Entendre les représentants de Dassault ou Lagardère dénoncer des capitalistes "prédateurs", c'est toujours savoureux.
Et c'est ce qui s'est passé, semble-t-il*, aux Etats généraux de la presse. (Débats retranscrits par AFP-Mediawatch)
Ainsi, le patron de PubliPrint du Figaro, Pierre Conte, s'est adressé à Josh Cohen, le patron de Google news: « Il y a encore six mois nous pensions y arriver, mais aujourd’hui, avec la crise actuelle, nous vous considérons comme notre pire ennemi ».
« Nous ne demandons pas la pitié, mais un meilleur partage des revenus. C’est comme cela que nous comprenons notre partenariat » sur la publicité en ligne.
Un meilleur partage du gâteau
Julien Billot, Directeur numérique et new business, Lagadère Active: « par temps de crise, votre modèle d’affaires est devenu prédateur. Le modèle de prix (de la pub en ligne) menace actuellement tout le monde ».
On se souvient du combat de la presse belge contre google. Cette fois, ce sont les industriels français patrons de presse qui réclament une plus grosse part du gâteau publicitaire.
On aimerait compatir à leurs difficultés. Mais, franchement, c'est difficile.
"Votre modèle d'affaire doit changer"
Cela dit, un problème est clairement posé: il est de plus en plus ardu, pour les sites d'information, de monétiser leur audience au moyen de la publicité cliquable (google adsense, par exemple). En effet, le prix de la pub baisse constamment et il est plus rentable pour les annonceurs d'investir sur un site people ou sur une video youtube ou dailymotion que sur un site d'information (affirmation confirmer). De plus, le marché de la pub est moins important en France (source Ecosphère _ voir aussi Eco89)
Selon Josh Cohen, de google news, « chaque mois, nous renvoyons du trafic à hauteur de plusieurs centaines de millions de visites sur vos sites. Nous approchons du milliard ! ». Mais « Google ne peux pas résoudre le problème de la baisse de la diffusion des journaux ». « Personne, pas même Google, ne peut renverser cette tendance. Votre modèle d’affaires doit changer ».
* j'écris "semble-t-il" car les Etats généraux de la presse se passent à huis clos
Commentaires
Curieux débat : si Google draine tant de visites mais que les sites web de médias n'arrivent pas à en tirer des revenus, c'est peut-être que le problème vient d'ailleurs que chez Google.
La vraie question est de savoir si l'on est encore prêts à payer pour l'information, ou si seul le modèle gratuit contre publicité peut tenir. Les deux ont certainement leur place, en distinguant la qualité des contenus (il existera toujours une presse pro ou spécialisée).
Car on comprend bien que les annonceurs réfléchissent en termes de coût / impact, et actuellement les budgets pub sont en baisse...
@Enikao,
"La vraie question est de savoir si l'on est encore prêts à payer pour l'information, ou si seul le modèle gratuit contre publicité peut tenir."
Oui, mais. Pour de l'information on est prêt à payer, pour de l'infotaintment, non.
Tout à fait d'accord.Mais c'est peut-être un peu plus complexe que cela.
Gala, Voici et autre Franche Démence : pas vraiment de l'information, pourtant il y a un (très large) public. Qui paye. En plus de la pulicité.
Metro, 20 Minutes, Direct Matin/Soir : des formats courts et gratuits, pourquoi pas, il y a un marché pour eux (enfin, aujourd'hui c'est un peu difficile, si l'on croit les rumeurs de rapprochement).
Les newsmags misent sur la qualité, et ça devrait aller pour eux. Ceux qui souffrent le plus, c'est les quotidiens généralistes. Je n'ai pas le sentiment que Libé, le Figaro et Le Monde fassent de l'infotainment (quelques tendances passagères, comme le traitement de GTA par exemple). Me trompé-je ?
Google un prédateur ? Meuh nan ! C'est une gentille entreprise globale qui aime le monde global pour mieux le gober...
[Je n'aime toujours pas le modèle de la gratuité, cheval de Troie de l'ultralibéralisme, disais-je...].
@Poireau,
Il y a gratuité et gratuité. Différents types de gratuité.
Le gratuit pour apater le client, le freemium, et le gratuit mise en commun (logiciel libre)... bref, différentes formes de gratuités entre lesquelles il faudrait faire le tri.
Peut-être une idée de billet, pour début 2009!
Eric : oui tu as raison ! Je parlais ici des journaux gratuits bien sûr (que j'appelle "prospectus à caractère informatif" puisqu'on nous les distribue presque de force dans les transports).
