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Bernard Langlois jette l'éponge

Un monsieur arrête son activité à 65 ans: est-ce que ça vaut le coup d'en parler? Bernard Langlois, un des fondateurs de Politis, a décidé d'arrêter sa chronique. Je me suis décidé d'en parler à cause des circonstances qui l'ont poussé à arrêter.

Bernard Langlois a décidé d'arrêter, car il ne se sentait plus en phase avec le ton de Politis. Il se jugeait trop pessimiste. Il l'écrivait dans ses chroniques. Les lecteurs le lui ont reproché. Jusqu'au moment où il a décidé de jeter l'éponge.

"Pessimisme dangereux, surtout pour les jeunes"

Dans sa chronique finale, Bernard Langlois avoue son pessimisme: toutes ces luttes, qu'ont-elles données, depuis vingt ans? L'ultralibéralisme, malgré ou à cause de la "crise", des crises, n'a jamais été aussi puissant. Que faire? La vieille question, Langlois y a répondu de façon désabusée. Il passera son temps à cultiver son jardin, profiter de la vie et rire avec ses amis.

Parmi les reproches, l'un d'eux émerge. " Depuis un certain temps, tu sembles témoigner d'une lassitude et d'un pessimisme dangereux, surtout pour les jeunes.", lui écrit un lecteur. C'est du genre: n'affolez pas le bétail!

Dans sa dernière chronique, Langlois tire sa révérence, un peu dépité. Relevons cette longue tirade, désabusée au possible:

"Tout cela, que je pense vraiment, et bien d'autres choses encore, pas plus réjouissantes, sur l'état de la planète (en voie de déliquescence angoissante) comme sur ce qu'on appelle la « démocratie » (un paravent masquant au peuple la réalité des ploutocraties), sur la corruption omniprésente (et pas seulement dans le tiers monde ou en Russie, où on la montre volontiers du doigt pour mieux faire silence sur la nôtre), sur la médiocrité de la presse en général et la servilité de l'audiovisuel en particulier (sur le fond, sinon la méthode, Peillon n'a pas tord), sur l'hypocrisie des rapports sociaux (ah, Séguin, quelle grande perte!), sur l'impuissance des associations empêtrées dans des débats abscons (la sodomisation des drosophiles comme un des beaux-arts), sur l'omniprésence d'un politiquement correctqui gomme la gauloise de Sartre ou la pipe de M. hulot sur les affiches et remplace la clope de Luccky Luke par un brin d'herbe (qui de façon générale passe la verdeur de la langue et le franc-parler populaires au rabot de la bien-pensance), sur l'hébétude des masses droguées (à la potion télévisuelle pour les ainés, aux jeux vidéos et autres systèmes de messagerie moderne pour les plus jeunes, au foot pour tous...), je m'arrête."

Après cela, évidemment, on a envie de dire: n'en jette plus!

Un lecteur, Jean Thévenard, l'avait interpellé durement: "Où va Bernard Langlois?" Ce lecteur a envoyé une nouvelle lettre à Politis: "Je voudrais dire et préciser que mon intention dans mon courrier n’était pas de souhaiter son départ (que je regrette), ni qu’il triche (comme il le dit), ni qu’il renonce à ses analyses (d’apparence pessimiste), ni qu’il tergiverse encore. Je voulais simplement exprimer un encouragement, pour nous tous, à ne pas renoncer à la lutte sous toutes ses formes contre cette société libérale et pour un autre monde, sans mettre en cause Bernard, encore moins l’accuser de désertion".

Précisons, à mon tour, que j'ai rencontré Bernard Langlois il y a quelques années, à un moment de mon périple de blogueur. Nous nous étions retrouvé, pour un repas agréable avec Olivier Bonnet, Philippe Gammaire et Sébastien Fontenelle. Un monsieur sympathique, plutôt épicurien, jovial. Et lucide, comme la suite l'a prouvé...

Commentaires

  • Les conservateurs ont réussi la contre-révolution initiée par Mme Thatcher.

    Des néos, revenus de toutes les utopies sociales les ont bien aidés.

    D'abord en laissant à des réactionnaires fieffés et cupides, l'idée du libéralisme pourtant inventée par des philosophes d'un peuple minoritaire et épris d'autonomie et de libertés pour qui il était important de pouvoir exercer des activités lucratives selon le Droit sans oublier le bien commun.

    Cette essence du libéralisme est bien occultée maintenant que les libertariens n'ont plus besoin des "pères" fondateurs !
    Je crois que c'est Michel Foucauld qui leur a fait ce cadeau sans bien se rendre compte de ce qu'il faisait. Paix à son âme !

    Nous assistons impuissant à la privatisation du monde. C'est à dire à un recul du Droit massivement dans toutes les sphères :

    Privée, c'est du ressort de la famille. Seulement les pauvres ont besoin du juge pour arbitrer leurs conflits.

