Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • France Culture donne la parole aux stagiaires

    Bravo à France Culture ! Initiative heureuse, la station de radio du service public a ouvert son antenne aux stagiaires. Le 23 novembre dernier, l’émission Travaux publics leur était consacrée. Elle était intitulée « Libre antenne aux stagiaires ».

    Les stagiaires ont souvent moins de trente ans. Ils travaillent pour quelques centaines d’euros par mois voire pour zéro euro. Ces précaires ont décidé de se regrouper pour se faire entendre. Une première manifestation, début novembre, a été suivie d’autres actions. En attendant, pourquoi pas, une grève générale.

     

     Saluons l’idée de France Culture. Elle a consisté à laisser s’exprimer les stagiaires travaillant au sein de la chaîne. Et ils sont nombreux. Certains sont de passage, d’autres cherchent à s’accrocher, à être embauchés. En leur donnant la parole, Jean Lebrun, l’animateur de Travaux publics, a mis fin à une hypocrisie. En effet, tous les journaux, radios, télés ont parlé des grèves des stagiaires. Tous ont dit, avec plus ou moins de franchise, que les médias étaient de gros pourvoyeurs de cette main d’œuvre bon marché et motivée. Mais aucun n’a interviewé ses propres stagiaires. Et pourtant, ç’aurait été une bonne façon de comprendre le problème. A croire que les grands médias considèrent qu’il n’y a pas de problème.

    Ainsi, quand Libération interviewe une stagiaire, elle travaille à France Inter. Marianne a fait parler un stagiaire trimant pour une agence de com. Peut-être que ces journalistes n’avaient jamais vu un stagiaire de leur vie ? 

     

    L’émission de France Cul’ « Libre antenne aux stagiaires » a permis aux langues de se délier. Il en a résulté un joyeux bordel. Un vrai carnaval où les valeurs ont semblé s’inverser. Le fauteuil du chef, Jean Lebrun (qui n’a jamais été stagiaire, mais a commencé sa carrière comme pigiste) a vacillé. En attendant le jour, peut-être pas si lointain, où les stagiaires prendront le pouvoir...

  • Emeutes dans les banlieues: ce que les Américains y ont vu

    Les émeutes de novembre (le terme d’« émeute » est sans doute mal choisi, mais je le reprends car il a été largement employé dans la presse) ont produit cet effet étonnant : chacun y a vu ce qu’il a bien voulu y voir. Qu’on soit de gauche ou de droite, qu’on soit un bobo ou un smicard, un blanc ou un noir, les voitures qui flambaient ont pris un sens à chaque fois différent. Chacun s’est projeté dans l’événement. Les commentaires, au lieu de nous faire comprendre ce qui se passait, nous en disaient long sur celui qui parlait ou écrivait.


    La presse et la télévision américaines se sont saisies de l’événement. Avec leur efficacité coutumière. J’en tire deux conclusions :


    1) nous autres Français ne voulons pas voir l’aspect racial et religieux de ces violences ; les anglo-saxons, avec leur société structurée en communauté, nous l’ont rappelé.


    2) la presse américaine a limité sa lecture des événements aux seuls aspects raciaux et religieux de ceux-ci, condamnant le système d’intégration à la française ; en revanche elle n’a rien dit des ravages du libéralisme qui, au moins autant que l’incapacité française à intégrer,  sont responsables des misères des banlieues.


    Pour réaliser cet article, j’ai lu les éditions de TIME et de NEWSWEEK datées du 14 novembre 2005.
    Dans TIME, le ton est mesuré. Priorité aux faits, retracés minutieusement. Des explications aussi : l’intégration à la française a échoué.
    Du côté de NEWSWEEK, le ton est très différent. Feu à volonté ! On incendie ces maudits Français qui ont refusé d’entrer dans la guerre d’Irak et qui, il y a peu, lors du passage du cyclone en Louisiane, critiquaient le modèle américain défaillant. Morceaux choisis.


    « Des années de racisme et de négligence ont volé en éclat en une semaine d’émeutes à travers les ghettos d’immigrants musulmans de France »
    Le chapeau de Newsweek ne fait pas dans la dentelle! Au moins, comme ça, le sujet est lancé...

    « Rapidement, des dizaines de jeunes hommes en colère sortent des tours pour se battre contre les policiers, incendier des voitures dans des rues portant des noms de héros de la culture française : boulevard Emile Zola, Allée Albert Camus, Rue Picasso. Des hommes blancs morts. » (Newsweek)
    Le raccourci est facile, mais efficace. Dès l’attaque du papier, le ton est donné : on ironise.

    « Depuis des décennies, la France a préféré se détourner de la privation et du désespoir des banlieues. Mais, la semaine dernière, elle a bien été obligée de voir. Chaque nouvelle manifestation de violence a laissé le modèle d’égalité social carbonisé. […] Le problème crucial est ce que les Français nomment poliment « exclusion sociale ». Les résidents des banlieues se sentent exclus du travail, de l’éducation, des logements décents et, en dernier lieu, de la vie politique. Il y a environ 5 millions de Musulmans en France, mais il n’y a aucun Musulman à l’Assemblée Nationale. » (Time)
    Le modèle français, cible de toutes les critiques.

    « Des décennies de politiques françaises pour forcer l'intégration des immigrés et de leurs enfants dans la société française sont considérées comme des échecs, et dans l’ère de la terreur, la crainte est que la fureur n’augmente le crédit des Islamistes radicaux au coeur de l'Europe.  Pendant des années, les prédicateurs se sont déplacés dans ces mêmes communautés, recrutant pour des guerres saintes en Bosnie, en Tchétchénie et maintenant en Irak, où quelques jeunes musulmans français sont allés mourir en bombes humaines.  Madrid et Londres ont montré ce qui se produit quand cette sorte de fureur est intériorisée. »
    Le journaliste de Newsweek, avec beaucoup de savoir faire, rajoute une louche de péril islamiste, pour colorer le tout. Mais s’il avait raison ?

    « La réponse du gouvernement est une preuve de ce que beaucoup de résidants de banlieue disent être une des causes de la violence: La classe gouvernante de la France est terriblement coupée du peuple. La jeunesse immigrée contrariée a essayé d’attirer l'attention du gouvernement  _ en montant à plusieurs reprises des perturbations violentes _ pendant des années.  Mais la France s'est accrochée à sa croyance qu'une fois que les nouveaux venus arrivent, ils sont officiellement des Français et n'ont pas besoin de traitement spécial pour obtenir l'égalité.  "Les Français ne pensent pas que la classe politique peut résoudre ces problèmes," dit Stéphane Rozès, un analyste politique et sondeur.  "Ils voient des gestes, pas résolution des problèmes.  La distance entre le gouvernement et le peuple continue à s’accroître." (Time)