Christelle Membrey décrit, dans l'animation ci dessous, les rôles respectifs des lecteurs (encore appelés "utilisateurs" ou "internautes") et des journalistes, sur un site d'information tel que Rue89.
Elle analyse quelles possibilités sont offertes aux lecteurs. Plusieurs types de commentaires et d'interventions sont possible, qui lui permettent d'enrichir l'information. La fonction du journaliste s'en trouve modifié. Son rôle est celui d'un médiateur de l'information.
On peut comparer cette description avec la vision que donne Alain Minc de la discussion sur Internet. Pour ce conseiller du chef de l'Etat, ancien ponte du Monde, elle aboutit à effacer les hiérarchies. "Tous les faits se vaudront; toutes les opinions seront équivalentes", écrit-il.
"L’interactivité sera en effet la religion de ce nouveau médium, comme le culte des faits l’était dans la grande presse anglo-saxonne d’autrefois. L’internaute sera loin de pratiquer “la prière du matin” de Hegel, cette lecture liturgique de la presse. L’interactivité et le dialogue entre l’internaute et l’émetteur d’informations et d’opinions aboliront toute forme de hiérarchie. Tous les faits se vaudront; toutes les opinions seront équivalentes; tous les savoirs se neutraliseront. Les optimistes y verront la forme parfaite de l’hyperdémocratie, les pessimistes le paroxysme du populisme. Ce sera un débat théorique car nul retour en arrière ne sera possible. Les élites médiatiques et intellectuelles n’auront d’autre choix que de s’y adapter : ceux qui se draperont dans la nostalgie et le mépris seront balayés des écrans; ceux qui se plieront hypocritement aux nouveaux rites survivront. Mais surtout des figures inconnues apparaîtront, habiles professionnels de cette nouvelle religion : ce ne seront pas des prophètes ex cathedra à l’image des intellectuels et des éditorialistes classiques, mais des dialecticiens malins capables de rebondir sur les réactions de la communauté internaute et de la modeler autant qu’elle les travaillera au corps."
(source Pierre Assouline)
Or, il semble que la présentation qui est donnée, concernant Rue89, indique qu'au contraire, la hiérarchie est "respectée", entre des journalistes qui ont un certain rôle et des utilisateurs qui ont un autre rôle.
Et, d'ailleurs, n'est-il pas nécessaire, pour qu'un débat ait lieu, qu'il y ait un langage commun, donc des règles à respecter?
Commentaires
Elle gentille Christelle mais elle oublie qu'un blmog qui a une audience de 300 connexion/jours ou même 3000 ne peut pas être comparé à un journal télévisé qui fait 3 millions de téléspectateurs ... Quand on sait qui tient la bourse à la télé on comprend mieux les motivations de celui qui y sert la soupe !
@Farid,
Oui, si on parle de "temps de cerveaux disponible". Mais quand il s'agit de participer à produire une information utile (pas seulement distrayante), les nouveaux moyens utilisés par des médias tels que Rue89, ou les blogs, peuvent être pertinents. C'est une autre démarche.
Interactivité grande DIVA de la pub actuellement, bel appat !
Et puis son texte ne révèle que des mises en opposition de deux schémas assez réducteurs.
Mais aussi une forme de nivellement. :(
A suivre mais avec beaucoup de prudence.
Je pense en effet que le métier de journaliste évolue. Je ne pense pas, en revanche à l'affirmation d'Alain Minc. Au contraire, les journalistes et les organes de presse, si toutefois ils entrent dans la danse de l'information 2.0, ont la légitimité pour arbitrer, hiérarchiser les infos.
La marque de presse devient alors une marque média et prend sa place dans le numérique en créant et s'immergeant dans une vaste communauté rassemblée autour de ses valeurs.
Bon, une fois qu'on a dit ça, il faut juste envisager une réorganisation des rédactions et du métier... un détail !
Et puis, je ne suis pas sûr que les gens de la presse soient prêts à accepter/intégrer le concept participatif du web. c'est une véritable révolution culturelle. On est en train de passer d'un journalisme "expert" et descendant (façon Lippman) à un journalisme basé sur l'échange et la concertation (façon Dewey).
Pour autant, eu égard à ce qui se passe dans notre vaste monde, j'ai tendance à penser qu'il serait bon qu'ils anticipent...
@Benoit,
"Et puis, je ne suis pas sûr que les gens de la presse soient prêts à accepter/intégrer le concept participatif du web. "
Ca arrive doucement. Les journalistes sont attentifs à leurs audiences. Mais comment leur donner un peu mais pas trop de pouvoir?
