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La capitalisme d'héritier, de Thomas Philippon

medium_phil.jpgEnfin un livre qui explique les difficultés de l’économie française: Le capitalisme d’héritier, de Thomas Philippon. La crise française est d'abord est d'abord le fruit de relations sociales marquées par l'insatisfaction et la méfiance. Cette situation est notamment due au "capitalisme d'héritier" (capitalisme familial) qui privilégie un management conservateur et frustrant pour les salariés.

"S’il y a bien en France une crise de la valeur travail, elle n’est pas celle que l’on croit. Il n’y a pas de disparition du désir de travailler. Contrairement aux idées reçues, les Français accordent plutôt plus d’importance au travail que la plupart des Européens, et ils sont parmi les premiers à enseigner à leurs enfants à travailler dur. (…) S’il y a d’un côté un désir de travailler, et de l’autre une volonté d’entreprendre, comment se fait-il qu’il y ait une crise du travail ? Que l’on interroge les patrons ou les ouvriers, les managers ou les employés, on arrive au même constat : la France est le pays développé où la part des gens satisfaits de leur travail est la plus faible". (Thomas Philippon)

Pierre Bilger, sur son blog, synthétise les principales idées de ce livre:

 

 

  • Les travailleurs français veulent travailler et les entrepreneurs veulent entreprendre.
  • Les rigidités institutionnelles «n’expliquent au mieux qu’un huitième des variations du chômage entre les pays, et moins d’un tiers des variations des taux d’emploi».
  • La «crise du travail en France» est «une crise non pas du désir individuel de travailler, mais de la capacité à travailler ensemble. En effet, la France est le pays développé où les relations de travail sont les plus mauvaises à la fois du point de vue des dirigeants d’entreprises et du point de vue des employés», la véritable «exception française» selon l’auteur.
  • Or «statistiquement, la qualité des relations sociales dans l’entreprise explique 70% des variations de taux d’emploi entre les pays (…). C’est deux fois mieux qu’avec les variables institutionnelles classiques (taux de remplacement et durée des allocations chômage, taux d’imposition du travail, coûts de licenciements, etc.)».
Améliorer les relations au travail, et si c'était ça, la priorité?

 

Commentaires

  • La défense du "capitalisme d'héritier (capitalisme familial)" qu'il faut donc combattre (pour "redistribuer les cartes") est un des grands points du programme de Nicolas Sarkozy...

    Bons billets.

  • meme si je ne partage pas totalement toutes les idées de pierre rosanvallon, on ne peut que saluer cette collection , qui, dans tous ces livres, a su faire esprit de synthese et de clarté!

  • Très intéressante notion que cette relation sociale au travail.

    Sans être pro-américain, j'ai l'impression (je dis bien "l'impression") que les sociétés américaines dites modernes arrivent à concilier bonheur des employés avec la nécessaire productivité.
    Pour l'avoir vécu dans une grosse boite américaine que l'on pourrait traduire par "France en ligne" :), cette notion d'appartenance est tout à fait particulière puisque décorellée du travail en lui même.

    Les relations sociales ne se font pas "dans" le travail, mais "autour", via des séminaires, activités de groupe et autres facilités données sur place (teinturier, crèche, etc...).

    Il y a alors une sorte de contradiction entre la course permanente à la performance de l'individu et les efforts permanents fournis par l'entreprise pour que, malgré cette compétition tout à fait déclarée, les relations se passent bien.

    Après avoir travaillé dans des boites françaises, je reconnais que ce fut là ma plus belle expérience d'entreprise.

    A noter que maintenant je suis indépendant. Donc bon.... :)

  • @Cédric,

    "Il y a alors une sorte de contradiction entre la course permanente à la performance de l'individu et les efforts permanents fournis par l'entreprise pour que, malgré cette compétition tout à fait déclarée, les relations se passent bien."

    Oui, la mise en compétition est acceptable, voire même souhaitable, si tout le monde en est bénéficiaire. Ce n'est pas la compétition entre les individus qui pourrit les relations au travail, à condition que la compétition est saine.

  • @Nicolas,

    Oui, ce capitalisme familial est familier à NS. Et ces amis vont bientôt lui demander des comptes. Seront-ils déçus?

    Déjà, aujourd'hui, dans le Herald Tribune, John Vinocur (édiotrialiste ultralibéral et fan de Sarkozy) regrettait que Sarkozy ne soit pas aussi "Américain" qu'on le dit.
    Immanquablement, Laurence Parisot trouvera qu'il n'en fait pas assez pour le capitalisme d'héritier, dont elle est un des fleurons.