Ce qui me chagrine toujours c'est qu'il ne semble évident à personne que faire payer la pub, c'est NOUS faire payer plus cher des produits de consommation pour financer des prospectus informatifs. Monde bizarre où acheter un yaourt paie un journaliste ! :-))
@Monsieur Poireau,
Comment réagir? Il m'arrive de lire ces "journaux". Et je ne les mets pas tous dans le même sac, certains sont de qualité acceptable.
Mais, dans l'ensemble, comme je le disais à Enikao: nous sommes trop peu exigeants; on accepte de la pseudo information comme si c'était de l'information.
@ Monsieur Poireau : si tu vas par là (non, pas par là, par là), à part Le Canard, Le Virus Informatique, Fluide Glacial, Siné Hebdo, Charlie Hebdo et Psikopat, où il n'y a pas de pub, c'est pareil pour tout le reste de la presse (peut-être en ai-je oublié).
Si tu enlèves la publicité pour les banques, GDF et autres montres de luxe du Monde, on le payerait bien plus cher.
Idem : retire les 4x3 et autres affichettes du métro, tu verras quelle hausse du ticket aura lieu.
La publicité en paye, des choses. A Paris elle paye même des vélos !
[Enikao] : j'en suis bien conscient et c'est bien ce que je n'apprécie pas. Combien coûteraient les produits sans la publicité ?
Peut-il exister un autre modèle ?
C'est un vrai sujet de réflexion sur la société dans laquelle nous vivons que de remettre en cause cette publicité outrancière !
:-)
Oui, on peut reconnaître l'"utilité" de la publicité, son omniprésence, son rôle, et on peut aussi la trouver dérangeante... débat ouvert.
Il a tout dit en une phrase : "Votre business model doit changer".
C'est certain, il faut trouver un nouveau moyen de monétiser l'info, mais comment?
Google a peut-être le meilleur business model qui soit actuellement. Ils sont en passe de bouffer microsoft, toutes les régies publicitaires en ligne, et maintenant les journaux.
Là où Google a raison, c'est que lorsque tu vas sur une news google, tu es souvent renvoyé sur un site d'un quotidien ou autre, cela veut dire qu'ils ont tellement bien géré qu'ils arrivent à gagner de l'argent tout en se dédouanant de quelconque responsabilité puisqu'ils continuent à faire vivre la presse!
@Tim,
Pour nuancer ton propos, le cour de l'action google est passé de 700$ à 300$ en 2008.
@ Eric, @ Monsieur Poireau : comprenons-nous bien, je ne justifie pas l'omniprésence de la publicité. Car quitte à être responsables et 100% libéral, il faudrait mettre en regard le prix de la mocheté et dû gâchis paysager (pour tous ceux qui sont passés par une zone commerciale, on doit se comprendre), le gaspillage écologique (utilisation de ressources non-productives, pollution), le prix des agences (ça fait quand même vivre du monde), la cote-part de publicité et du merchandising des produits (mon parfum : moins de 5 € ?), et le prix du produit lui-même.
Ajuster le curseur est toujours délicat. Et puis, j'aime bien mieux poser des questions qu'affirmer péremptoirement des réponses... ;-)
Le truc qui est soulevé là c'est qu'un très très gros impose sa loi à des moins gros qui voient leur part de gâteau diminuer, et donc s'en émeuvent.
Mais il ne faut pas oublier que tous ces médias sont venus intégrer un processus mis en place par Google lui-même (liens sponsorisés et publicités), et qu'ils ne l'ont surtout pas remis en question tant que ça leur profitait suffisamment.
Leur problème est que celui-ci est devenu tellement gros et incontournable que c'est la quasi porte d'entrée obligée pour nombre d'internautes. Et que du coup Google n'a que faire des producteurs de contenu (pris isolément les uns des autres), sa taille hégémonique supplante tout le reste (du moins dans l'esprit de ses dirigeants).
Si j'ai bien compris l'argument des patrons de presse français, Google doit changer son business model pour que le leur puisse subsister.
On n'est pas sorti de l'auberge...
@Kesjendi,
"Et que du coup Google n'a que faire des producteurs de contenu (pris isolément les uns des autres), sa taille hégémonique supplante tout le reste (du moins dans l'esprit de ses dirigeants)."
Contenu: je crois que tu mets le doigt sur le mot important.
Avec ces industriels qui raisonnent en terme de profit, c'est l'outil qui est mis en avant, pas le contenu véhiculé par lui.
Et si youtube rapporte plus que google news, on laissera délibérément en friche les sites d'info au profit des video générées par les utilisateurs.
Ce qui aura pour effet de créer une info à deux vitesses: ceux qui peuvent payer des abonnements aux sites d'info et ceux qui se contenteront des infos bas de gamme.
