Jolie démonstration d'Agnès, à laquelle je souscris.*
Selon elle, Internet est une chance pour le journalisme car il propose un modèle "fondamentalement non marchand". En effet:
"Internet n'a pas besoin d'un nouveau modèle économique, car il est le nouveau modèle économique. Un modèle fondamentalement non marchand, non financier, basé sur la connaissance, le partage, la solidarité et la non-hiérarchisation des relations sociales. La nouvelle société postcapitaliste ne peut être virtuelle, certes, mais le fonctionnement d'Internet devrait en guider l'édification. Il suffit pour s'en convaincre, au-delà des exemples déjà présentés de l'art ou de l'information, d'observer la formidable ascension du modèle des logiciels libres : décentralisation des pouvoirs, diffusion instantanée de l'information, entraide, coopération, éthique et performances logiques et technologiques. Le soleil ne se couche jamais sur l'immense communauté du libre et partout, tout le temps, producteurs et consommateurs se côtoient, échangent, coopèrent jusqu'à parfois se confondre, dans le but toujours renouvelé d'arriver au meilleur résultat possible."
Par opposition à cette nouvelle donne permise par Internet, il y a ce "monde ancien", où règne la loi du marché. Dans le domaine journalistique ça donne ça:
"La quantité, ennemi intime de la qualité. Il suffit pourtant de s'informer des conditions d'attributions de la fameuse carte de presse pour comprendre que le principal critère d'entrée dans l'ex-noble profession est bien l'argent ramassé et non la qualité de l'information fournie. Si l'on ajoute à cela le goût prononcé pour les ménages entre amis et la bien preste soumission à la loi des annonceurs, on comprend mieux comment la presse se retrouve à la ramasse et cherche un bouc-émissaire aux épaules assez larges pour supporter le résultat d'années de renoncements à toute éthique professionnelle. "
* Et je précise qu'on peut, comme je l'ai fait, désigner les "failles d'Internet", sans être "Internetophobe" ou technophobe. Au contraire: être conscient de ces défauts permet de ne pas en être prisonnier.
photo: Data center (google-stories)
Commentaires
« Un modèle (…) non marchand, non financier, basé sur la connaissance, le partage, (…) et la non-hiérarchisation des relations sociales. (…) Décentralisation des pouvoirs, diffusion instantanée de l'information, entraide, coopération, éthique et performances logiques et technologiques. (…) Producteurs et consommateurs se côtoient, échangent, coopèrent jusqu'à parfois se confondre, dans le but toujours renouvelé d'arriver au meilleur résultat possible. »
Cette philosophie est celle de la création contributive et, à ce sujet, je ne peux que recommander la lecture de l’entretien avec Bernard Stiegler que publie Télérama dans son prochain numéro (en kiosque le 3 juin) : passionnant !
article intéressant sur les logiciels libres http://www.socialmediatoday.com/fra/97357
Euh oui mais alors qui les paie les journalistes dans ce modèle de société idéale ? :-)
@Pierre,
La question mérite d'être posée. (je ne sais pas!)
Qui paie messieurs Larry Page, Sergey Brin et le joyeuse bande de rigolos farfelus? Mais c'est une question un peu différente.
“Qui (...) paie les journalistes dans ce modèle de société idéale ?”, demande Pierre.
D'abord, s'agit-il d'une société idéale ? Pas sûr.
La création contributive est intéressante en ce qu'elle apporte une nouvelle manière d'innover, en ce qu'elle transforme complètement le rapport de l'individu ou de la société à la production, et en ce qu'elle renouvelle le système, à bout de souffle et usé jusqu'à l'os par le marketing, de l'économie capitaliste industrielle.
Mais d'un autre côté, garantit-elle des inventions de qualité ? Le meilleur est possible, le moins bon aussi. La mode est au contributif. Les exemples de réussites abondent : le logiciel libre, Wikipédia, etc. Néanmoins, il faut être prudent. Wikipédia, par exemple, est un outil intéressant et très précieux, mais qui exige un grand esprit critique : il faut savoir trier le bon grain de l'ivraie, et ne surtout pas s'en servir comme d'un outil de référence absolu.