    Économique, les affaires c'est chose privée, du seul ressort du droit subjectif :
    On se met d'accord sur un contrat. Seul compte l'engagement des signataires et les termes du contrat. Si conflit il y a, seulement le contrat fait office de référence.
    Aussi, il n'est plus besoin de pénaliser l'activité commerciale. On peut se passer de juridiction.

    L'off-shore n'a pas d'autre sens que "Tout hormis le Droit".

    Si la fin du Paternalisme a un sens, c'est par la diabolisation de la figure du Juge.

    Si la fin du Féminisme a un sens, c'est bien par le retour de la la figure de la Mère, femelle phallique triomphant par le seul principe de la coutume implicite si "naturelle".

    Si la critique de la Psychanalyse a un sens, c'est bien par le scientisme effréné d'un pseudo Darwinisme généralisé à la biologie fonctionnelle des comportements.

    L'irrationalité n'est plus de mise, ni surtout l'inconscient, ce subjectivisme qui est bien ce "réel" sans dénomination que Lacan a si bien décrit.

    Double pensée : la vérité est constitué de tout ce qui se mesure.
    En dehors de l'évaluation, c'est à dire la conversion de chaque chose, de chaque idée en valeur monétaire, c'est le rien, le néant, l'illusion.
    Ce qui n'a pas de valeur est mensonge.

    Le vrai est l'ensemble de ce qui a de la valeur même par dérivation.

    C'est ainsi qu'il faut comprendre l'idéologie du marché, par le principe de la relativité généralisée de la valeur.

    Le monarque est mort, vive le R.O.I. (return on investment)

    Retour sur investissement. Voilà le principe unique de l'humanité. Ce qui ne retourne rien, c'est le Mal.

    Comme toujours, d'ailleurs, ce vieil anathème le Vaut-Rien, l'ennemi.

    La fin de la pensée et du libre arbitre.

    Le laisser-faire tenant lieu de la seule liberté reconnue comme telle.
    Aussi, ce qu'on appelle le marché, c'est tout ce qui peut se contractualiser. C'est la fin du bien communal. On privatise vraiment tout. Et surtout, ce qui appartient à la commune.

    En faisant disparaitre cet espace public, qui appartenait à tous et à chacun, les relations sociales sont devenus extrêmement tendues.

    Il n'y a plus d'espace neutre.
    Pas un lieu qui ressortirait à un bien communal.

    Les tories britanniques ont inventé ce concept sécuritaire : privatiser les lieux de passages, réduire à rien l'espace public afin d'établir la sécurité des biens et des personnes selon le seul principe de la propriété privative.

    Il faut dire que "les passages privés", lieux de commerce et donc de chalandise ont été inventé dans le Paris de Baudelaire.

    Les anglais se sont contentés d'en généraliser le principe à toute la planète.

    Faute d'un bien commun, nous n'avons plus rien de commun.
    Nous voilà, dans une sorte de régression incroyable et inattendue, ramener à des millénaires en arrières.

    Du bien commun, nous revoilà aux biens communautaires, mosaïques de propriétés privées agglomérées dans une fausse unité administrative et économique.

    Comme tout cela repose sur un système idéologique, c'est à dire un système logique avec une infinités de contradictions, les postulats sont autant de dictats, des principes abusifs qui surévaluent la propriétés des uns au détriment de ceux qui possèdent ou peu ou rien.

    Ceux dont la propriété n'a pas de valeur intrinsèque faute d'être dans une zone prospère, c'est à dire un lieu où les recettes de l'imposition de tous et surtout des plus modestes sont affectées à financer l'infrastructure, soit disant publique des propriétés des plus riches, la démocratie a perdu tout son sens.

    D'où la crise du sens, et son corollaire, la crise de l'information : car quelle information circule maintenant, des rapports sur la réalité d'aujourd'hui, des nouvelles sur les bastions homogames de la nouvelle cité découpée en zones privatives.
    C'est la vision pessimiste.

    Faute d'un lien fondé sur sur un bien commun, public, faute d'espaces de libertés et de rencontres en zones neutres, l'information en est réduite à donner des nouvelles communautaristes et forcément subjectives : des visions déformées sur ceux de la zone privatisée d'à côté, homogénéisé socialement par le seul fait de la cotation permanente des marchés immobiliers.

    Et, en ce qui concerne la politique, outre les spectacles d'une démocratie de plus en plus formelle qui fait que la communication est évènement et que le débat se réduit seulement à la glose qui s'ensuit, on assiste aussi à sa privatisation par le lobbying qui consiste pour les grandes entreprises à se "payer" des élus qui représentent leurs intérêts.

    Et l'élection est le jeu pervers des discours convenus, des promesses d'évidence et l'aporie des mesures législatives qui ne produisent pas du Droit mais de la réglementation, révision permanente des règles du jeu en faveur des puissants du moment.

    Les deux mamelles de la modernité des conservateurs :
    bureaucratie et technocratie.
    Si étroitement et incestueusement emmêlés.

    Seul l'indécence est restée commune.

