Christophe Barbier, patron de l'Express, a fait son petit effet, en annonçant " la fin des quotidiens" (source: Narvic), qui plus est avec une écharpe rouge, dans l'atelier des médias de RFI (oui, l'écharpe rouge ça s'entend à la radio).
Selon lui, le journal a aussi une fonction d'affichage social. Les lecteurs exhibent leur journal, comme lui son écharpe ou comme d'autres leurs baskets ou leur téléphone portable dernier cri.
Le journal, "ce n’est pas seulement de l’information que l’on consomme, c’est du lien social : on est au café avec « son » journal. [...] Il y aura toujours l’affichage social : se promener dans les rues avec, sous le bras, Libération ou Le Figaro, ce n’est pas le même signe que l’on envoie à la société qui nous entoure…"
Pensez-vous qu'aujourd'hui les journaux quotidiens conservent cette fonction d'affichage social?
photo: Misspress
Commentaires
Prudemment si on le prend comme ça (et en raccourci), si je vois un mec avec Minute sous le bras je ne vais pas m'approcher à moins de vingt mètres... Et peut-être même faire un détour...
Bien sûr ! Au même titre que la voiture, les posters dans la chambre, les chaussures au pied ou les fringues sur les épaules. Est-ce une motivation suffisante pour acheter un truc à 1 euro 50 ? Pas sûr.
Quoiqu'il en soit, on retombe sur le problème de l'objet papier en tant que tel, et si je puis me permettre un p'tit lien vers chez moi ^^ http://www.chouingmedia.com/$blog/~Tag?name=objet
Réponse: Oui sans aucun doute. Néanmoins, si cela se vérifie pour une population au courant des joutes politiques, cela reste plutôt trouble pour l'ensemble de la population pour qui la question de l'indépendance du journalisme n'est en rien centrale.
En revanche, là ou l'écharpe rouge se trompe, c'est que le lecteur achète le journal pour s'afficher ostensiblement proche d'une tendance politique ou d'une autre. Ca, je n'y crois pas une seconde... Ou alors les gens ont de l'argent à perdre !
Oui, le journal est un marqueur social de poids, j'en ai même longuement parlé là : http://blog.monolecte.fr/post/2009/07/06/Je-ne-veux-pas-mourir-aux-cotes-d-un-lecteur-du-Figaro
;-)
Bon, sans presse, on pourra toujours s'acheter des pin's ou bouquiner ostensiblement "l'insurrection qui vient".
Moi je n'aime pas être fiché, catégorisé, à cause de mon apparence extérieure à un moment T. D'où l'intérêt des smartphones et de la lecture des journaux sur un écran.
Plus simplement si les termes "affichage social" veulent dire l'exhibition d'un individu et de ses caractéristiques en société, dans ce cas chaque signe distinctif (écharpe, journal) sera significatif de la singularité de cet individu. Par contre si CB comprend "affichage social" comme appartenance à une classe sociale très précise, il va avoir du boulot à d'abord déterminer précisément les catégories - sur quels critères ? - et ensuite à faire concorder un individu avec TOUS les critères de cette classe.
En regardant le monde, il me semble bien que la notion de classe sociale - dans le sens marxiste de la société industrielle du 19ème siècle - est un peu dépassée.
Ca me rappelle quand je bossais dans le siège d'une grande banque (celle qui a été TRES renflouée par le contribuable, il y a une quinzaine d'années).
Les andouilles à cravate se promenaient avec Télérama pour monter qu'ils faisaient partie de l'élite culturelle...
Télérama, élite culturelle ? O_o
On en parle aussi chez Laurent François... http://citizenl.hors-sujet.com/?p=1645
Bob,
Ils devaient le croire.
Et avec L'Equipe sous le bras, je suis où moi ?
C'est la société d'images qui créé cette "catégorisation" stupide. Ch. Barbier est bête, il vient de le confirmer une fois de plus.