  • A propos, ce libéralisme de grand père, j'avais fait un billet pour rappeler que Sarko n'est pas libéral.
    http://jegpol.blogspot.com/2007/03/vive-le-libralisme.html

    (j'avais triché, j'avais pompé un truc d'Agoravox !).

  • Il y a cette espèce de tradition du patronat français à considérer les syndicats, ses associations de travailleurs, comme des ennemis de l'entreprise.
    Quand dans une boîte, il faut des mois de négociation pour avoir ne serait-ce qu'un four micro-onde, vu que maintenant on fait journée continue mais qu'on continue tout de même à s'alimenter un peu, c'est clair que la motivation baisse.

    La meilleure entreprise était le siège d'un très grande chaîne d'hypermarchés (je viens du Nord, je le rappelle) où l'organisation était laissé à la disposition des employés eux-mêmes. Ils avaient une charge de travail et chacun un badge électronique qui servait aussi de pointeuse. L'entrée était possible entre 6 heures et 22 heures. A chacun de réaliser son job !
    Ça marchait super-bien et surtout, on était interessés financièrement et par la formation permanente à la vie de l'entreprise. L'argent gagné allait un petit peu à tout le monde !

    D'où vient-il que les syndicats soient aussi dépréciés en France ?
    Mais il me semble que le Centre des Jeunes Entrepreneurs est bien plus ouvert que le Medef, défenseur de ce capitalisme familial…

    :-)

  • @Fil,

    "D'où vient-il que les syndicats soient aussi dépréciés en France ?"

    Chérèque disait: la CFDT compte plus d'adhérent que l'UMP et personne ne dit à Sarkozy que son parti n'est pas légitime (moins d'1% des électeurs), alors qu'on dit que les syndicats (8% de syndiqués chez les salariés) ne sont pas légitimes.

    le Centre des Jeunes Entrepreneurs connais pas.

  • Je rejoins Cédric, mon expérience des boîtes anglo-saxonnes fut de loin la plus épanouissante et la plus sereine en termes de rapports hiérarchiques.
    Quand j'ai osé émettre l'idée de mettre une salle de repos à disposition des employés (pour usage pendant les pauses, non rémunérées, je le rappelle), on m'a ri au nez en me disant qu'on était pas là pour dormir.
    C'est dingue en France que mettre en place des services pour faciliter la vie des employés (crèches, conciergerie) soit considéré comme pure perte.

  • @ Eric : "la mise en compétition est acceptable, voire même souhaitable, si tout le monde en est bénéficiaire."

    Pas sûr d'etre d'accord. En fait, je pense même que croire cela est un leurre. Par définition qui dit mise en compétition dit gagnant. Oh, pas forcément un gagnant qui écrase les autres. Mais un gagnant quand même.

    C'est alors qu'il faut des gens de bonne intelligence :
    . le gagnant n'en rajoute pas et ne va pas demander une augmentation délirante là où ses copains perdants en auront une moindre (l'augmentation peut être de plusieurs formes : salaire, augmentation hiérarchique, biens matériels...)

    . les perdants acceptent le principe du "jeu". Et repartent pour une éventuelle future compétition.

    Deux bémols à ce monde idillyque de winners :)

    . Il est essentiel que les règles soient connues à l'avance : non, ce n'est pas parce que deux personnes entrent au même poste au même moment que deux ans plus tard elles auront le même "droit" à accéder à un poste supérieur.

    . Il est rare de trouver des gens de bonne intelligence. Du quoi, même si les règles sont claires au départ, les perfides les troublent ou jouent sur des critères pourtant a priori hors concours. On peut retrouver comme exemple ici la promotion canapé, pas franchement réglo (sauf si c'est précisé dès le départ ! :o) mais sans doute très efficace.

  • D'où sans doute le "succès" et "l'enthousiasme" générés par la prise en compte du harcèlement moral sur le lieu de travail.

    Personnellement, c'est ce problème relationnel qui m'a coûté tous mes postes et m'a fait partir...

  • Fil,

    Non ! Dans ton introduction, tu mets tout sur le compte du patronat. Il y a une tradition en France où le patronat défend le patronat et où les syndicats défendent les salariés.

    Il serait temps de défendre le bon sens ! Les patrons veulent de la flexibilité, on veut de la sécurite. Le célèbre Pacte Présidentiel défend ce truc.

    C'est trop tard pour voter pour lui ?

  • @Cédric,

    D'accord avec toi. Je faisais un peu l'avocat du diable. La compétition, j'en ai ma claque aussi!

    Et tu fais bien de souligner qu'"l est rare de trouver des gens de bonne intelligence".
    Il le sont peut-être au début, mais une fois qu'arrivent les problèmes, les groupes se disloquent assez vite.

