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La faute professionnelle de Philippe Val

Un fait m'interroge dans l'affaire Siné, viré de Charlie Hebdo après une chronique jugée antisémite. C'est que Philippe Val, le patron du journal, a publié la chronique sans l'avoir lue. N'est-ce pas une faute professionnelle? N'est-il pas juridiquement responsable, au cas où quelqu'un attaquait le journal en diffamation?

Philippe Val est directeur de la publication et de la rédaction de Charlie Hebdo (wikipedia). Donc, en toute logique, il me semble que Philippe Val est responsable si le contenu est jugé diffamatoire. Qu'en pense Maître Eolas?

"Philippe Val n'a pas lu cette chronique, parce qu'il déteste tellement Siné qui fait partie de la vieille garde de Charlie Hebdo, d'un gauchisme imbécile qu'il exècre, dixit Philippe Val, qu'il ne les lit plus", explique avec poésie Claude Askolovitch, journaliste au Nouvel Observateur et commentateur éminent de Crise dans les médias.

Ce qui est étonnant, c'est que Siné a été viré, non à cause de sa chronique, mais parce qu'il a refusé de s'excuser pour l'avoir publiée. Si je comprends, virer Siné à cause de sa chronique, cela aurait été reconnaître la faute de Philippe Val: l'avoir publiée sans la lire.

"Interrogé par nouvelobs.com, Philippe Val a déclaré que le caricaturiste n'avait pas été renvoyé par Charlie Hebdo mais qu'il a été "mis devant une alternative, il pouvait s'excuser mais ne l'a pas fait. C'est son choix qui l'a exclut et il l'a fait librement". Philippe Val a insisté sur le fait que Siné avait transgressé la charte de l'hebdomadaire". "Ce qu'il a fait c'est contraire aux valeurs de Charlie Hebdo. La charte proscrit les propos racistes et antisémites". "C'est juste inacceptable". (Nouvel Observateur)

Si c'est si inacceptable, pourquoi l'avoir publié dans votre journal, monsieur Val?

Commentaires

  • Vous avez raison en tous points, il me semble. J'ajoute que je me sent très libre pour parler de cette affaire, unissant depuis longtemps dans une même exécration (quoique pour dces raisons différentes) les pitoyables Siné et Val.

  • « que je me senS », évidemment...

  • Si l'on en croit Guy Bedos qui a envoyé une lettre ouverte sur le site de rue89.com, il semble que ce soit une histoire ancienne de désaccord entre les deux hommes.
    Mais, je suis d'accord, le redac'chef est responsable...
    Mais depuis Fabius et son "responsable mais pas coupable"...
    Philippe Val est-il fabusien dans l'âme ?

  • Oui, ma note concerne un détail. J'avoue que le "fond" de l'histoire m'intéresse beaucoup moins.

  • @Bertrand,

    Val est directeur de la publication, pas rédac chef.

    Pour la réaction de Bedos, elle est forcément intéressante.
    http://rue89.com/2008/07/18/bedos-val-est-a-charlie-ce-que-sarkozy-est-a-la-france

    "Tu es à Charlie Hebdo ce que Sarkozy est à la France.

    A la différence près que lui a été élu; toi, dans des conditions qui m’échappent et dont je me tape, tu as fait un coup d’Etat. Me revient une phrase que j’avais écrite à propos de certains politiques, de droite ou de gauche, et qui, au regard de ton attitude, te concerne aujourd’hui: "Ce n’est pas en crachant dans les miroirs qu’on guérit de l’eczéma. Ça les démange et ils se grattent sur la peau des autres." "

  • Tiens, Gisèle Halimi (qui avait participé à la création de Charlie Hebdo) aussi réagit, et elle ne fait pas dans la dentelle :
    http://rue89.com/2008/07/18/gisele-halimi-le-proces-en-sorcellerie-fait-a-sine-par-val

    D'après un commentaire (de Dominique, je crois) sur un autre blogue, il y aurait bien un vieux contentieux entre Siné et Val, et pas seulement parce que Val a attaqué Denis Robert et que Siné l'a accusé de partialité (puisque l'avocat de Clearstream est aussi celui du journal). Il se trouve que Siné, qui ne fait pas mystère de sa sympathie pour les Palestiniens, a soutenu entre autres choses la très douteuse liste "Euro-Palestine", qui comptait également Dieudonné parmi ses parrains. (Oh, ironie...) Bref, Siné a à ce moment-là, consciemment ou non, mis son nom à côté de certains vrais antisémites qui n'attaquent Israël que parce que l'expression du racisme est interdite par la loi.