Ah au fait, je lis tous les jours Crise dans les médias : ca me met dans quel tiroir ça ?
Non ! Je lis Libé dès que je prends le train et souvent le WE... et ce n'est surement pas pour m'afficher mais surtout pour m'informer...
@Didier,
Si tu as un ordinateur portable, mets l'écran bien évidence! Ce sera un affichage social très original.
@Shibiku,
"En regardant le monde, il me semble bien que la notion de classe sociale - dans le sens marxiste de la société industrielle du 19ème siècle - est un peu dépassée."
Sans doute, mais cette notion de classe se redéfinit tous les jours. Avoir un smartphone ou ne pas en avoir c'est un signe 1 ou 0. On n'échappe pas à la logique du signe.
@Monolecte,
L'absence de signe, la discrétion, c'est une forme de décence, de retenu et, au fond, une jouissance (la libération, l'échappée, la clairière).
J'ai joué à ça cette année dans le métro, balade toi avec Challenges, Le Monde et Siné Hebdo et regarde la tronche des gens, l'extase, personne ne t'approche, génial !J'aime les magazines, je les lis tous par période, et je ne vois pas ce que ça révèlerait pour "mon cas", si ce n'est que j'aime tous les lire, et me faire ma propre idée.
Les magazines et quotidiens étant partisants, j'aime connaître les différents avis.C'est grave docteur ?
Quand on me pose la question: "Le journal, signe d'affichage social?", je vois trois réponses possibles:
1 - ça me fait penser au titre d'un bouquin d'Erving Goffman: "La Mise en scène de la vie quotidienne",
2 - depuis que je lis le FT sur mon kindle dans le métro, ben question affichage ça le fait moins qu'avec la version papier...
3 - depuis que le snobservateur a viré sarko, je me sens obligé (toujours dans le métro) de le plier en quatre pour le lire sans avoir l'air de l'afficher
(ok, je sors)
Bien sûr, affichage social, mythes qui ont la peau dure, comme la haine irrationnelle contre le Figaro. Qui souvent se confondait à une époque en une haine contre un penseur comme Raymond Aron ou un chroniqueur comme Jean D'Ormesson, ou un aventurier inclassable comme Louis Pauwels.
excellent article ! bon gmail est réparé, c'est bon ?
@Rukin,
Oui, avec ton kindle tu es obligé de dire: "et si on lisait le FT ce matin?"
Le Nouvel Obs a tourné une page...
bon comme gmail est cassé, je peux continuer à dire des bêtises ici..
Ce n'est pas tant un affichage social volontaire, qu'un signe parfois trompeur interprété par les autres. En général, j'achète 3 quotidiens chaque jour : le Parisien (édition 94 ou 93), Libération (sauf quand il y a un supplément obligatoire), Le Monde. Je lis le journal dans le métro. Donc le matin je suis marqué populaire et peut-être droite quand Le Parisien est ouvert, gauche inttello sur le retour, quand je passe à Libé, et l'après-midi centre tendance gauche chrétienne, sans oublier le Canard le mercredi et Charlie de temps en temps. Donc autant d'images que je renvoie, et que les autres peuvent interpréter...
Tiens ça me rappelle aussi que j'ai une amie qui aime lire Le Parisien, le prend dans son service de presse, mais m'a avoué qu'elle n'ose pas l'acheter, question d'image ;-)
@JPC,
Donc, ces signes restent forts, fortement perçus.
C'est pas seulement les journaux. Nous vivons dans une société de marques (enfin de pub), les individus s'identifient (ou identifient les autres) à l'image de la marque. Les fringues/chaussures sont le meilleur exemple (dans certain milieu comment être cool sans nike, dans d'autres comment être green sans t-shirt idéo ? etc.), que dire de la lutte éternelle mac/pc/linux que l'on affiche aussi via nos portables (et via nos tweet :D ), ou android/iphone ? Kindle dans le métro c'est aussi un affichage social !
