La mort est le sujet qui intéresse le plus les médias. C'est ce que dit Michel Serres dans cette chronique prononcée à France Info (6'41).
« Je vois maintenant les médias comme une église intégriste qui parle tout le temps de la mort et qui ne parle que de la mort. La répétition est toujours là et la répétition c'est l'instinct de mort. » nous dit le philosophe.
Les médias répètent. Des chapelets de noms et d’images. Toujours les mêmes. Ce qui importe, c’est de répéter.
On se souvient du 11 septembre. Les images des "twins towers" passaient en boucles. Les mêmes mots étaient répétés. Le conflit israélo-palestinien, la guerre d'Irak, les faits divers, c'est pareil. « On ne sélectionne les nouvelles que s’il y a plus de cent morts. C’est ça les nouvelles. Or ce ne sont pas des nouvelles du tout, c’est la répétition de la mort. Comment voulez-vous que l’occident ne soit pas mélancolique ? » s’interroge Michel Serres.
Commentaires
Mouais... Michel Serres dit ce qu'il veut. Et peut-être a-t-il regardé récemment Arrêt sur Images ;-)
http://www.bigbangblog.net/breve.php3?id_breve=224
Mais une question toute bête me tarabuste : pour se faire une opinion, il a procédé comment, Michel Serres ? A-t-il fait une enquête exhaustive et quantifiée sur les sujets traités par l'ensemble des médias (il y a du boulot !) et à partir de combien de morts un fait divers sera transformé en "nouvelle" ? Se pose-t-il seulement la question, avant de parler à la radio ?
J'avoue que j'ai des doutes...
Irène,
Oui, tes critiques sont juste, car MS pousse le raisonnement jusqu'au bout. Ca manque de nuance, volontairement.
Mais le lien qu'il fait entre répétition et mort me semble classique. La vie c'est le mouvement, la mutation, le changement. Cesser d'évoluer, c'est être mort.
Or, on peut percevoir les médias comme une machine incantatoire, répétitive, obsessionnelle. Et si on veut comparer ça à la religion, c'est l'effet "mantra".
Je trouve intéressant de s'inquiéter des habitudes, des mécanismes dans lesquels on enferme nos vies...
(Quant à l'enregistrement, il est assez ancien).
parler de la mort pour étouffer la vie!
plus facile de gouverner des morts en sursis que des vivants, ces derniers ont d'autres exigences
céleste,
étouffer la vie, en quelque sorte.
l'emprise médiatique réalise, dans le domaine de l'esprit, ce que la malbouffe accomplit dans le domaine du corps: aboutir à la satiété. Et d'une certaine façon on peut dire qu'on étouffe par le gavage médiatique.
Le problème de ce genre de phrase est que sorti de l'ensemble philosophique qui la sous-tend, c'est d'une vacuité totale. C'est tout le problème des chroniques. Soit on est philosophe et on introduit une singularité de point de vue qui oblige pour se faire comprendre à un enseignement approfondi, soit on est journaliste et on parle le plus possible à partir de la doxa commune sans prétendre la transformer mais simplement en l'enrichissant par des informations.
A mon habitude, je vais un peu casser le débat. Pour un média, vendre des morts ça rapporte...
J'en reviens à mon cheval de bataille sur les faits divers. Michel Serres se trompe. Pas sur le premier extrait diffusé par Loïc, juste sur le deuxième. Le nombre de morts de compte pas. Combien d'articles ont été diffusés sur la fille qui a été brulée dans un bus à Marseille ? Elle est morte ?
Combien d'oseille ont gagné les journaux avec cette histoire ?
Vendre des morts, ça rapporte... mais vendre des moribonds ? Heu...
@Le passant,
"Le problème de ce genre de phrase est que sorti de l'ensemble philosophique qui la sous-tend, c'est d'une vacuité totale. C'est tout le problème des chroniques."
C'est juste. Le problème de la chronique est qu'elle est construite autour d'une seule idée. Et on perd de vue l'ensemble du travail politique d'un homme, Michel Serres, qui a bien d'autres choses à dire.
@Nicolas,
"A mon habitude, je vais un peu casser le débat. Pour un média, vendre des morts ça rapporte..."
Oui. Mais regardons la question du point de vue du vendeur, mais aussi de l'acheteur. Les acheteurs de journaux aiment les faits divers. Sauf toi je sais; moi non plus ça ne m'intéresse pas.
J'aime bien l'idée de culte évoquée par Michel Serres. Ca me semble bien décrire les médias, surtout télévisuels: une immense messe noire.
"Je vois maintenant les médias comme une église intégriste qui parle tout le temps de la mort et qui ne parle que de la mort."
Oui mais si cette église n'avait pas autant de fidèles survivrait elle et aussi longtemps ?
Et j'en reviens à cette question méta-physico-philosophico-cosmique... est ce les médias qui sélectionnent l'information en fonction de leur(s) auditoire(s) (pardon .."adeptes") ou l'inverse ?