"On est en train de passer d'un journalisme "expert" et descendant (façon Lippman) à un journalisme basé sur l'échange et la concertation (façon Dewey)."
OK. Des références (Lippman, Dewey) à découvrir!
@Eric, Oui, sauf que ce n'est pas Rue89 qui nomme les patrons des chaines de télé ou de Radio ... Philippe Val à la tête de France Inter juste pour avoir défendu le fils a Sarko, c'est maigre comme palmarès mais c'est suffisant pour se faire propulser en position de censeur.
Rue 89 pourra toujours produire de l'info pertinente si elle ne croise pas du "cerveau disponible" c'est comme si on versait de la vitamine C dans les chiottes avec le secret espoir de déboucher les canalisations !
@Farid,
Tes métaphores sont décapantes.
Décapantes mais pertinantes.
@ Eric
Je pense que seul une marque de presse, avec toutes ses valeurs de rigueur, de savoir-faire, de légitimité dans le doamine de l'information, peut jouer un rôle de contrôle de ce pouvoir des internautes. A condition qu'elle joue selon les règles participatives du net. Pas évident, parce que, d'une certaine façon, échanger avec ses lecteurs est perçu comme "déroger" par nombre de journalistes qui ne sont pas encore prêt à sortir de leur tour d'ivoire.
Or cet échange risque de devenir une part importante du travail d'une rédaction. Cela entraîne un changement de mentalité individuelle et une évolution de l'organisation de ces rédactions...
Pfff quel travail ;-)
l'interactivité n'apporte pas toujours d'interessantes choses à vrai dire...ainsi je remarque que sur les médias en ligne, l'intervention des internautes sur ces médias ne m'enrichit en pas grand chose, hélas... en général elle génère des opinions brutes sans argumentation, des idées arrêtées attendues, des certitudes qui n'écoutent jamais ce que dit l'autre, sinon pour le 'latter'.
Elle n'informe pas, n'enrichit que rarement,; n'éclaire que parfois, elle me semble plutôt conforter la vanité de ceux qui s'expriment, de voir leur nom et leur intervention publiés. Souvent on pourrait se croire au zinc d'un bistrot.
Il suffit d'aller sur les espaces des médias du net pour s'en convaincre...
Evidemment il y a quelques exceptions où les interventions sont pertinentes..mais c'est rare
Débattre n'est pas la simple liberté de s'exprimer : il faut surtout que le contenu ait de la matière, le débat est tout un art qui suppose également la connaissance.
RUE89 me semble en effet conserver la distinction entre le lectorat et le journaliste. Il y a discussion, dialogue, échange avec la rédaction, mais les rôles sont clairement établis.
Je serais plus circonspect avec des sites d'information participatifs comme Agoravox (et ses petits : Naturavox, Carevox). Il y en a d'autres.
La comité de rédaction est flou, informel, pas vraiement crédible. Qui sont ceux qui choisissent ? Sur quels critères. Ce que j'en retiens, c'est que ce "quelqu'un" qui décide donne plutôt la parole à des experts supposés ou réels (ils peuvent être spécialiste d'un domaine, universitaire par exemple, ou spécialiste des conséquences de ce domaine, chômeur par exemple lordsqu'on parle de la crise).
Il suffit d'avoir ces compétences de base pour espérer voir ses articles édités.
Or, on peut tout à fait écrire un article intérêssant, avec un vrai point de vue, sans être expert pour autant, juste un bon chroniqueur. Or là, il devient délicat de passer les fourches des "décideurs" sur ces sites.
Dans le cas d'Agoravox, le flou ne permet plus de hiérarchiser l'info de façon convenable, cela devient cacophonique et gênant.
http://www.lachosenumerique.com/
@Merlin,
Oui, dans le cas d'Agoravox, il y a une équipe de pros. Mais je crois (du moins à l'époque où j'y publiais c'était comme ça) que les articles sont choisis par des rédacteurs un peu plus aguerris que les autres.
D'accord avec toi, sur le flou qui ne permet plus de hiérarchiser l'info.
On ne peut pas comparer l'info de TF1 que le spectateur subit pendant qu'il mange, joue avec les enfants ou lutine Madame sur la table de la cuisine et les sites d'information sur lesquels les internautes se rendent pour développer une opinion qu'ils ont envie de mettre en débat !
:-)
[Alain Minc en penseur moderne, ça me fait toujours rigoles, j'y peux rien !].