le dos de ceux qui ont toujours travaillé et beaucoup, juste parce qu'ils aimaient leur journal. Marre des grilles de salaires, des hiérarchies, des primes minables pour un boulot chiant et indispensable que personne ne veut plus faire (eh oui, personne ne veut plus être chef). Marre de voir de très bons journalistes au chômage".

Une des conséquence des réductions de budget: plus d'informations à trier et vérifier en moins de temps, ce qui conduit les journalistes à moins aller sur le terrain. Sans oublier que, de toute façon, on rogne sur les budgets pour effectuer des reportages:

"On ne bouge plus de sa chaise puisque tout vient à nous via wikiquelque chose, google, les agences, les communiqués, les attachées de presse, les delicious des uns, les sites des autres. On se sert encore du téléphone, mais on va bientôt compter le nombre de communications longue distance".

L'actualité s'uniformise, la curiosité laisse place au conformisme:

"On ne sait plus trier, valoriser, débusquer, et si on le fait quand même (on ne se refait pas), cela restera au marbre et finira par tomber dans l'oubli, pas de place, trop d'actu. La même, je vous dis, la même".

  • Alain, ancien directeur général d’un quotidien départemental, raconte un entretien d'embauche pour un quotidien réunionnais (l'entretien s'est déroulé à Paris!).

C'est un entretien d'embauche qui se termine en dialogue de sourd, entre un candidat qui veut innover et des employeurs potentiels qualifiés de "dinosaures"...

"C’est à ce point de l’entretien que j’ai compris que j’avais affaire à des dinosaures, un vrai Jurassik Press. Comment ne pouvais-je « être fou de joie » à l’idée d’aller diriger une agence locale à St-denis dans le but de remettre l’info locale au cœur de l’activité de leur cher Quotidien puisque je suis à la recherche d’un emploi? Le plus poliment possible j’ai essayé de leur faire comprendre que leur projet aurait peut-être fait sens il y a quatre ou cinq ans, mais qu’aujourd’hui la question n’est radicalement plus là. Et j’ai esquissé un projet de système d’infos locales.

On a des communautés, on les fait participer à l’expression collectives des joies et des peines de leur vie quotidienne sur une plate forme sociale qui est animée par des journalistes qui eux mêmes alimentent l’outil avec des récits, des images, des enquêtes, des interviews (textes ou images sonores bien sûr). Puis cette matière est éditée par être diffusée sous forme de newsletter, de quotidiens papier ou d’hebdomadaire, de podcast… On peut arriver à ce stade par étape progressives en trois ou quatre ans au cours des quels un outil éditorial adapté est mis en place, l’outil d’impression recalibré, etc, etc… (pour plus de détails je suis moi aussi payant)

En racontant tout ça j’avais l’impression de dire des grossièretés."

  • Nicolas affirme que les dinosaures ne sont pas ceux qu'on croit. Ils sont souvent "jeunes", si l'on se fie à leur carte d'identité:

"Pourtant, tout comme en France, les jeunes ne sont pas tous de grands adeptes du changement. Gazeta Wyborcza, à Varsovie, résiste par exemple à l’intégration des activités print et online. Les rapports entre les 2 rédactions restent des plus distants.

Même chose chez Verslo žinios, le Financial Times de Vilnius. Les éditeurs web et print, 60 ans à tous les 2, ont beau n’être séparés que de 3 mètres, les 2 équipes se font régulièrement concurrence et se montrent incapables de travailler ensemble."

Commentaires

  • Très intéressant !
    Je vais rajouter ces blogs à mon netvibes ! :-)))

    A partir du moment où les journaux se sont trouvés investis d'une mission : augmenter la rentabilité du support, on a changé d'époque et donc de métier.
    Le but n'est plus d'informer, de donner à comprendre, d'éclairer mais bien de vendre du papier...
    Triste époque à mes yeux...
    :-]

  • Un billet des plus utiles pour répertorier des repères fiables dans le domaine essentiel de l'information! Comment ne pas partager, en simple lecteur attentif, leurs constats… Je connaissais déjà ton blog et celui de Martine, je vais imiter m. poireau et m'abonner aux autres.

  • et hop!

  • Il n'est pas difficile de trouver le nom du quotidien réunionnais, il n'y en a qu'un et c'est la presse Hersant. Je le connais, je le lis parfois s'il parle de francophonie ou de créole. Je savais que le poste était libre, puisque l'ancien directeur est devenu celui de ma feuille de chou provinciale et que cela s'est traduit presque tout de suite par une augmentation des textes à la limite du Front national ou par une recrudescence des faits divers crapuleux en une (titre du jour en manchette "Il touchait sa petite-nièce de six ans", je commence à avoir l'habitude). Quand je vois le niveau d'interactivité de l'Oignon (où se trouve l'ex-directeur réunionnais), je me dis que ce directeur était à cent bornes de la réalité des moyens mis en œuvre, parce qu'il y a encore deux ans, les tables de caractères pour l'imprimerie et pour la diffusion sur la Toile ne correspondaient pas et que l'on avait des erreurs en série, parce que les journaux du groupe Hersant n'ont jamais travaillé leur référencement, parce qu'ils ignoraient tous les instruments qui sont évoqués dans le texte et que ceux-ci sont juste pris comme un courrier des lecteurs pour les commentaires enfin admis. On est sur la planète Mars ou dans la préhistoire.

  • @Dominique,

    Merci de ton commentaire.
    La traçabilité des dinosaures...

  • Merci pour la citation!

    Mais juste pour clarifier: D'accord, il y a des dinos de tous les ages. Mais pour ce qui est des pays de l'est, je voulais dire qu'il y avait 3 facteurs dans les succès que j'ai vus jusqu'à présent: le capital, l'enthousiasme et le manque de vieux croutons.

    La jeunesse ne fait pas tout, mais ça aide pas mal!

  • Il est dangereux de vouloir "changer les choses" quand on entre dans un média. "Changer", ça effraie. Les hiérarques au pouvoir dans les médias traditionnels et locaux sont tétanisés, ils ne veulent qu'une chose, c'est que justement, tout arrête de changer comme ça ! Alors un journaliste qui arrive et qui veut "changer les choses", il est cuit, direct.

    La phrase n'est pas de moi mais d'un directeur de l'école de journalisme de Strasbourg, il a fait ce constat: "auparavant, les jeunes journalistes devaient sortir du rang pour progresser, aujourd'hui ils doivent rentrer dans le rang".

    Je sais pas d'où peut venir la relève mais... pas d'en haut, ça c'est sûr.

  • @Pierre France,

    Le changement viendra des lecteurs! Ne t'inquiète pas: s'ils n'aiment pas, ils n'achètent pas.

  • "On ne bouge plus de sa chaise puisque tout vient à nous via wikiquelque chose, google, les agences, les communiqués, les attachées de presse"


    Cette quasi disparition du journalisme de terrain n'est elle pas inquiétante pour la profession ?


    Quelle est la valeur ajoutée du journalisme s'il ne fait plus que du "desk" et recuperation d'infos sur internet ? Quelle difference avec les millions de blog et internautes qui le font chaque jour sur leurs page perso ?


    http://polyblogue.wordpress.com

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