@Eric : mais l'info a toujours été non pas à deux, mais à un nombre infini de vitesses. Avant l'apparition d'Internet, il y avait ceux qui ne lisaient pas la presse, ceux qui ne s'intéressaient carrément pas aux actualités, ceux qui étaient abonnés de tel ou tel journal, ceux qui les achetaient tous...
Google News ne change rien, fondamentalement, à ces comportements. Et si, d'aventure, la maison mère devait en mettre le développement de côté au profit de YouTube ou autre, alors ce service se fera doubler par la concurrence.
@Rubin,
C'est assez juste, l'info est toujours à plusieurs vitesses, mais il semblait que nous allions vers la démocratisation, non l'inverse.
Mais c'est difficile d'évaluer la situation (personnellement je pense qu'avec Internet la démocratisation s'accélère, donc je ne suis pas trop inquiet _ je le serais si Lemonde par exemple devenait payant, ce qui n'est pas à l'ordre du jour).
@Eric :
Tu veux dire lemonde.fr, bien sûr ;-)
Les grands journaux (pas que français d'ailleurs) ont déjà eu beaucoup de mal à admettre qu'il leur fallait mettre leur contenu à disposition de leurs lecteurs gratuitement sur Internet.
Ce n'est d'ailleurs que le contenu contemporain qui est gratuit, puisque les archives sont payantes. Et certains titres ont préféré tempérer même cette gratuité en jouant sur une positionnement "premium", même s'ils en reviennent parfois (ex. : Wall Street Journal, Financial Times).
Je pense profondément que la vraie révolution d'Internet est celle de l'accès à l'information. La presse va perdre son monopole de relai en la matière — le processus est déjà en cours. Sa survie se trouve là où réside sa valeur ajoutée : l'analyse, que ce soit par le verbe ou par la sélection et l'agencement des informations.
Les groupes qui éditent la Libre Belgique et Le Soir ont réussi il y a deux ans à faire plier Google qui ne référence plus leurs articles dans Google News. Cela a donné lieu à une guerre où Google a dans un premier temps cessé de référencer les journaux en question dans Google Web, puis un procès perdu par Google qui a quand même fait appel.
Les raisons invoquées par la presse belge étaient que certes Google leur apportait du trafic, mais c'était au détriment de leurs ressources publicitaires sur la Toile, car le lecteur d'un article en particulier ne passe pas par la page d'accueil où se trouve la majeure partie de la pub, il ne va pas lire non plus un autre article du même journal. Le raisonnement n'est pas faux, tout dépend de l'architecture des sites et des formes de publicités - caches, bandeaux déroulants, fenêtres bondissantes. Google News incite à zapper les informations et apporte un public passager, sauf pour quelques grands titres de référence. Les journaux peuvent juger plus juste de favoriser un public similaire à celui des abonnés par le système des favoris ou signets.
L'AFP a été aussi en lutte contre Google pour une autre raison : la valeur des informations qu'elle donne repose essentiellement sur trois éléments, les photos inédites, le titre informatif et les premières lignes. En général, c'est 90 % de l'information, le reste de la dépêche rappelant juste des faits souvent déjà donnés ailleurs. Certes, on peut retrouver les dépêches AFP ailleurs et en libre accès (du moins une sélection, on n'a pas le flux complet qui est bien plus vaste), mais il y a un accord par exemple avec Yahoo! Or Google prive bien l'AFP d'une partie de ses revenus par abonnement.
La stratégie de Google est le passage en force, quitte à reculer ensuite, mais c'est surtout ( une entreprise qui édicte ses propres lois sans tenir compte des lois d'Etat ou des accords entre entreprises.
@Dominique,
Sur les médias belges tu dis:
"Le raisonnement n'est pas faux, tout dépend de l'architecture des sites et des formes de publicités - caches, bandeaux déroulants, fenêtres bondissantes."
Oui, et la question est aussi celle du cheminement de l'utilisateur.
Quelqu'un qui va sur google news et fait une requête, il va aller sur plusieurs sites d'info et ne pas s'arrêter sur l'un d'eux.
Celui qui va directement au site s'y arrête et visite plusieurs pages.
On peut voir google comme un site avant tout, pas uniquement comme un moteur de recherche.
@Eric
Tu connais bcp d'entreprises dont le cours de Bourse n'a pas été divisé par 2 ou 3 en 2008???
Même les boîtes dont le CA et les bénéfices augmentaient cette année ont vu leur cours de bourse chuter!
Je ne vois pas en quoi GoogleActualités est un concurrent : c'est un point d'entrée vers d'autres sites d'actualités, mais il ne dispose pas de contenus ...