Dans cette optique, le journalisme contributif est, lui aussi, très à la mode. Que tout un chacun puisse donner son avis ou apporter des informations via les modes de communications liés à Internet (blogs, réseaux sociaux, plateformes de microblogging, etc.) est un fait. Cela ne fait pas, pour autant, de ces contributeurs des journalistes.
Le journaliste est un professionnel de l'info : il travaille avec des moyens, des méthodes, une déontologie, des techniques, une cohérence éditoriale.
Le journalisme est un travail d'équipe : il n'y a pas que le rédacteur, dans le journalisme ! Du rédacteur en chef au rédacteur, du directeur de la publication à l'éditeur, en passant par le correcteur ou par le SR, toute une chaîne travaille ensemble pour produire et transmettre une information. Cela vaut pour le print comme pour le Web. Le journalisme n'est pas un pur produit de la pensée.
Le journaliste est et sera toujours un professionnel de l'info. Un professionnel, donc un individu intégré dans un système de production, quel qu'il soit – et nul doute que de nouveaux systèmes se cherchent et se dessinent aujourd'hui –, un système nécessairement lié à un modèle économique. Quels que soient les modèles économiques, ils ne peuvent fonctionner que s'ils dégagent de l'argent pour payer des journalistes – sans quoi il n'y a plus de journalistes, donc plus d'informations.
Je ne crois pas un instant à ce fantasme du “journalisme citoyen”, qui serait prétendument produit par ses propres “consommateurs”. Le “journalisme citoyen”, ce n'est pas seulement une forme d'oxymore, c'est aussi la fin du journalisme.
Sauf à voir s'éteindre le journalisme et l'information – ce qui serait un comble :-) –, il y aura toujours des journalistes, des journalistes payés pour faire ce métier. Comment ? Par qui ? L'avenir nous l'apprendra.
Du coup, je m'aperçois que je ne suis pas d'accord avec l'assertion : “Internet n'a pas besoin d'un nouveau modèle économique, car il est le nouveau modèle économique.”
Internet n'est pas le nouveau modèle économique.
Internet est ce qui permet l'émergence d'un nouveau modèle de production et d'innovation. Ce nouveau modèle de production et d'innovation appelle(ra) nécessairement un nouveau modèle économique. Un nouveau modèle économique qui ne repose pas sur les hiérarchies de pouvoirs, de finances et de communication traditionnelles. Mais un nouveau modèle économique qui reste largement à définir.
Quoi qu'il en soit, non, Internet n'est pas “le nouveau modèle économique” !
(C'est chiant, on ne peut pas écrire en italique, dans cette interface Haut et fort !)
Agnès a raison, à cet instant présent, mais l'objectif est de rendre l'outil internet et marchand et surveillé.
@Kaplan,
D'accord avec toi, le “journalisme citoyen” est une lubie. Voir ce billet intéressant: http://apreslatele.blogspot.com/2008/12/pour-en-finir-avec-le-journalisme.html
Quant au modèle économique non marchand, qui se déploie sur le net, il demande à être explicité, car la base est tout de même marchande (l'utilisateur lambda paie les ordinateurs et l'abonnement internet).
Merci Éric pour ce lien, il y a des choses intéressantes dedans !
Elle écrit un bon article comme (très) souvent.
Mais je ne comprends quand même pas comment ça va remplir les assiettes à la fin du mois !
:-))
c'est Intéressant comme idée, sauf que si l'on compare le web et le print: pour accéder à l'info sur ce dernier il faut acheter du papier. Mais pour le net il faut un ordniateur et une connexion.
Ensuite je pense que Internet reste un outil de communication de l'information (toute l'info). Et comme toute agence de communication, elle fait payer ses clients.
"Agnès a raison, à cet instant présent, mais l'objectif est de rendre l'outil internet et marchand et surveillé." nous souligne Martine.
L'objectif de qui ? De nos politiciens, certainement, ils ne supportent pas un espace qui échappe à leur emprise. Pour le reste du monde, donc 99,5% du reste des humains, c'est le dernier espace libre et pas forcément marchand qui reste : il faut le conserver précieusement.
Espace de liberté individuel ou collectif?
Politiciens ou grands groupes?