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Du participatif qui ne s'appelle pas "journalisme citoyen"

Tout le monde est bien d'accord que l'expression "journalisme citoyen" n'a plus beaucoup de sens. Selon Nicolas Langelier, journaliste québecquois, si l'expression est galvaudée, ce n'est pas pour les raisons que l'on croit. C'est non pas parce que les journalistes professionnels ont démontré que les contributions d'amateurs ne valent rien. C'est, au contraire, parce que ces contributions sont devenues incontournables et que les professionnels doivent en tenir compte.

La question, pour les journalistes devient donc: "comment intégrer, à l’intérieur même de nos productions professionnelles, le travail et les idées de tous ceux qui voudront y participer".

Selon Nicolas Langelier:

"le terme journalisme citoyen qui sera bientôt aussi obsolète que "voiture automobile". S'il a été utile durant une certaine période de transition, parce qu’il décrivait une réalité nouvelle (une info produite par des amateurs), il sera bientôt tellement normal que les amateurs participent à la production journalistique que nous ne jugerons même plus nécessaire d’y faire allusion. Pour Jenkins, tout cela ne sera que du journalisme, point."

Il relève plusieurs réalisations intéressantes, bâties autour de contributions d'amateurs:

"L’exemple du Huffington Post est bien connu; son volet OffTheBus a ainsi permis une couverture citoyenne des dernières élections américaines. Le Washington Times, lui, fait appel à des journalistes citoyens pour ses nouvelles locales; des employés du quotidien ont après comme tâche de veiller à ce que ce travail respecte les normes journalistiques. Le New York Times, conscient de leur potentiel, a commencé à parrainer des sites d'information communautaires. Spot.Us est un modèle intéressant de journalisme financé par la communauté. Outside.in cherche à agréger les nouvelles hyperlocales produites sur les médias sociaux et à les vendre aux entreprises de presse. On pourrait continuer comme ça très longtemps à énumérer les expériences où professionnels et amateurs travaillent ensemble".

(l'article orginal a été publié dans le magazine Trente, le magazine du journalisme québecquois).

Commentaires

  • Crise dans les médias est toujours intéressant à lire (je ne l'ai jamais dit, voilà c'est fait, mais n'y revenez plus :)). Quelques réflexions à propos de ce billet:
    1. Il me semble tout de même que l'expression même "journaliste citoyen" soit une escroquerie. Un journaliste est selon le Littré: "Celui qui fait, qui rédige un journal, qui travaille, comme rédacteur, à un journal. ". Le dictionnaire de l'Académie française (9e édition, en cours) indique: "Personne qui a pour métier de participer à l'élaboration des journaux et autres moyens d'information"
    Et puis journaliste citoyen ça ressemble à entreprise citoyenne :p
    2. Je ne suis pas journaliste. Je ne le serai sans doute jamais car ce ne sera jamais mon métier (pardon pour la répétition, disons qu'il s'agit d'une insistance rhétorique).
    3. Que la production et la diffusion d'informations par des amateurs complètent, concurrencent, ou remplacent celles des journalistes, certes, mais le blogueur, le participant au Post, le twitterien,... n'en fon pas profession (même s'il existe des internautes qui tirent des revenus de cette activité).
    4.Quand je lis "Le Washington Times, lui, fait appel à des journalistes citoyens pour ses nouvelles locales" eh bien j'ai l'impression que l'on parle des correspondants locaux des journaux régionaux par exemple, des pigistes en somme.
    5. La contribution d'amateurs à la production d'informations, c'est aussi l'indic non?
    6. Je dois arrêter truffer mes commentaires de loleries diverses (ah ben non, c'est l'avenir de l'info le lolcat :p )

  • @Ferocias,

    Merci!

    "Il me semble tout de même que l'expression même "journaliste citoyen" soit une escroquerie. "

    Oui, ça peut en être une, si on fait croire qu'il suffit de taper sur son clavier pour devenir journaliste. Un blogueur n'est pas un journaliste. La profession est réglementée (mais pour les journalistes web, c'est un peu plus lâche).

