Jeff Jarvis explique pourquoi les sites d'information sur Internet ne pourront pas réussir à faire payer leurs lecteurs (Rue89, via narvic).
Jarvis développe quatre arguments:
1. L'information en ligne est incontrôlable. "Dès qu'une information est connue, elle devient une denrée de base, elle n'est plus une denrée rare qui peut être contrôlée."
2. La concurrence est sans limite. "Deuxièmement, la concurrence en ligne est sans fin. Il est impossible de lutter contre la gratuité."
3. Faire payer, cela demande des investissements. "Plus important, dans les comptes du contenu payant, les recettes entraînent des dépenses. Cela coûte de l'argent de commercialiser un produit, d'acquérir des acheteurs ou des abonnés (un magazine aux Etats-Unis peut dépenser 33 euros pour obtenir un revenu de 10 euros, la rentabilité provient de la publicité - ou provenait).
Faire payer le contenu a pour effet de réduire le nombre de lecteurs, ce qui, à son tour, réduit le volume de la publicité. Et mettre un mur autour de son contenu le place en dehors de la conversation et dévalue la marque (c'est pourquoi il était de notoriété publique que les chroniqueurs du New York Times détestaient les efforts du journal, abandonnés depuis, pour faire payer leurs articles)."
4. Un contenu payant se coupe des moteurs de recherche et des lecteurs potientiels. "Mais voici l'argument le plus important: lorsque le contenu est caché, il ne peut être trouvé par les moteurs de recherche (sans parler des liens des blogueurs et des agrégateurs). Dans une économie du lien, le contenu ne gagne de la valeur qu'à travers ces recommandations; un article sans lien n'a pas de lecteurs et pas de valeur. La vraie perte liée à la vente du contenu - et c'est une perte supportée par le producteur du contenu - est celle du "Googlejuice" (jus de Google).
Dans le bilan complet de l'information en ligne, gardez aussi à l'esprit que les coûts baissent quand un journal n'a plus besoin de traiter toutes les informations pour tous les publics (il peut, comme le dit mon PowerPoint préféré, se spécialiser: "Faites ce que vous réussissez le mieux et faites des liens vers tout le reste"). Les coûts baissent aussi quand le journal peut se passer de dépenser de l'argent pour imprimer et distribuer ses mots.
C'est ce modèle économique sur lequel nous devrions nous concentrer, en essayant d'amener l'information vers une nouvelle génération, pas sur des efforts désespérés pour faire rentrer au chausse-pied de vieux modèles dans un nouveau monde."
Commentaires
On pourrait lui rétorquer pour rire que le site du Monde est payant et aussi le plus visité je crois !
Mais je partage cette analyse. Pour des raisons d'ordre "psychologique", l'accès aux infos est considéré comme un "droit gratuit" sur le web. Les moteurs de recherche ont puissamment contribué à cet état des choses. Mais dire que l'info est gratuite sur le net n'est pas la présentation d'un modèle économique, ce n'est qu'un paramètre d'un modèle qui reste à inventer. Il va en être de même pour les droits d'auteur pour lesquels les vieilles badernes sont encore à se battre n'ayant pas compris que la gratuité d'accès aux oeuvres ne signifait pas l'abandon de la rémunération des créateurs.
@Didier,
"On pourrait lui rétorquer pour rire que le site du Monde est payant et aussi le plus visité je crois !"
On pourrait te rétorquer que le site du Monde n'est pas payant! Ses archives, oui, mais les infos courantes sont gratuitement accessibles.
Mais d'accord avec toi sur le reste de ton commentaire, car un modèle reste à inventer.
Bonjour.
Merci pour le billet.
Je ne suis absolument pas d'accord avec ce type de jugements généraux.
Il y a 1000 types d'informations différentes qui appellent au moins autant de business model différent : de la météo à l'information ultra qualifiée professionnelle, il y a un univers de possibilités.
C'est d'ailleurs ce que je tente d'expliquer dans un schéma posté ici : http://exercicedestyle.fr/2009/02/05/une-presse-non-profit-la-fausse-bonne-idee/
En journalisme, comme en toute choses, hâtons nous de refuser les jugements globaux et rapides.
A+
Emmanuel.
www.exercicedestyle.fr
@ Emmanuel :
avoir une approche en "niches" et refuser l'approche généraliste, certes avec ses défauts, c'est vouloir noyer le poisson non ? Le fait que les chasseurs soient prêts à payer des infos concernant la chasse ne fait pas un modèle économique. Bref, éclater le problème "façon puzzle" comme le dirait l'excellent Bernard Blier n'est pas la bonne approche.
@Emmanuel,
Merci de ton commentaire et de ton billet, passionnant.
Effectivement, dans l'argument de J. Jarvis "La concurrence est sans limite", c'est vrai en théorie, mais pas en pratique, car l'information de qualité est difficile à produire.