  • @Irène,

    Ne joue pas les trolls!

    ;-)

  • Heureusement qu'on peut compter sur Askolovitch pour lire les chroniques de Siné !
    Et surtout pour aller cafter au chef après !
    C'est pas bien de rapporter !

    :-)

    [Plus sérieusement, Eric, tu poses une bonne question].

  • Schneidermann (du fameux @rretsurimages) a souvent raconté comment Edwy Plenel (du fameux Mediapart) parvenait à ne pas faire lire ses textes fumeux, mais remplis de révélations incroyables (à plus d'un titre), pouvaient se retrouver en une sans que le moindre secrétaire de rédaction, le moindre rédacteur en chef, le moindre directeur technique y trouve à redire : il arrivait en catastrophe, en dernière minute, d'un pas empressé, annonçait que c'était urgent et prévu, et personne ne relisait la prose qui contenait une foule d'insinuations vaseuses extraites de rapports non signés de RG qui inventaient ce qu'il fallait pour assurer à leurs chefs qu'ils étaient payés pour autre chose que lire la presse et surtout Edwy Plenel. Ben oui... les hiérarchies, cela se grille aussi. Les exemples de dessinateurs qui apportent leur cartoon, leur strip ou leur planche à la dernière minute pour contourner une censure possible, j'en ai pas mal à fournir, y compris pour la presse enfantine la plus respectable (familiale, catholique et bien-pensante). Cela demanderait trente secondes d'examen, mais comme tout est déjà lancé et qu'on connaît la personne ou qu'on sait un peu à quoi s'attendre...

  • @Dominique,

    Oui, ton contre exemple est pertinent. (D'ailleurs l'histoire de Plenel figure dans la Face cachée du monde, de Péan et Cohen, non?)

    Mais, dans le cas de Val, Askolovitch affirme que Val ne lit plus les chroniques des "gauchistes" de la vieille garde de Charlie.

    Enfin, il est vrai qu'avec ces auteurs "historiques", un directeur de rédaction ne peut pas se comporter comme avec un stagiaire. Il est obligé de leur donner totale liberté.
    Ce qui explique, sans doute, l'existence de la charte du journal.

  • Il y a un autre problème : les zones de Siné étaient comme les pavés écolos du regretté Gébé aux motifs entrelacés ou ceux des revues de presse de Willem (tiens, on les lui a lui a supprimées et personne ne s'interroge ?) Des blocs d'une demi-page en hauteur mélangeant dessin et texte écrit à la main (sans police d'ordinateur personnalisée contrairement aux dessineux modernes), de telle sorte qu'on ne puisse supprimer quoi que ce soit sans que ce soit tout de suite vu par le lecteur expert. Si on m'objecte que Wolinski fait exactement la même chose, je jette toute ma collec de Spirou à la figure de celui qui l'aura dit : ce n'est pas de l'écriture dessinée, ce n'est même pas du dessin, c'est de la cochonnerie sans nom qui pourrait passer aussi bien dans le Figaro ou Paris-Match. C'est donc pour les textes-dessins acceptation totale ou refus total. Il n'y a aucun compromis possible comme dans le cas d'un dessin isolé qui serait redessiné ou d'un texte qui serait plus ou moins caviardé ou bien retravaillé. C'était du tout ou rien. Donc pas la peine de lire puisque l'ensemble n'est pas révisable ou jetable. Il s'agissait d'une écriture originale qui n'était plus du journalisme, ni de la BD, ni du dessin de presse, mais du tout en un comme ce que fait la nouvelle BD (et on comprend que quelqu'un comme Sfar ait été attiré par Charlie avant de jeter l'éponge, parce que l'actu de la semaine à tout prix ce n'est pas son truc). Si je tente de m'extraire un peu de toutes les histoires d'antisémitisme (où j'ai trempé aussi, voir la citation d'Irène), je dirais qu'il y a un conflit entre deux modes d'édition et surtout de création : les gens de la vieille bande tiennent à unir texte et dessin dans des espaces réservés parce que c'est leur lieu d'expression libre, bordel ! les gens de la nouvelle génération veulent des dessins séparés des textes ou alors juste des BD dans de jolies petites cases bien disposées dans l'ordre qu'il faut afin de pouvoir les supprimer quand ils le veulent. C'est aussi une certaine idée des maquettes de 68 qui est en train de disparaître, mais cela on ne le voit pas tellement on est obnubilés par le problème dit juif.

