A chaque catastrophe (aérienne, ferroviaire, médicale, etc.) on s'interroge: pourquoi les médias en parlent-ils autant? Jusqu'où va le devoir d'informer, où commence le voyeurisme, la curiosité morbide?
Si les médias parlent autant d'une catastrophe, c’est parce que "ça pourrait arriver à tout le monde", et qu’en cela, c'est susceptible de toucher les téléspectateurs. (sémioblog)
De fait, les médias entretiennent une relation particulière à la mort. Ils parlent sans arrêt de la mort.
C'est ce qui fait dire au philosophe Michel Serres:
"Je vois maintenant les médias comme une église intégriste qui parle tout le temps de la mort et qui ne parle que de la mort. La répétition est toujours là et la répétition c'est l'instinct de mort".
Commentaires
La mort, ça fait vivre.
Je pense souvent à une réflexion de David Pujadas (pour laquelle il s'est excusé) quand il découvrit les premières images du 11 septembre. Il s'exclama: "Génial".
Parler de mort, qui touche tout le monde, c'est flirter avec un tabou, avec ce qui est absolument insupportable (les affaires pédophiles, de crimes abjects,... sont tout autant traitées pour les mêmes raisons).
La morbidité est choquante car nous vivons dans une société dont la mort a disparu. Elle n'est plus acceptée (alors que bon, finalement...).
>Eric, ce n'est pas vraiment nouveau. Que l'on se rappelle des unes des journaux fin 19ème ou début 20ème. Et même pourrait-on dire, les hommes ont toujours raconté les guerres, les catastrophes, les meurtres et les massacres, du mythe grec à la bible et j'imagine qu'il en va de même pour les autres grands texte. La seule différence aujourd'hui, c'est la puissance de tir, jusqu'à saturation, et la concurrence entre média, qui pousse à l'outrance et empêche chacun de prendre du recul. Ah, j'allais oublier le cinéma, qui remplit les vides lorsqu'il n'y a pas assez de catastrophes ou de guerres ;-)
Mais là où je ne suis pas d'accord, c'est que ce n'est pas de la mort que l'on parle, parce que la mort est la mort unique d'une personne en relation avec d'autres personnes. On parle du sida, pas de la mort d'un malade, en expliquant ce qu'elle est, comme elle est vécue par celui ou celle qui va mourir et son entourage. On pourrait multiplier les exemples. J'ai même l'impression que ces morts spectaculaires, sont là pour remplir le vide de l'absence de la mort dans notre société. Pour l'avoir beaucoup trop rencontrée déjà (génération sida, ça marque) et cancer pour ceux qui sont passés à travers, je vois bien à quel point la mort est tabou dans notre société. Avant on mettait un catafalque noir sur la porte des immeubles, aujourd'hui on sort le cercueil en catimini pour vite l'enfourner dans un fourgon mortuaire. La mort est réservée à l'église pour les uns sinon au cimetière, et les seuls enterrements que l'on voit, ce sont ceux des stars... à la télé !
Comme je l'ai écrit sur mon blog ce matin, j'ai passé mon après midi hier en voiture et j'écoutais France Info parlant de cette catastrophe aérienne. J'étais bêtement fasciné à écouter les mêmes experts...
@Ferrocias,
La réaction de Pujadas est géniale. Elle illustre bien à quel point les médias nous font prendre du recul par rapport aux événement: cmme s'ils n'existaient pas réellement
@JP,
"J'ai même l'impression que ces morts spectaculaires, sont là pour remplir le vide de l'absence de la mort dans notre société."
Oui, sans doute le retour du refoulé.
Tu as raison de parler de tabou.
@Nicolas,
Ca peut nous arriver, d'où la fascination.
Comme quoi la presse tient son rôle pour nous dire ce qu'il faut penser, ce qu'il faut souffrir, ce qu'il nous faut d'humanité, ...... Si elle continue comme cela, que cette presse là crève ! et les experts avec !
Est-ce si sûr que ça que la chose se rapporte à la mort ? Je pense plutôt à un rapport à la peur, critère sur lequel notre société hédoniste de consommation est basé.
"Comme cela peut arriver à tout le monde on en parle" ???? Quel est le % de personnes qui prennent l'avion dans le monde en un an ? Par contre la peur est, elle, universelle, avion ou pas.
Ce n'est pas tellement la mort elle-même mais l'irruption de la mort dans un jeu de quille qu'on souligne, un rappel de la petite peur nécessaire…
Combien d'avions n'ont eu aucun incident de vol dans la jouréne d'hier ?
Ah oui…
:-))
[Par contre, pour le Loto, on ne parle que des gagnants !!!].
Fascination des médias pour la mort ou pour le spectacle ? Il me semble que la mort n'est pas toujours suffisamment spectaculaire, souvent trop monotone...
http://www.avoodware.com/blog/files/decompte-macabre.html
Voila très exactement pourquoi je fuis les infos. C'est pas très malin, d'accord, mais au moins, ça ne me détruit pas le moral !
@Didier,
"Comme quoi la presse tient son rôle pour nous dire ce qu'il faut penser, ce qu'il faut souffrir, ce qu'il nous faut d'humanité"
D'une certaine façon. Mais chacun se fait son jugement.
@Poireau,
Oui, l'exceptionnel=événement.
Mais Michel Serres va plus loin: pour lui la répétition c'est la mort. Les médias sont sur le mode de la répétition incessante des mêmes mots.
@Cigüe,
Tu as raison.
@Dedalus,
Bonne question.
il s'est produit un phénomène bizarre...
Je disais précédemment que les médias aiment ces sujets qui font appel à l'émotion... Accessoirement, c'est le genre de sujet qui permet de remplir la moitié d'un JT avec du vide...
Je penche pour la fascination du spectacle de la mort qui fait toujours beaucoup d'audience.
Plus les sujets sont tabou, morbides et spectaculaires, plus les reporters et journalistes vont gagner d'argent. C'est vrai qu'il y a des passionnés du journalisme mais ils ne peuvent pas faire leur travail correctement à cause de la hiérarchie. Si leur patron leur donne un sujet à faire ils ne peuvent pas refuser... Et comme les grandes chaines appartiennent à des hommes importants qui veulent s'en mettre plein les poches, les journalistes suivent !
Très bon sujet de débat en tous cas !