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La trahison des médias

3c28d3a8249ae6b19d6543512ac1c676.jpgLire un livre avec lequel on n'est pas du tout d'accord, c'est agaçant, mais aussi enrichissant.

C'est ce que j'ai ressenti en lisant La Trahison des médias, de Pierre Servent. Il critique les médias, certes. Mais sa critique m'étonne.

Pour lui, les journalistes trahissent car ils dénoncent trop souvent les puissants. Oui, vous avez bien lu. Pierre Servent ne dénonce pas la connivence entre le pouvoir politico financier et les élites médiatiques. Non, il dénonce une presse avide de casser du notable, de trainer dans la boue les grands patrons, de vilipender le Chef de l'Etat...

Journaliste besogneux ou connivent?

Quelqu'un qui débarquerait de la planète Mars et lirait le livre de M. Servent croirait que la France est un pays où Paris Match, Le Figaro, Le Point ou TF1 critiquent en permancence le pouvoir et qu'ils n'ont de cesse de dénoncer les agissements des grands patrons. Ce même marsien croirait que Jean-Pierre Elkabbach, Arlette Chabot ou autres Laurent Joffrin sont des révolutionnaires bolchéviques écrivant leur édito ou préparant leur émission le couteau entre les dents, bien décidés d'exercer leur mission de contre-pouvoir.

Voici ce qu'écrit M. Servent: "Quand on est un journaliste besogneux, qu'on se veut "moral" ou pas trop regardant sur les moyens, il est toujours possible de se donner une certaine contenance en se raccrochant à une bonne vieille recette: la chasse aux élites, la dénonciation des puissants. Elle procure l'illusion d'avoir une solide pensée, un jugement assuré, sans avoir trop à travailler."

Pour comprendre ce que devrait faire un bon journaliste, il suffit d'écrire le contraire de ce paragraphe: "Quand on est un journaliste courageux, et qu'on se refuse à être faussement moral, il faut pratiquer l'éloge des élites et la lèche assidue des puissants. Cela ne procure pas l'illusion d'avoir une solide pensée, un jugement assuré, et c'est beaucoup de travail."

Médias incapable de voir émerger un fait de société

Mais il y a des passages avec lesquels je suis plus d'accord. L'auteur pointe notamment l'incapacité des médias à voir émerger un phénomène.

"Les médias n'arrivent pas à donner une visibilité à un mouvement de fond avant son explosion. Pris de vitesse dans leur propre rythme infernal, ils sont dans l'incapacité d'anticiper. Cela ne veut pas dire que le sujet n'est pas traité ici ou là. Mais tant que la puissance audiovisuelle n'a pas donné son plein, un sujet de société n'a pas d'existence."

Je suis pleinement d'accord. C'est par exemple le cas du phénomène de la précarité. Les médias en parlent ici ou là, mais le sujet n'a pas encore émergé réellement. En 2006, les manifs anti-CPE ont donné une certaine visibilité au sujet, puis il a disparu...

Réflexion sur un métier

Il souligne le culte de la vitesse. Point faible des médias audiovisuels et de la presse quotidienne. Mais on peut aussi ajouter: faiblesse des blogs. Nous avons trop tendance, nous les blogueurs, à zapper très vite...

Pierre Servent remarque dans sa conclusion que les journalistes sont très conscients de leurs faiblesses et de leurs dérives. (voir sondage mars 2007) Ils réfléchissent sur leur profession, notamment en organisant des Assises du journalisme.

Commentaires

  • C'est qui ce servent? Il vit en France?;)

  • C'est amusant la petite allusion aux journalistes fainéants ! :-)))

    Pour les blogueurs, je trouve qu'il a raison. Je regrette souvent que tous les blogues se précipitent sur la même info le même jour et ne s'en soucient plus dès le lendemain. C'est au final un peu trop de réactif et pas assez d'analyse de fond, d'après moi…
    [C'est pour ça que l'article dont tu me filais le lien Eric, sur le langage de Sarkozy, même s'il est très long mérite d'être lu ! :
    http://chez-sophie.hautetfort.com/archive/2007/10/22/parlez-vous-sarkozyen.html

  • @Le Chafouin,

    Un ancien du Monde et de La Croix. Spécialiste des questions liées à l'armée. Je crois qu'il était consultant à la télé au moment de la guerre du Golfe (ou de la guerre d'Irak).

    @Filaplomb,

    "C'est au final un peu trop de réactif et pas assez d'analyse de fond, d'après moi…"

    C'est un peu mon credo.
    Mais, ces derniers temps, je perds un peu le fil. Trop d'actu!

  • He, Msieurs-Dames, faut se réveiller ! Je me fous de ce qu'un journaleux accuse ses confrères de trop débiner les puissants tandis que d'autres disent le contraire. Voyez simplement deux choses, vous tous qui vous plaignez de votre manque de recul : à qui appartiennent aujourd'hui les médias ? Dans le monde, vous avez d'abord le nouveau Citizen Kane vachement aidé par l'establishment, je veux parler de Rupert Murdoch. Chez nous, vous avez Bouygues, Dassault, Lagardère, les frères je sais-plus quoi (des pleins aux as belges), Pinault, etc. (mais pas un gros "etc." : y'en a plus beaucoup des patrons de presse) Bref des intello de première ne pensant qu'au fric et pas mécontent, au passage, d'avoir renvoyé la vraie contestation dans les limbes. Et puis, comme si ça ne suffisait pas, y'a la pub impériale. Avec ces centrales d'achat d'espaces contrôlées, elles, par les multinationales et qui passent carrément, en sus de leurs ordres d'achat, des consignes rédactionnelles ukaziennes (JFK a mangé le morceau dans un de ses édito). Tout le reste est littérature, y compris les protestations d'indépendance des journaleux (j'ai cessé depuis belle lurette de les appeler journalistes). Digérez tout ça et vous verrez que le livre de machin chose sur la presse trop méchante n'est rien, mais rien du tout...

  • Sommes nous en droit de demander aux journalistes ce qu'ils ne peuvent pas nous donner ? Le Monde s'est fendu d'un article pour les deux ans du début des émeutes 2005 en banlieue. L'article se contente de donner la parole à quelques personnes "diversifiées" - ça donne l'impression de pluralité donc de sérieux - mais ne donne aucune clé pour comprendre la question. Autrement dit, il n'y a aucune information et ce ne sont que considératons de tel Président d'assos ou de telle autorité dont on conviendra que l'avis reste d'un interêt mineur. Voilà la presse - pourtant les analyses de sociologues ne manquent pas sur cette question des émeutes de 2005- La Démocratie va crever.

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