Quelques mots sur la soirée sur la soirée sur l'indépendance de la presse, organisée par Mediapart et Reporters sans frontières. J'y étais. Ca se passait au théâtre du Rond-point (Champs Elysées). Salle comble.
L'originalité de la soirée c'est qu'on y a entendu des représentants de tous les partis politiques importants. Et tous disaient leur inquiétude concernant la presse, son indépendance, son pluralisme.
Edwy Plenel (photo), l'instigateur de la soirée, a lu son Appel de la Colline, après la prise de parole de Jean-François Juliard de RSF. Très remarquées également les interventions de Daniel Bensaïdet Pierre Rosenvalon.
Ce que j'ai noté c'est que les orateurs ne sont pas tombé dans l'excès. Chacun est bien conscient que la presse française traverse d'abord une crise économique (qui touche aussi la presse américaine). La mutation de la presse du papier vers Internet pose problème. Mais à cela se surajoute la volonté du pouvoir actuel de réduire le pluralisme (favoriser la concentration des groupes de presse) et de réduire l'indépendance des médias (réforme de l'audiovisuel, le président de France télévision sera nommé et révocable par le président de la république).
Dans le détail, les discours ont été convergents, mais avec des nuances intéressantes.
Noël Mamère a parlé de la situation de crise de la société française, estimant qu'elle peut déboucher sur une forme d'expression radicale parce que les partis politiques et les syndicats ne jouent pas suffisamment leur rôle. Il estime qu'il y a de la part du pouvoir une stratégie de la tension et de gouvernement par la peur. Elle consiste à jeter en pâture des bouc émissaires: le juge laxiste, le délinquant, le sans papiers, le banlieusard. Et cela s'accompagne d'une volonté de mettre au pas la police, la justice, léducation et maintenant les médias.
François Bayrou a critiqué le rôle des groupes de presse qui sont dans un rapport de proximité assumée, pour ne pas dire plus, avec le pouvoir politique. Il a cité le programme du Conseil national de la Résistance, qui entendait garantir "la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères".Il a aussi cité Alain Minc, qui estime qu'on ne doit pas avoir peur de l'évolution de l'audiovisuel publique parce que ce serait "sous estimer le chef de l'Etat".
Benoît Hamon, finalement, est resté dans le même registre. Il a parlé de la crise économique, pouvant déclencher une crise sociale. Et il a rappelé ce qui s'était passé lors des émeutes de 2005. La thèse officielle du ministre de l'Intérieur de l'époque, aujourd'hui président de la république, avait prévalu. Les médias avaient joué un rôle important pour façonner l'opinion.
Intéressante aussi l'intervention d'Hervé Mariton. Député de la majorité, il est opposé au projet de loi sur l'audiovisuel public. Sa rhétorique est un peu jésuitique (je suis d'accord avec ce qui est dit aujourd'hui mais pas sur tout, je soutiens le gouvernement mais pas sur tout) et il a affirmé que la loi sur l'audiovisuel sera au mieux inutile, au pire néfaste. (voir aussi AFP)
J'étais présent avec les camarades Ronald et Vogelsong. Nous avons trouvé significatif que la soirée se passe dans un théâtre. Société du spectacle, citoyen spectateur, donc théâtre.
Et j'ajouterai que les deux affiches "Mediapart" étaient un peu trop voyantes. Ronald, qui sautait sur son siège disait: "Tout ça c'est bien joli, mais maintenat qu'on a dit tout ça, qu'est-ce qu'on fait?". Je lui ai suggéré: "On s'abonne à médiapart?".
Commentaires
le théâtre ce n'est pas que de l'artifice, c'est aussi du rêve et de la créativité. rêvons un peu....
trés bon compte-rendu !
je le touitte à Randow qui regrettait hier de ne pas y être allé
En 2005, les médias ont surtout raconté (relayé ?) des craques. L'insécurité (nouveau mot, d'ailleurs ?) est un sentiment, pas un fait mesurable.
Les incivilités, à la rigueur on comprenait qu'il s'agissait d'insultes, de malpolitesse. La délinquance est mesurée (plus ou moins bien, là n'est pas mon propos) et même qualifiée.
Or on ne nous a parlé que de ce sentiment de peur, qui s'est bien vite évaporé devant l'agitation sécuritaire.
Je n'ai pas entendu beaucoup de voix discordantes pour se pencher sur la réalité à l'époque, ni dans les médias ni en politique.
@Martine,
C'est vrai, mais on s'est dit qu'à une autre époque ce genre de rendez-vous se serait déroulé dans un lieu plus "ouvrier", ou dans un lieu estudiantin.
Et on a aussi repelé que le thétre du rond Point c'est là que Attali a présenté son plan pour booster la croissance de la France. Ca pose la question de l'indépendance de ce théâtre _
@Gaël,
Qui c'est Randow?
@Enikao,
Oui, et c'est d'ailleurs quelque chose qui a percé dans cette soirée. Les journalistes se plaignent mais, par exemple dans l'affaire de Tarnac (évoquée par Braouzec et Maere, je crois) les médias dans leur ensemble (mais pas dans leur intégralité) ont suivi, collé de près, à la parole de la ministre de l'Intérieur. Où est l'indépendance?
http://www.mediapart.fr/journal/france/161208/presse-libre-l-appel-de-l-obs-mediapart-marianne-rue-89-et-les-inrocks
http://www.marianne2.fr/Polemique-sur-l-independance-des-medias-Montebourg-repond-a-Aphatie_a94460.html
Dommage qu'on passe sous silence les compromissions des ces mêmes acteurs de l'info ...
J'ai déjà détaillé ici mais il semble que ça tombe dans l'oreille d'un sourd.
L'indépendance des médias passe par un exercice irréprochable or il n'en est rien bien souvent !
Bossuet (cité par Zeemour, le comble !) disait «Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles continuent à chérir les causes»
@Farid,
Non ça n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Et tu notera que la fin de mon billet est un chouia ironique!
Quand je dis que ça se passe dans un théâtre, je remarque quand même qu'il y a des détails frappants.
Mais rien n'est univoque, rien n'est simple dans une réalité complexe comme l'est celle des médias, puisque par définition les médias reflètent la réalité. Quand on regarde le média, on peut être troublé par son aspect kaléidoscopique...
@Eric, kaléidoscopique, suppose qu'il y ait plusieurs facettes avec des médias qui font bien leur boulot et d'autres moins bien. Or pour moi plus aucun média n'informe correctement ou tout juste objectivement. Ils font tous des calculs complexes pour nous informer en se gardant bien de nous en dévoiler les dessous ...
@Farid,
Sur quels sujets?
Personnellement, les journaux que j'apprécie le plus, c'est peut-être Le Monde et Politis. Mais ils ont tous les deux des failles, des défauts.
Oui, il y a beaucoup de sujets sur lesquels les médias français sont frileux (grandes surfaces, téléphones portables, le marché de l'eau, la bagnole, etc.)
Bon, ben je ne regrette pas vraiment de m'être abstenu finalement, pas de révélation fracassantes, pas de propositions boulversifiantes...
ça ne t'a pas choqué qu'il n'y ait que des hommes qui interviennent?