Avec tout le respect que j’ai pour le brillant Michel Serres j’ai plutôt tendance à conclure ainsi :
On fustige encore une fois «les églises» et on oublie ceux qui les construisent…
Farid,
"On fustige encore une fois «les églises» et on oublie ceux qui les construisent…"
Oui, au delà des prêtre (des imams, etc.) et des croyants, le plus important est l'esprit. Ce qu'il y a dans l'esprit des hommes pour qu'ils s'intéressent en premier dans leur journal aux nouvelles liées à la mort.
On n'est pas obligé de considérer que c'est morbide. Mais on peut s'interroger tout de même.
De plus, Michel Serres parle de la mort mais aussi de la répétition.
La répétition est le contraire de l'invention, de la création. C'est en ce sens que la répétition est liée à la mort.
Eric : je crois que mon article d'hier a été un peu influencé par cet article-ci; Pas directement et entièrement mais un peu quand même !
C'est effectivement etonnant de décompter les mauvaises nouvelles, le "mal" raconté par les médias…
[par contre je n'ai pas encore lu ton texte volant, désolé !]
:-)
filaplomb,
"je crois que mon article d'hier a été un peu influencé par cet article-ci;"
c'est normal! Je suis un blogueur influent...
;)
La hiérarchie de l'actualité est à mon avis une des première chose que le passage de la télé à la blogosphère va changer.
je suis en désaccord avec Michel Serre :
"On ne sélectionne les nouvelles que s’il y a plus de cent morts. C’est ça les nouvelles." dit-il
non,.... manifestement dans la litanie obscessionnelle des morts exposée dans les médias, la mort a un prix manifestement
et c'est cela qui est détermiant dans lamanière si cela va être traité ou non
ce n'est pas tant le nombre de morts qui compte mais la couleur de la peau des morts
sinon quid du quasi silence des morts au Congo, au Darfour ? etc....
j'en ai parlé là : http://lesyeuxouverts.over-blog.net/article-4683051.html
les yeux,
"ce n'est pas tant le nombre de morts qui compte mais la couleur de la peau des morts"
il y a l'équation "nombre de morts au kilomètre" qui est très importante. 1 mort dans ma commune, ça me touche plus que 100 morts à l'autre bout de la Terre.
Oui, dans ce que dit Michel Serres il y a volonté de marquer les esprits. Donc, d'une certaine façon, il exagère!
je ne nie pas l'effet du kilomètre qui attenue la compassion que nous éprouvons
elle est connue de tous
mais ton article parle aussi des médias et des morts dans les médias
je ne remarque pas que dans les médias on parle moins des morts loin de nous s'ils sont blancs.
on parle dans les médias des morts qui nous ressemblent, qui sont semblables à nous
en l'occurrence, blancs
et c'est facilement vérifiable , mais petit exemple :
paris- New York : 5 844,828 km
paris-kinshasa : 6 003,713 km
il me semble que les morts du 11 septembre ont fait plus pleurer que les 4 millions de morts là-bas depuis le début de la guerre....
Les yeux,
Oui, c'est tout à fait vrai.
Mais le cas du 9 11 était particulier: c'était un événement historique.
Cela dit, je ne remets pas en cause ce que tu dis. Et je me souviens (ou je crois me souvenir, il faudrait vérifier) que pendant les attentats de Londres; il s'est produit une inondation terrible en Inde qui a causé beaucoup plus de victimes. Les attentats de Londres remplissaient des pages entières dans les journaux alors que les morts en Inde ont été traités en 10 lignes.
Tu peux voir aussi ce que je disais à l'époque du coup de boule de Zidane. Un attentat a eu lieu en Inde peu après, mais cet attentat a fait moins de bruit médiatique que le coup de boule de Zidane. http://crisedanslesmedias.hautetfort.com/archive/2006/07/11/zidane-et-les-marchands-de-tulipes.html#comments
heu...ce n'est pas un evenement historique la guerre de la RDC, avec ses 4 millions de morts ?????
historique pour qui ? pour nous les blancs ?
j'espère que personne d'impliqué en RDC ne te lira.....
bon, je vais voir ton article...
les yeux,
Je n'ai pas dis ça. Il se trouve que j'ai un peu parlé des élection en RDC (http://crisedanslesmedias.hautetfort.com/archive/2006/08/03/congo-election.html)
Et j'ai échangé pas mal avec un blogueur congolais (sans trop savoir de quel parti il était... mais l'essentiel, pour moi, était d'entendre une voix un peu détonnante).
Concernant le 9 11, c'est un événement historique, au sens où, il en est découlé d'autres événements importants. Evidemment que la guerre de la République du Congo est bien plus meurtrière que les attentats du 9 11.
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Cela dit, il y a quelque chose dont on parle encore moins que des guerres africaines, c'est des pauvres qui vivent en France, à côté de nous.
Et ce serait aussi à moi de le faire. Pourquoi pas?
oui eric, c'est une urgence.....
j'ai réouvert mon blog d'ailleurs avec un billet sur le sujet :
http://lesyeuxouverts.over-blog.net/article-4679444.html
les yeux,
Oui, j'ai vu ça, bonne nouvelle!