Récemment, je discutais avec le dirigeant d'une agence de communication dont je tairai le nom pour des raisons que vous comprendrez. Il me disait qu'il avait envie de réorienter son activité parce qu'elle ne correspondait pas à ses principes d'éthique. Je ne lui ai pas demandé pourquoi, même si ça m'a paru étrange. Mais j'ai bien compris ce qu'il voulait dire: la com ça n'est pas le top en matière d'éthique. Ce secteur d'activité est parfois montré du doigt à cause de pratiques jugées manipulatoires ou trop frivoles. Enfin, ne généralisons pas.
Disons que lui se posait des questions. Son souhait: trouver un travail en accord avec son éthique, ses idéaux. Vous mêmes, vous avez peut-être déjà eu ce genre de réflexion.
Officiellement, le capitalisme est éthique
Le dernier numéro (février 2008) des Enjeux Les Echos aborde une question voisine: "Comment manager sans perdre son âme". La tonalité du dossier est: il est possible de manager et de travailler de façon éthique. Louis Schweitzer, interviewé, va même plus loin: pour lui, l'éthique est la condition de l'efficacité.
Vous me direz, ça, c'est le discours habituel. Officiellement, le capitalisme est éthique. Qu'un média comme "Enjeux Les Echos" proclame ce dogme, ça n'a rien d'étonnant.
Parisot et les vilains bonshommes
L'éthique, c'est le combat de Laurence Parisot, nous dit-elle. Et les médias relaient sans broncher son message.
Il y aurait d'un côté les méchants bonshommes de l'UIMM (Union des industries et métiers de la métalurgie, une branche importante du MEDEF) qui s'en vont, la nuit, avec des valises pleines de billets, et de l'autre des patrons uniquement préoccupés d'éthique. De purs spinozistes, quoi!
Parachutes éthiques
Julien n'est pas d'accord avec cette vision idyllique du patronnat français. Un capitalisme d'héritiers qui peine à se réformer, quoi qu'en dise madame Parisot.
L'objectif des entreprises est, indéniablement, de faire des profits. Et, accessoirement, d'offrir un parachute doré à ses dirigeants (ce qui est une façon comme une autre de distribuer ces profits). C'est peut-être cette tranquillité d'esprit qui donne le goût de la réflexion éthique?
Commentaires
J'ai décidé de ne pas faire RH car ça allait à l'encontre de mon éthique. ;)
C'est vraiment un joli billet, assez optimiste je trouve car certaines personnes ne mélangent pas tout. On peut être efficace dans le travail, créer de la richesse, s'enrichir aussi, mais en respectant certains principes.
J'ai eu, à un niveau bien plus modestes, dans le milieu industriel, à faire aussi à des cas où j'étais trés mal à l'aise. Parce qu'on me demandait de trahir des gens que j'appréciais, on me demandait de mentir à des personnes sous mes ordres dont le travail ne pouvait être remis en cause. Parce que j'étais d'éléments malhonnêtes moralement, et punissable.
Et puis on peut tenir un certains moments en disant "non", en trainant les pieds, en ralentissant, en essayant de rester soit même. Tant que les résultats sont là, tant que la santé tient. Et puis après, ben on lâche et on s'en va.
Après des moments où le mal de ventre sur le chemin du boulot est douloureux, où les dimanches soirs sont des moments d'angoisse intense, où pour tenir on prend des choses qui feraient un contrôle anti-dopage positif.
Mais il y a pleins de gens qui travaillent avec le respect de l'autre. Je ne sais pas si Parisot arrivera à scier la branche sur laquelle elle même et un système est assis, je ne sais même pas si elle est sincère.
Mais c'est agréable à entendre, c'est agréable de lire le début du billet.
Essayons d'y croire encore un peu. Ne plus croire en rien, c'est affreux. Bonne journée, et merci du billet Eric
C'est marrant un type qui bosse dans la com et qui se pose ces questions ? tout comme le MEDEF ! quel cynisme ! demande t-on à tes amis d'Equilibre Précaire si ils travaillent suivant leurs principes ? les pubeux ont vendu leur "éthique" comme ils ont vendu le reste aux gogos qui se gavent d'images à défaut de construire leur identité. la paresse intellectuelle d'un coté, l'appât du gain de l'autre sont des moteurs puissants
@Didier,
Le problème des communicants c'est qu'ils sont trop fort en communication. Et le plus souvent ils font leur pub avant de faire celle de leur client.
Je ne parle pas pour la personne dont je parle en filigrane dans le billet, mais de façon plus générale. Je n'ai pas creusé le sujet.
@Falconhill,
Oui, il faut y croire, et en même temps il faut se fier aux faits.
J'ai personnellement arrêté mon ancien boulot. Il n'était pas forcément condamnable d'un point de vue éthique, mais ce n'était pas non plus quelque chose qui me rendait fier. C'était un boulot bien payé, quoi, même pas chiant. Mais, manager, déjà, c'est se confronter à des problèmes d'éthique tous les jours : régulièrement, on choisit entre mentir - ou cacher la vérité - à ses collaborateurs, ou faire preuve de transparence et déplaire à sa boîte. J'ai jamais rien eu de bien grave à faire, mais on est vite pris dans un système qui fait de pas grave en pas grave, on s'habitue à des petits arrangements avec sa conscience.
