Dans cette note, je poursuis la lecture du livre de Paul Ariès, le Mésusage, commencée ici. Nous verrons que pour être heureux il vaut mieux savoir vendre et se vendre...
La première partie du livre s'intitule "Junkproduction", qu'on peut traduire par "malproduction" (calqué sur malbouffe) ou "production pourrie".
Paul Ariès étudie l'évolution du travail productif, notamment après le taylorisme. Le travail se rationalise. Ce qui entraine une déshumanisation. "Le développement de la "servuction" en est un bon exemple, puisque il s'agit de traiter de la même façon les interactions humaines (le service) et la transformation de la matière. La "taylorisation du sourire" n'est pas une avancée de l'intellect, mais une façon de limiter, par avance, lasubjectivation. La majorité des postes créés sontdes emplois peu qualifiés: ce n'est pas un hasard si l'OCDE donne comme paradigme des emplois du XXIeme siècle celui de remplisseur de distributeur automatique".
Progressivement, l'homme devient "en trop", comme si l'évolution des techniques permettait de se passer de lui. Ariès introduit alors le terme de mésusage: "Le pire n'est peut-être pas le chômage, mais le mésusage: ainsi ces salariés qui ont le sentiment de n'être jamais écoutés, ces jeunes surdiplômés auxquels on ne réserve que des emplois déqualifiés, ces personnes qui voudraient travailler à quelque chose de socialement utile et ont le sentiment de gâcher leur vie, etc."
La dégradation touche quasiment toutes les formes de travail, toutes les professions. Les paysans disparaissent (20 000 exploitation en moins chaque année en France). Leur image est dégradée. Les ouvriers aussi, sont méprisés. Le syndicalisme, la culture populaire sont l'objet de risée. Le discrédit touche aussi les fonctionnaires, et les employés du secteur tertiaire. Et que dire des enseignants et même des médecins?
Voici la conclusion de ce premier chapitre. Eclairante:
"Peut-être faudrait-il regarder du côté du marketing pour trouver des gens radieux totalement en phase avec notre belle modernité? Qui oserait imaginer un monde peuplé de VRP et de technico-commerciaux? Leurs valeurs ne sont pourtant pas déjà au pouvoir?"
Commentaires
Très bonne analyse !
Après, c'est toujours le même problème (comme avec le NAIRU) maintenant que l'on sait ça, on fait quoi ?
Au Bouthan, ils ont inventé le BNB : Bonheur National Brut.
Essayer de mesurer le bien-être plutôt que la production ou l'argent amassé.
@filplomb,
La deuxième partie du bouquin concerne la (junk)consommation.
Donc, pour répondre à ta question: on consomme autrement!
Mais j'ajouterai que comprendre est déjà un but en soi.
"Progressivement, l'homme devient "en trop", comme si l'évolution des techniques permettait de se passer de lui."
Mis à part l'aspect (ce n'est pas très bon pour le moral de ne pas servir à grand chose !), cet aspect n'est quasiment jamais pris en compte dans la réflexion politique et économique (c'est d'ailleurs sur le sujet que j'avais fait un de mes tous premiers billets dans mon blog).
Nos braves politiques (j'allais dire de droite, mais Ségolène Royal nous prépare probablement une remise en cause des 35 heures) nous disent "il faut travailler plus".
Economiquement c'est à moitié faux, et surtout "technologiquement" c'est totalement faux. Le progrés permet de travailler moins (puisqu'on produit plus de trucs en moins de temps avec les machine) alors il faut travailler moins. Sinon il faut produire plus ! Mais produire quoi ? Ca revient à produire pour produire. Autant dire travailler pour travailler.
@Nicolas,
Oui, il y a des contradictions dans le discours ambiant. Notre ami anti-nairu en a relevé une.
Les discours sur la production également. Tout d'abord parce qu'on ne peut pas classer dans la même catégorie les production matérielles / immatérielles, utiles/inutiles, etc.
Un bon slogan pour le candidat Dublog: "Travailler moins pour gagner plus!"
C'est pas démago en plus!
@Eric,
Avec ses productions récentes, le gars Dublog est épuisé !
@Nicolas,
Merde, j'avais omis le facteur humain!
Nicolas : même pas élu, déjà fatigué.
A croire que déjà tu travailles trop !
On est dans un société basée sur l'échange force de travail contre de l'argent. C'est peut-être cette chose qu'il faudrait repenser. Si la système peut se limiter à juste quelques employés de «maintenance de la machine de production», pourquoi continuer à réfléchir en terme de travail/argent ?
Le BNB, j'y reviens, mais ce n'était pas calculé !
:-)
tres bonne note
je n ai pas grand chose q rajouter si ce n est que je suis heureux de repasser ici apres une semaine d absence!
Fil,
Le travail est toujours nécessaire (il faut des infirmières pour s'occuper des petits vieux... C'est un exemple, mais imagine des robots !). Par nostalgie j'ai retrouvé mon premier "politique" où je parlais d'un vrai sujet (toutes mes excuses, il faut bien commencer avant de trouver un style)...
http://jegpol.blogspot.com/2005/12/caisse-dire-du-travail.html
Bref... Il faut que chacun apporte sa contribution à la société... Mais c'est bien la rémunération du travail qu'il faut repenser.