    @BertranD,

    "Personnellement, c'est ce problème relationnel qui m'a coûté tous mes postes et m'a fait partir..."

    J'en arrive à la même conclusion que toi.
    Finalement, tout se réduit à ta capacité à serrer des louches! (pour ne pas dire plus)

  • intéressant!
    Sur les relations au travail, ou plus généralement, une petite réflexion

    les français sont "culturellement" moqueurs, sens de la moquerie que l'on retrouve dans la littérature et particulièrement dans le théâtre et le cinéma comique (ou considéré comme tel)
    si je compare les dynamiques entre mes ex collègues français et mes collègues italiens, c'est très différent.

    il me semble que le harcèlement moral, qui se manifeste entre autres par d'incessantes moqueries, est particulièrement florissant dans l'hexagone, que ce soit au travail ou en famille

    bon, l'argument serait à développer, mais il se fait tard. je vais y réfléchir

  • @Céleste,

    Oui, esprit critique, très Français!
    Cela dit, pour défendre nos compatriotes je dirais qu'il y a différentes façon de harceler quelqu'un moralement: la moqueroie en est une, il y en a d'autres!

  • J'ai entendu Thomas Philippon l'autre jour sur France Inter il y presentait son livre. Fred Bonneaud ne savait trop comment s'y prendre, figé dans sa grille de lecture maoiste et franchouillarde : "mais on a du mal a savoir s'il s'agit d'un livre de gauche ou de droite". Et apres on s'etonne de la disloquation du PS ...

    Ce manichéïsme de la pensée est désespérant et merveilleusement bien partagé dans notre pays. Car comme le faisait remarqué un commentaire plus haut : les patrons ont une vision très méfiante des syndicats. Mais les syndicats ont cette vision tout aussi méfiante des patrons. C'est le coeur meme du bouquin de philippon. Le travail ensemble se fait contraint, bloc contre bloc, et pas volontairement : d'ou les frictions et les difficultés dans l'entreprise en France.

    On a cette culture du conflit en France, a tous les niveaux. Ainsi le coup de gueule est considéré en France comme l'affirmation d'une personnalité forte. Dans la culture anglo-saxonne ce meme acte est considéré comme du gaspillage d'energie et un acte egocentrique et déplacé, contre l'equipe et donc contre l'interet commun. Le francais interprete cette reticence à gueuler un bon coup comme une capitalution devant le plus grand nombre, alors qu'il s'agit pour les anglo-saxons d'accepter avec humilité l'interet commun.

    Il y aussi une dimension passionnelle forte chez nous, on s'immerge completement dans son travail, alors que chez les anglo-saxons il y a cette distance, cette differentiation. Du coup il est plus facile de juger le travail de quelqu'un : il prendra plus facilement la critique car il garde à l'esprit que l'objectif est de fournir le meilleur produit pas de vendre absolument SA solution ou SON projet.

    Je travaille depuis 19 ans dont 3 ans au Royaume Uni et 5 ans en Suisse. Les differentes approches du travail sont un sujet fascinant, qui m'interpellent profondément et me questionnent.

    Pour conclure : mon ressenti (subjectif donc) sur ces nombreuses années d'experience dans l'industrie : les relations de travail sont moins freinées par les frictions de toutes sortes, bien plus fluides et donc plus simples et plus saines dans le milieu anglo saxons.

  • @Cecil,

    Merci pour ton message. Ton expérience est riche et nuancée.
    Et je crois que c'est ce qui est intéressant dans le bouquin de Philippon: une approche nuancée. Le capitalisme d'héritier a des bons et des mauvais côtés.

    Mais, il semble que les gens qui ont connu des expériences dans des systèmes de management anglo-saxon trouvent que c'est mieux. Les gens s'épanouissent plus. Il y a une meilleure coopération.
    Et, comme tu le dis, les gens ont une certaine distance par rapport à leur boulot. C'est surement ce qui empêche d'y injecter toutes sortes de passions mauvaises voire de névroses!

    La mauvaise qualité des relations au travail est sans doute le point le plus négatif de l'économie française, selon certains expert!

  • Eric,

    Merci pour ta réponse. Je t'invite vraiment à lire ce livre, il est fascinant. Ce qu'il met à jour avec ces analyses croisées est tout bonnement le coeur de la problématique de la vie en entreprise en France, problématique à laquelle je suis particulièrement sensible ayant travaillé à l'étranger.

    A tel point que cela m'a incité à créer mon propre blog.

    N'hesite pas à passer : http://ceciiil.blogspot.com/

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