Pour ce qui concerne Laurence Parisot, je trouve le billet de Julien haineux. Je ne porte pas Laurence Parisot dans mon coeur, mais il me semble qu'en l'occurrence, elle fait quelque chose de positif. Si elle y parvient, le Medef, ne sera toujours pas constitué de lapins de 6 semaines, mais on aura progressé.
Comment ça, il y a un autre Didier ici ? Mais c'est un scandale !
(A moins qu'il soit arrivé avant moi, évidemment, ce qui ne serait pas difficile...)
C'est quoi, un "Didier" ?
@Didier (Goux),
Oui, Didier est un lecteur régulier. Je te conseille son blog, au sujet du neuvième.
Hier c'était la journée des Dominique, aujourd'hui celle des Didier. Demain, ce sera peut-être celle des Nicolas.
@Armel,
Oui, les décisions difficiles à prendre, c'est tous les jours. Sur des petites choses, d'abord, puis des plus grosses.
Personnellement, je n'ai aucun conseil à donner!
L'initiative de Mme Parisot, qui pourrait la condamner a priori? Personne: c'est comme le Grenelle, a priori tout le monde est pour!
Mais il faut voir, ensuite, dans les actes, à quoi ça mène.
D'accord avec toi, cependant, pour saluer l'effort d'assainissement. Mais si c'est juste de la com, ça n'aura aucun effet.
J'ai choisi d'arrêter d'être graphiste maquettiste parce que le capitalisme ethique dont tu parles me demandait de mal faire mon travail pour augmenter les profits aux dépens des clients.
Créer sa propre activité n'est pas aisé (tiens Armel vend du vin pendant que je publie des nouvelles) mais au moins on a la maîtrise des choix.
Par exemple, imprimer en local sur papier recylcé, avec de l'encre sans solvant pendant que de très gros éditeurs s'empiffre de faire imprimer en Chine (le dernier Astérix sur papier par exemple a été réalisé là-bas).
Quant à faire des profits, bien sûr que c'est le but. Mais gagner de l'argent, ce n'est pas mal, tout dépend de ce qu'on décide d'en faire et comment on le répartit !
Bon article en tout cas…
:-)
@Filaplomb,
Non, gagner de l'argent ça n'est pas mal, loin de là. C'est un instrument qui permet aux hommes d'échanger.
Il faut bien du courage pour vouloir travailler éthique, mais ce serait encore plus risqué d'accepter d'agir sans éthique. Les risques sont d'une autre nature, mais bien plus grands.
Comme environnement professionnel, j'avais un moment été tenté par l'épiscopat. Finalement, j'ai préféré les pisse-copie.
L'éthique, moi je dit c'est du toc.. voilà c'est simple non?
Dagrouik, d'après moi, tu dis une bétise là !
Il existe une manière de faire de vrais choix éthique, pas pour l'apparat pour réellement pour ne pas influer négativement sur la marche du monde !
:-)
Bien sûr, Eric, concernant la "saine" colère de Laurence Parisot, si elle ne s'avère que feu de paille, je serai moi-même déçu, mais ce type de dénonciation, "les patrons, tous pourris" - dénonciation dont je ne t'accuse pas, ne croyant pas ayant lu quelque chose de ce genre chez toi, mais que j'ai grossièrement cru comprendre dans le lien que tu nous as enjoins à lire - tend à m'agacer un poil.
la comc'est pas ethique??pfff
excuse moi , mais la com c'est de la prostitution..pour être suffisamment connu et choisir "le produit" qu'on vend..puisqu'il s'agit de ça..eh bien faut avoir vendu ses neurones plus d'une fois non ?
ca y est, 300 copains en plus grâce à mon commentaire...:-(
@Armel,
Non, j'ai bien dit "ne généralisons pas". Il va de soi qu'il n'y a pas plus (ou pas beaucoup plus) de voyou chez les patrons que dans les autres catégories de la société.
En revanche, si je suis sceptique à l'endroit de l'initiative de Mme Parisot, c'est que les propositions qui sont faites actuellement (dépénalisation du droit des affaires, projet cher au président) vont à l'encontre de ses déclarations...
Je suis d'accord : ce projet de dépénalisation est scandaleux.
Beau billet, Eric (bien que tu sois à cheval entre ton expérience empirique et la réflexion sur cette question, que nous devons d'urgence nous réapproprier: où va le patronat ?).
Ma vision n'est pas idyllique, c'est vrai. Un certain nombre de repères s'effondrent en ce moment, liés à la faillite du modèle libéral de développement économique: il y a 20 ans, les patrons n'étaient pas prescripteurs; ils ne disaient pas "leur attachement à l'économie de marché".
Le capitalisme d'héritiers n'est plus accepté. Trop de couches de la population aujourd'hui n'acceptent plus de bosser dans des entreprises où il n'y a pas de fluidité au-dessus d'eux, où règne le copinage et le partage du profit sur leur dos...La peur du chômage ne suffit plus: les salariés n'ont plus le sentiment d'avoir à perdre en se mettant en grève...