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  • Que reste-t-il de l'éthique hacker?

    L'éthique hacker, c'est tout d'abord un livre, publié en 2001 par Pekka Himanen.

    Comment définir cette éthique, faite de collaboration, de partage, de créativité et de gratuité?

    L'éthique hacker s'est développée dans le milieu des programmeurs. Linus Torvalds, l'inventeur de Linux, s'est très tôt reconnu dans ces valeurs. Les personnes qui travaillent à construire les logiciels libres le font par passion. Ils sont imprégnés de cette éthique hacker.

    La passion avant tout

    ethique hacker.jpgL'éthique hacker s'oppose à l'esprit du capitalisme, tel que défini classiquement (Max Weber).

    Dans l'esprit du capitalisme les valeurs suprêmes sont le travail et l'argent. Le travail est considéré comme un moyen de « salut », au sens religieux du terme.

    L'éthique hacker, au contraire, ne place pas l'argent au-dessus de tout. La valeur suprême c'est la passion. « Dans la version hacker du temps flexible, différentes séquences de vie comme le travail, la famille, les amis, les hobbies, etc… sont mélangées avec une certaine souplesse de telle sorte que le travail n’occupe jamais le centre. » (Himanen)

    Créativité, liberté, sentiment d'être utile

    Les sept valeurs dominantes de l’éthique du capitalisme sont : l’argent, le travail, l’optimalité, la flexibilité, la stabilité, la détermination et le contrôle du résultat.

    Les sept valeurs de l’éthique hacker peuvent, à leur tour, être résumées ainsi : la passion, la liberté, la motivation de l’acte n’est pas l’argent, mais la valeur sociale et une dimension d’ouverture, la néthique définie par les valeurs d’activité et d’attention à l’égard des autres, et enfin la valeur suprême, la créativité.

    L'éthique hacker et le profit

    Pour les hackers, le loisir n’a pas plus de sens que le temps de travail. Leur attrait dépend de la façon dont on les occupe. Dans l’optique d’une vie sensée, la dualité travail/loisir doit être abandonnée. Tant que nous vivons notre travail ou notre loisir, nous ne vivons pas vraiment. Le sens ne peut pas être trouvé dans le travail ou le loisir mais découle de la nature de l’activité elle -même. De la passion, de sa valeur sociale, de la créativité.

    Aujourd'hui, cet «éthique hacker _ cet esprit d'Internet _ a été récupéré avec profit par les grandes entreprises. En fait, ce sont les consommateurs qui font le travail et créent la valeur. Des sociétés comme Google, mais aussi Facebook ou Twitter, comptent sur le « travail » des utilisateurs pour générer du profit. Les utilisateurs voient leur avantage: les services leur sont utiles.

    Le travail du consommateur

    Les entreprises font du profit, les consommateurs coopèrent. Mais ni les uns ni les autres ne se revendiquent d'un quelconque esprit hacker.

    La collaboration entre les blogueurs est réelle. Elle se fait dans un esprit proche de l'éthique hacker. On crée par passion. On échange, on partage, on porte attention à ce que font les autres, et tout cela uniquement par passion. Mais, aujourd'hui, que reste-t-il de l'état d'esprit des pionnier du web? L'état d'esprit des blogueurs n'at-il pas évolué ces dernières années?

    Cela dit, pour ces personnes qui se retrouvent dans l'éthique hacker, la question du financement se pose. Regardons les choses en face: qui sont les hackers, les adeptes des logiciels libre? Comment ont-ils trouvé le moyen de financer le travail gratuit?

    Médias et annonceurs

    Le plus souvent, ces personnes sont des salariés de grandes entreprises. Ils travaillent pour Microsoft et développent Linux pour le plaisir. Est-ce qu'il n'y aurait pas un secret honteux au royaume utopique de l'éthique hacker?

    Dans l'écosystème médiatique, d'autres acteurs (sites d'informations, portails, agence de communication, professionnels de la pub, etc.) ont des visées plus pécuniaires. Pour eux, l'attention a une valeur. Cette valeur se crée par l'intervention d'un troisième acteur: l'annonceur.

    Les start-up et le Messie

    L'annonceur est attendu comme le Messie. Beaucoup de services web 2.0 se développent. Des start-up enthousiastes carburent pendant des mois. Et quand on leur demande comment ils vont croûter, ils vous répondent: nous attendons le Messie.

    C'est notamment, ce qu'écrit Jaron Lanier dans son dernier livre You're not a gadget (un compte-rendu sur Slate.fr)

    "Notre divertissement favori attend son Messie qui justifiera sa cotation à un milliard de dollars. «Le seul espoir d'un réseau social, d'un point de vue financier», écrit Lanier, «c'est la formule magique qui fera que la violation de la vie privée et de la dignité deviendront acceptables.» Avez-vous récemment jeté un œil à vos paramètres de vie privée? Lanier s'est révélé prophétique sur ce coup-là."

    Bref, voici quelques réflexion qui me viennent à la lecture de cet ouvrage, maintenant classique. A confronter avec le livre de Jaron Lanier, sorti récemment. Ces livres nous posent cette question: que reste-t-il de l'esprit d'Internet et de l'éthique hacker?