Nicolas : rhô, je n'exclus pas le travail nécessaire. Je parlais bien sûr de ce principe : sans travail = exclus !
Dans mon esprit cela revient aussi à dire qu'on va créer d'autres secteurs d'activités, de manière "naturelle"… enfin j'espère !
:-)
Oui, je pense que la question posée par le mésusage, c'est quel travail, quel production.
Et pourquoi l'hypercapitalisme (je reprends son mot) donne-t-il une prime aux mauvais produits (junkproduction).
Mais je note que Fil posait le problème du travail, de sa nécessité. Une question qui se pose naturellement...
Agnès, au sujet du travail le dimanche:
http://blog.monolecte.fr/post/2007/01/30/Au-sujet-de-louverture-des-commerces-le-dimanche
Le mésusage me semble découler de la "méséducation" qui voue déjà à l'échec (ou en tout cas à une sacrée perte de temps) une partie des futurs actifs.
Education sans lien avec le monde du travail, basée sur la théorie et non la pratique. Tu pointes la dévalorisation des paysans et des ouvriers; être orienté vers CAP et BEP est vécu comme une sanction et la conséquence logique d'un supposé manque d'intelligence.
A qoui prépare-t-on les jeunes au juste ? A faire des rédactions ou à trouver du travail ?
Tu sais, un ami vient de consoler de mes déboires professionnels en me disant une chose très juste : le pouvoir n'est pas entre les mains des dirigeants mais des éxécutants.
Dans le même registre, Mao Tsé Toung : "Il faut bien que je les suive puisque je suis leur chef".
@Michoko,
Oui tu as raison, la méséducation (joli terme!) est la base du problème.
Mais je ne suis pas certain qu'il faille pour autant réduire l'école à n'être qu'une préparation au monde du travail.
En revanche, je suis d'accord avec toi qunad tu dis que la formation est trop éloignée du monde du travail.
En fait, il faudrait réussir les deux: des bases théoriques solides et une découverte approfondie du monde du travail.
Paul Ariès cité dans l'Autre campagne*:
http://www.lautrecampagne.org/article.php?id=120
( des proposition, intéressant)
Filaplomb,
C'est mon côté dictatorial qui parle : quand je suis convaincu d'une idée, j'en rajoute toujours !
Nicolas : dictatorial ? Je ne sais pas si je vais être ton ministre dans ces conditions ! :-))
Non bien sûr la culture G fait partie de l'éducation et est nécessaire mais on eux l'acquérir en dehors du système scolaire alors que la préparation au monde du travail, non.
Je pense qu'on devrait rééquilibrer et faire passer l'étude du théâtre ou les équations sur l'infini au second plan ;)
Ca limiterait peut-être les erreurs d'orientation (voire pas d'orientation du tout).
L'éducation nationale est chargée de donner un savoir à chacun pour lui permettre de se défendre dans la vie, d'être autonome. Elle a été de tout temps développer par la gauche comme "arme" du prolétariat contre les capitalistes. Un ouvrier cultivés se défend mieux qu'un ouvrier illettré.
La formation professionnelle n'a rien à voir dans l'Education nationale et devrait être autre chose entre la fin des études et l'entrée dans la vie professionnelle, financée largement par les entreprises.
A mon sens, il faut vraiment séparer les deux mondes et réorganiser ce qui est de l'éducation (la culture générale) de ce qui est formateur (un métier précis).
Michoko : pour les erreurs d'orientation qui sont par définition inévitables (pare que les gens ne sont pas des lignes droites !), il existe la formation professionnelle au long de la vie et surtout il convient de multiplier les passerelles de connection et d'entrée entre métier.
La France souffre surtout d'un excès de diplôme. Le moindre poste fait référence à des années d'études qu'il faudrait avoir fait pour l'exercer alors que ces années n'ont rien à voir…
:-)
@Michoko,
Oui, mais le problème que tu évoques concerne plus l'orientation. L'orientation est un gros point faible en France. Les élèves ne sont pas informés du tout. Donc, quand on leur demande ce qu'ils veulent faire, ils ne savent pas.
@Filaplomb,
Excès de diplôme, oui, et par conséquent dévaluation des diplômes.
Nous pratiquons le système des files d'attente: pour avoir un emploi il faut faire la queue; et en attendant on passe des diplômes...
Eric : pour l'orientation c'est normal ! A part starlette ou chanteur, aucun métier n'a vraiment l'air de pouvoir apporter un peu d'autonomie !
Enfants de parents licenciés, comment pouvez-vous croire encore au travail et à l'engagement dans l'entreprise ?
:-)
@Fil,
Arrête, tu démobilises tout le monde! Et puis starlette ou chanteur faut pas croire, c'est risqué et prenant comme boulot!
Eric : désolé !
C'est un des arguments que je mettrais dans l'article que je ferais un jour sur la fameuse «valeur travail» que nous agite l'UMP. Le travail dans la réalité, c'est pas une chose noble qu'on expose sur les podium pour faire applaudir les miltants…
:-)
Fil,
OK! Je lirai ça.
Tu as lu le livre "Contre le travail"? Intéressant.
http://fabienma.club.fr/annu-art/articles/contre-le-travail.htm