  • C'est très triste ce départ. Je me souviens de mon premier Politis, achetée en 1992 je crois, et je voyais cette revue pas comme les autres comme un miracle presque, qui me parlait enfin, qui était une alternative à l' Express, au Nouvel Obs et même à l'Évènement du jeudi, une revue qui disait les choses crûment avec un oeil critique, mais plein d'espoir.

    Et se rendre compte plus de 18 ans après que la société est allée plus loin dans l'individualisme, dans la précarité, c'est un coup de poing qui fait très mal...

    Les éditos de Bernard Langlois vont me manquer, égoïstement.

  • @Océane,

    Oui, c'est un peu en faisant ce constat, en mesurant le chemin parcouru par notre société en une vingtaine d'année que BL a pris cette décision, si je comprends bien.

  • J'ai du respect pour son parcours. Il n'a pas choisi la facilité mais il a la conscience tranquille. Qu'il profite de sa retraite...

  • Un repas agréable en compagnie d'Olivier Bonnet,le spécialiste de la censure et de nombreux mensonges sur son blog de plume de presse,non,c'est pas possible ?
    En plus du libéralisme,des inégalités criantes,les journalistes lêcheurs de bottes,etc...Ce repas n'a pas du améliorer les états d'âmes de B.Langlois,c'est sur !

  • @jeanpaul,

    Les blogs ne sont pas des espaces où on peut insulter les gens sans raison. Je n'efface pas votre commentaire mais je n'approuve pas vos façons de faire.

  • Je n'insulte personne sur les blogs car mes parents ne m'ont pas donné une éducation de voyou...par contre dans notre chère et adorée socièté démocratique et " libérale " comme apparemment l'aime beaucoup B.Langlois,j'ai le droit de dire de ceci ou de cela,d'un tel ou d'un autre, qu'il y a de nombreux menteurs par exemple,ici ou là...il ne faut pas confondre des mots " vexants " avec des insultes ( ou des injures,c'est synonyme)même si les bipèdes cités en question ne donne pas leur part aux chiens.

  • salut Eric,
    je porte à peu près la même analyse que Bernard Langlois. Parce que tout s'accélère et que notre pays s'enfonce dans un obscurantisme consternant digne des plus belles heures de George W., que rien ne semble arrêter, pas même le peuple qui plie l'échine (je m'inclus dedans).

    Ce que je retiens avant tout de bernard: c'est un humaniste. Il n'a jamais perdu de vue l'humain dans ses analyses. Son regard iconoclaste et tranchant, sa capacité de révolte et son ironie vont me manquer.
    Il incarne jusqu'au bout un journalisme d'opinion indépendant, et sa carrière le prouve: il ne s'est jamais plié aux pouvoirs quels qu'ils soient. Sa répulsion pour le journalisme lèche-bottes l'honore, il peut sortir du jeu la tête haute. Contrairement à (beaucoup) d'autres.
    Et je garde un excellent souvenir de cette soirée d'échanges...

  • @Phil,

    Oui, humaniste, c'est bien comme ça que je l'ai perçu.

  • Total respect pour Langlois.
    Je ne suis pas loin de partager son pessimisme mais je n'ai pas 65 ans !
    A mon sens, les gens n'ont pas encore compris ce qui se passe et la vacuité de leurs petites manifs. Le temps est un facteur important !
    :-))

  • Bernard Langlois fait partie des "Hommes Rares".
    Il a toujours fait preuve de sincérité, générosité, intelligence, clairvoyance, talent,humour,belle plume, humanisme!!!
    Lire son blog-notes chaque semaine depuis le N°1 de Politis après avoir lu son livre "Résistances",était un moment important, éclairant, savoureux!
    Merci et longue route!!!

  • Je réagis avec retard …

    Eh, les gars, c'est pas la peine de vous empailler à propos d'Olivier Bonnet : il n'était pas à ce dîner et l'a assez regretté … Nous étions quatre : Fontenelle, Gammaire, Mainville et moi.

    [Sinon, inutile de préciser que je n'approuve nullement les attaques du dénommé Mata …]

  • @Bernard,

    Tiens, ma mémoire défaille: je croyais me souvenir qu'Olivier était là ce soir-là. En fait j'ai confondu avec un autre jour, avec les même plus Olivier!

  • très intéressant ce blog, je reviendrai!

  • Comme tout cela repose sur un système idéologique, c'est à dire un système logique avec une infinités de contradictions, les postulats sont autant de dictats, des principes abusifs qui surévaluent la propriétés des uns au détriment de ceux qui possèdent ou peu ou rien.

  • Si c'est un système logique,est-ce normal qu'il y ait une infinité de contradictions...Hum,hum ?

    Presque tous les êtres humains chez nous, dans notre merveilleuse société libérale, possèdent le principal : " vivre "...et c'est déjà beaucoup,non ?

    PS: Bravo Eric,d'habitude quand je titille quelqu'un,très souvent avec raison,sans insulter personne,même si l'on m'insulte...en général je suis censuré avec plaisir,apparement t'es comme B.Langlois, ton bon coeur te perdra !

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