  • Sans vouloir être désagréable pour personne, l'approche sémantique introduite par Ferocias n'apporte rien à la question de fond ! Dans ma jeunesse, je bricolais le moteur de ma 2CV et on disait de moi que j'étais un bon "mécanicien" ! Quand de 2005 à 2008 je tenais mon petit blog local, on disait de moi que j'avais des talents de "journaliste" ! je ne dis pas cela pour flatter mon ego et je n'ai jamais exercé aucune de ces deux professions mais chacun comprend très bien le sens qui leur est donné.

    Les journalistes professionnels ont vite compris que leur combat d'origine contre les "journalistes citoyens" et leurs satanés blogs ne menait à rien car il y avait d'abord un problème de nombre et ensuite de proximité. L'idée est donc de récupérer ces casse-pieds qui viennent perturber l'ordre établi. C'est dit très clairement par la phrase : "il sera bientôt tellement normal que les amateurs participent à la production journalistique ..." Il suffit d'analyser un peu comment les blogs locaux ont couvert par exemple les élections municipales à Paris en 2008 et l'importance que chaque camp leur a apporté pour comprendre que le terme journaliste citoyen a un sens

  • Il me semble que le métier de journaliste comporte 3 fonctions :
    1. la vérification de l'info
    2. la rédaction d'un article
    3. l'édition des articles dans un tout : le journal

    Je crois que l'expression de "journaliste citoyen" vise à stigmatiser la concurrence qui est faite aux journalistes (qui en vivent) sur la rédaction d'articles. Cela ne retire rien aux deux autres fonctions.

    Par ailleurs, il est des citoyens qui par leur activité propre ont réussi a créé leur propre "journal", qui en vivent, qui influencent, etc. De mon point de vu ils sont devenus journalistes.

  • @ Didier : à propos de l'approche sémantique, je crois juste que les mots ont un sens et qu'à force d'appeler n'importe quoi par n'importe quel nom ça devient du n'importe quoi tout court.
    Que des blogueurs donnent leur avis, diffusent des informations, les produisent même... certes mais ça n'en fait pas des journalistes.
    Quand j'emmène des collègues au travail, je ne suis pas chauffeur de taxi, je fais du covoiturage.
    Soulignons aussi que la participation des amateurs à la production journalistique n'est pas nouvelle. Je viens de m'envoyer une bonne partie de l'année 1912 de Je Sais Tout (un magazine) et les pages rédigées par des journalistes à partir des contributions des lecteurs sont nombreuses.

  • Oui, je comprends bien, les mots ont un sens mais je crois aussi que s'appuyer sur des définitions plus ou moins figées pour décrire un phénomène évolutif nouveau n'est peut être pas la meilleure façon - bon, pour moi l'essentiel est que soit reconnue une approche différente de l'information par les possibilités techniques nouvelles. Moi, le terme journaliste citoyen me va bien car il est porteur du sens que je donne à cette approche. J'ajoute que ce sont les journalistes professionnels qui obligent les autres à se positionner par rapport à eux, journalistes. Je crois que c'est un faux débat peut être engendré par un comportement corporatiste ?

  • @ Didier: m'en fous, suis pas journaliste ;-)
    Mais je partage l'idée que la récolte (glane), la production et la diffusion d'informations par d'autres que les journalistes soient devenues fort importantes.
    En revanche ce qui me gène c'est cette appellation de "journaliste citoyen".

  • @Didier, Ferocias,

    Cette expression de "journalisme citoyen", il vaut mieux l'oublier. C'est une fausse bonne idée: le journalisme est une profession, avec ses chartes, ses lois, ses syndicats professionnels, etc.

    La question qui est juste posée, c'est comment on intègre cette masse de "matériel" produit par des amateurs. Comment, par exemple, les commentaires faits par les blogueurs finissent par produire de l'information, par être une information par elle-même.

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