Le figaro, libé ou même le diplo c'est une marque y'a pas de raison que ça échappe au processus.
Ça me rappelle que je cachais discrètement la couverture "junior" pour lire le 3ème tome d'Harry Potter dans le train... plus besoin du tout au 4ème tome, les cadres dynamiques s'affichant ouvertement avec. La légende était devenue planétaire. Harry Potter une marque cool pour Peter Pan moderne, must have ! Le summum de "l'affichage social" fut ensuite de le lire ostensiblement en anglais (ce que je fis, pour ne pas devoir attendre la traduction ;) )
Pour en revenir aux journaux, oui je pense que les journaux quotidiens conservent cette fonction d'affichage social. En Belgique, dans le train (beaucoup de gens prennent le train pour bosser) y'a ceux qui lisent Le Soir, ceux qui lisent ce que j'appelle "les chiens écrasés" (la Dernière Heure, La Meuse) plus "local", ceux qui lisent le gratuit (métro) parcequ'il est dispo (mais qui n'achetaient pas de journaux avant), ceux plus "smart" qui lisent Le Monde (journal français donc) et qui vont en général bosser à Bruxelles et enfin ceux qui dorment avec leur mp3. Tous ces gens ne sont pas habillés pareil, n'ont pas les mêmes gadgets électroniques et n'ont manifestement pas les mêmes "fonctions".
Bien sûr c'est ridicule de généraliser - perso je lis tous ces journaux là ;) s'ils se trouvent sur mon chemin.
>Eric, je ne pense pas qu'ils soient "fortement perçus", je n'ai pas demandé aux gens s'ils percevaient ces signes comme je les imagine. Et puis pour en rester aux journaux, ça dépend du quotidien en question : lire l'Humanité de façon ouverte est certainement plus significatif que lire les Echos (qui peut être une raison professionnelle et pas idéologique) ou lire le Figaro parce qu'on la pris au bureau avant de partir...
En revanche la combinaison de signes, vêtement, lieu, etc peuvent apporter d'autres signes qui se confortent ou se neutralisent.
Figaro + RER A Saint-Germain + costume sombre
Figaro + RER A Noisy-Mont d'Est + jeans
Figaro + salle d'attente Orly + bagages Vuitton
Figaro + salle d'attente Pole Emploi + sac à dos
etc ;-)
Moi, tous les matins je lis "crise dans les médias" et ça me semble une très bonne affiche sociale.
j'ai jamais vu barbier dans le métro. lisant ou non. Prendre le métro est déjà une façon de se catégoriser socialement comme le vélo forcément écolo. Dans la société du paraître (je ne vais pas dire spectacle), tout compte aux yeux de ceux pour qui ça compte. Cela dit, moi j'y lis ds livres (comme bcp de gens et les autres lisent des gratuits) donc ceux qui affichent quelque chose en paradant avec un journal sous le bras, où sont-ils? au restau?(aimable pour les convives) en voiture? (m'sieu l'agent, au secours), dans la rue? (alors ils ne lisent pas, ils promènent le journal).
Mais en ligne, je lis de tout....le monde, le fig, libé, mediapart, ça m'est un peu égal, tout se ressemble et s'assemble. Sauf parfois les reportages, enquêtes etc , la différence est là.
@Martine,
Oui, c'est ce que j'ai failli écrire dans le billet: Barbier ne prend jamais le métro, où on ne lit que des roman ou des gratuits, le plus souvent.
@Eric, héhé!
Barbier essaie d'être intéressant tous les jours et ouvrant les portes ouvertes... ce qui me fait penser à F. Lordon explquant pourquoi il ne pourrait jamais tenir une chronique quotidienne dans les médias...
Arrêtez de taper sur Christophe ! Y en a déjà un qui s'en est chargé... :)
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2009/02/christophe-barbier-ikea-de-la-pensee.html