  • @ BertrandD
    "Responsable mais pas coupable" est de Georgina Dufoix, Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale de juillet 1984 à mars 1986 dans le gouvernement Fabius.

  • @Dominique,

    "ce n'est pas de l'écriture dessinée, ce n'est même pas du dessin, c'est de la cochonnerie sans nom qui pourrait passer aussi bien dans le Figaro ou Paris-Match. C'est donc pour les textes-dessins acceptation totale ou refus total. Il n'y a aucun compromis possible comme dans le cas d'un dessin isolé qui serait redessiné ou d'un texte qui serait plus ou moins caviardé ou bien retravaillé. C'était du tout ou rien."

    Il n'en reste pas moins que le directeur de la publication a accepté cette forme de travail pendant des années, parce que ces dessinateurs historiques donnaient de la valeur à la marque Charlie Hebdo.
    Cela n'empêche pas que le directeur de la publication reste responsable, même si les textes sont difficile à lire!

    Un détail, concernant Plenel: quand il apportait son texte en dernière minute, c'était souvent en prétextant un scoop de dernière minute (si je me souviens bien). Ce prétexte n'est pas valable pour les chroniqueurs.

    Enfin, je te dirais mon avis sur Charlie Hebdo: c'est un canard qui m'emmerde en général. A part la page sur les unes auxquelles vous avez échappé, tout ça me semble très fouilli. Les rédacteurs "historiques" sont chiants comme la mort et les autres manquent de personnalité. J'aime bien Riad Satouff.

  • Depuis le référendum sur la fameuse constitution européenne, Charlie n'est guère intéressant. Val est devenu un notable qui intervient dans des médias comme LCI...

    Val a la foi des nouveaux convertis au système qu'il exécrait... Ce nouveau fait prouve qu'il essaie de pousser plus encore la normalisation de l'info dans son canard. C'est décevant.

    Un ancien lecteur fidèle de Charlie.

  • Exactement comme "pas perdus" j'ai arrêté de lire Charlie Hebdo depuis la polémique NON - OUI à la constitution. Bien que trouvant admirable la confrontation dans un même journal. Ce fut sans doute la dernière fois, un hasard.
    L'insupportable c'est Val, et ses copains, qui rend rend cet hebdo inutile, négligeable. Dommage j'aime bien Charb et d'autres.
    J'avais déjà arrêté Le Monde et Libé. Pas de temps à perdre. Il y a encore le Diplo, et Politis ?

  • Philippe Val a semble-t-il une carrière à faire, il est donc en recherche de respectabilité. Pourquoi pas, mais il est dommage que pour arriver à ses fins il torpille l'esprit qui animait Charlie. Je dois aussi dire que Bernard Maris dont j'aime bien les chroniques économiques face au Sylvestre de service, et les dessinateurs comme Cabu me déçoivent énormément en se rangeant derrière notre opportuniste de service.

  • @Claudius, Pas perdu,

    L'esprit de Charlie a changé, l'époque aussi.

  • Je vais tronçonner, car il y a beaucoup de questions différentes.

    Eric : Cela n'empêche pas que le directeur de la publication reste responsable, même si les textes sont difficile à lire!

    Le problème que je posais était différent. Il portait sur la forme du carnet à mi-chemin entre le dessin et l'article. Siné était un des fers de lance de cette forme. Willem aussi, avant qu'on lui demande seulement des cases avec des bulles. Et Gébé avant qu'il ne casse sa pipe. Ou Sfar avant qu'il ne se rende compte qu'il y avait quelqu'un qui citait plus souvent Spinoza que lui. (Wolinski est mort depuis très longtemps). Dans la presse, il n'y a que dans Charlie que l'on trouvait ce genre qui correspondait à l'esprit libertaire des origines (on met de côté les expériences des Bazooka ou de la famille Carali qui sont moins grand public) : on attribue une page ou une demi-page à quelqu'un et personne ne va lui supprimer un mot ou lui ôter un dessin dans le lot, donc il mélange le tout sans faire de la BD ou du "dessin d'humour". C'était un type d'écriture nouveau, car cela ne rentre pas dans la distinction entre rédactionnel et illustratif. Et puis cela correspondait aussi au fait que le rédacteur en chef était là pour la représentation, l'ours et les tribunaux dans les années 70 selon la logique des éditions du Square. Chaque auteur était responsable de sa page ou demi-page dans laquelle le rédacteur en chef de paille n'intervenait pas, sauf comme un copain pour dire "là, je taperais encore plus fort que toi". L'écriture de Siné était tributaire de cette époque où chacun était responsable pour soi, mais où on faisait semblant d'avoir un chef dans l'ours parce que c'est la loi et que quelqu'un doit aller au tribunal. Celle de Val tient de notre triste époque où le chef doit surveiller tout ce qui est produit avec l'aval de sa signature. C'est une autre différence (après celle sur la forme dessinée).

