J'arrive devant la boutique, les bras chargés de livres.
Je frappe à la porte. Personne. Quelqu'un crie derrière moi. C'est le bouquiniste, je le reconnais. Un grand gars en vêtements élimés.
"Arrêtez de vouloir forcer ma porte" qu'il me lâche. Puis il se plaint qu'on a foutu un coup de canif sur le stand devant son magasin.
Quand il se calme, je lui montre mes bouquins.
Le rituel est connu: il fait deux tas. D'un côté les livres qui l'intéressent, de l'autres ceux que je dois remporter.
Une négociation s'engage. Très mal. Il m'explique que le patron n'est pas là.
"Je l'aide... moi je suis au RMI... il me donne 5 euro par ci, un café par là."
Ca y est, c'est parti. Il me raconte sa vie. Cinq ans dans la rue. Aujourd'hui le RMI. Il boît. Il connaît tous les clodos du quartier et même les flics. Il me raconte qu'il a vu quelqu'un se faire égorger. Il fait le geste.
Bref, pour mes livres il ne peut pas faire grand-chose.
Pas grave. Je remballe et m'apprête à rentrer.
Mais là, coup de théâtre. Il me retiens par le bras et me dis: "Vous en voulez combien?"
Je croyais la "négociation" terminée. Et je n'ai plus le coeur à ça, maintenant.
"Si vous en voulez 30 € c'est pas possible. Mais 25 on peut discuter. J'avancerai l'argent. Mon père pourra m'aider, etc."
Je répète que je souhaite m'en aller. Il me colle aux basques.
Et puis, je ne sais pourquoi, il parle du nouveau président de la République. Il le qualifie de "chien atomique". Et me dit qu'il va souffrir à cause de lui.
J'évite de lui répondre. A quoi bon? On trouve toujours plus anti sarkozyste que soi...
Et il me relance: "Vous en voulez combien?"
Enfin, je lâche: "Je vais réfléchir".
Ouf! Ce mot, il le comprend. Je me comporte enfin comme un client lambda. Et c'est comme ça que nous nous séparons...
Commentaires
Jamais je ne vendrai mes livres.
Je recueille même chez moi ceux que je trouve dans la rue.
Puisque nous préparons les départs en vacances, je lance un appel :
Ne les abandonnez pas !
@Nathanael,
sur le principe, tu as raison.
mais on peut considérer une bibliothèque comme une foret: de temps en temps il faut élaguer...
Je ne vends jamais mes livres !
Au pire, je les prête et on ne me les rends pas, ce qui fait office d'élagage !
Pour mémoire, Messieurs Dames, ne pas rendre un livre qu'on vous prête est assimilable pour moi à du vol.
Mais bon, les bons livres ne reviennent jamais.
Ainsi je dois être à mon quatrième "la conversation amoureuse" et je pense le prêter bientôt.
Quant au Russel Banks, «le livre de la jamaïque», j'ai même cessé de compter ! C'est simple, je le rachète d'occasion chez Gisbert, sachant pertinemment qu'il ne fait que passer par chez moi.
Peut-être que c'est le même exemplaire, d'ailleurs, que je rachète à chaque fois !!!
:-)
@Fil,
Oui, prêter un livre, c'est le donner.ens ne se souviennent jamais de vous le rendre.
Ca ne m'est arrivé qu'une fois qu'on me rende un livre. C'était un roman de Marguerite Duras. Un mec, dans une famille très catholique. Au bout de trois jour, sa mère m'a rendu le livre. Il était peut-êter trop osé. C'était L'Amant de la Chine du Nord.
C'est clair que ce livre de Duras est assez éloigné de la culture catholique !
:-)