    Eric : Un détail, concernant Plenel: quand il apportait son texte en dernière minute, c'était souvent en prétextant un scoop de dernière minute (si je me souviens bien). Ce prétexte n'est pas valable pour les chroniqueurs.

    Ben comment beaucoup de dessinateurs (d'ailleurs fort conformistes par ailleurs, l'exemple le plus illustre étant Jacques Martin) ont pu faire apparaître des décolletés, des nibards, des quéquettes, des foufounes et des fesses dans les magazines pour la jeunesse malgré la loi de 1947 ? En apportant leurs planches en catastrophe.

    Eric : Les rédacteurs "historiques" sont chiants comme la mort et les autres manquent de personnalité.

    Si on parle des rédacteurs historiques, il n'y en a qu'un : Cavanna. Qui m'endort avec sa nostalgie de la communale et ses préchi-précha d'arrière-grand-père. Je ne vois pas d'autre rédacteur historique, ou alors ce sont des dessinateurs et il n'y en a pas trente-six. Polac n'est pas un rédacteur historique de Charlie malgré son trop grand âge.

    Eric : J'aime bien Riad Satouff.

    Satouff vient d'une autre école, la même que celle de Sfar, l'Association. Mais ce n'est plus du dessin de presse d'où sont issus la plupart des dessinateurs, c'est de la BD avec un lien plus fort avec la réalité quotidienne, comme une bonne part de la nouvelle BD. C'est différent, c'est un autre genre d'écriture que celle des cartoonistes et en fait l'Association a repris une partie des formes commencées dans Charlie, mais sans l'aspect actu obligatoire car cela s'est fait sans aucun journal.

    Je suis un peu chiant, je veux juste dire qu'il y a aussi des conditions de publlication différentes selon les époques.

  • @Dominique,

    Merci de toutes ces précisions. Effectivement, il y a une spécificité du dessin tel que le fait Siné. Et il y a une tradition de l'insolence (qui peut aller jusqu'au mauvais goût, mais pas jusqu'à l'antisémitisme ou le racisme, grosse nuance).

    Aujourd'hui, il semble que les gens sont moins demandeurs de liberté d'expression (je plaisante, bien sûr)...

  • Intéressant cet échange !
    :-)

  • @Dominique :

    - Willem continue à faire sa revue de presse dans "Charlie-Hebdo", mais quand il le souhaite. Il organise son espace comme il le souhaite. J'achète (achetais ?) "Charlie" pour lui et Siné... Willem a signé la pétition de soutien à Siné, j'espère que d'autres collaborateurs du journal le soutiendront...

    - Je me souviens d'une fois où la chronique de Siné avait été censurée (une partie en avait été réécrite). Je lui avais écrit pour avoir la version non expurgée, qu'il m'avait envoyée... Hélas, je n'ai pas du tout les références et je ne suis pas sûr d'avoir gardé ce document. (Je ne peux pas vérifier immédiatement, de toute façon). C'était il y a peut-être 10 ans, maintenant. On peut donc relire, si on veut, bien évidemment !

  • même remaque que chez "partageons mon avis"

    Siné n'était plus trés utile à Charlie dont il était une sorte de caricature...Val y est surement allé fort, Siné passant son temps à vomir avec une intolérance fanatique sur toutes les personnes ayant le "mauvais gout" de croire en Dieu...Aprés je pense aussi que la haine d'Israel obsessionelle de Siné est pénible mais qu'il ne pousse pas le vice jusqu'à être antisémite.En fait ça a surement été l'occasion pour Charlie de se débarasser d'un poids mort

  • Article très juste : pourtant personne n'en parle dans les médias...
    Maintenant quand un argument est bon, on peut le vérifier en ne le trouvant nulle part aileurs que sur Internet !
    http://www.jesuisencolere.com

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