Les émeutes de novembre (le terme d’« émeute » est sans doute mal choisi, mais je le reprends car il a été largement employé dans la presse) ont produit cet effet étonnant : chacun y a vu ce qu’il a bien voulu y voir. Qu’on soit de gauche ou de droite, qu’on soit un bobo ou un smicard, un blanc ou un noir, les voitures qui flambaient ont pris un sens à chaque fois différent. Chacun s’est projeté dans l’événement. Les commentaires, au lieu de nous faire comprendre ce qui se passait, nous en disaient long sur celui qui parlait ou écrivait.
La presse et la télévision américaines se sont saisies de l’événement. Avec leur efficacité coutumière. J’en tire deux conclusions :
1) nous autres Français ne voulons pas voir l’aspect racial et religieux de ces violences ; les anglo-saxons, avec leur société structurée en communauté, nous l’ont rappelé.
2) la presse américaine a limité sa lecture des événements aux seuls aspects raciaux et religieux de ceux-ci, condamnant le système d’intégration à la française ; en revanche elle n’a rien dit des ravages du libéralisme qui, au moins autant que l’incapacité française à intégrer, sont responsables des misères des banlieues.
Pour réaliser cet article, j’ai lu les éditions de TIME et de NEWSWEEK datées du 14 novembre 2005.
Dans TIME, le ton est mesuré. Priorité aux faits, retracés minutieusement. Des explications aussi : l’intégration à la française a échoué.
Du côté de NEWSWEEK, le ton est très différent. Feu à volonté ! On incendie ces maudits Français qui ont refusé d’entrer dans la guerre d’Irak et qui, il y a peu, lors du passage du cyclone en Louisiane, critiquaient le modèle américain défaillant. Morceaux choisis.
« Des années de racisme et de négligence ont volé en éclat en une semaine d’émeutes à travers les ghettos d’immigrants musulmans de France »
Le chapeau de Newsweek ne fait pas dans la dentelle! Au moins, comme ça, le sujet est lancé...
« Rapidement, des dizaines de jeunes hommes en colère sortent des tours pour se battre contre les policiers, incendier des voitures dans des rues portant des noms de héros de la culture française : boulevard Emile Zola, Allée Albert Camus, Rue Picasso. Des hommes blancs morts. » (Newsweek)
Le raccourci est facile, mais efficace. Dès l’attaque du papier, le ton est donné : on ironise.
« Depuis des décennies, la France a préféré se détourner de la privation et du désespoir des banlieues. Mais, la semaine dernière, elle a bien été obligée de voir. Chaque nouvelle manifestation de violence a laissé le modèle d’égalité social carbonisé. […] Le problème crucial est ce que les Français nomment poliment « exclusion sociale ». Les résidents des banlieues se sentent exclus du travail, de l’éducation, des logements décents et, en dernier lieu, de la vie politique. Il y a environ 5 millions de Musulmans en France, mais il n’y a aucun Musulman à l’Assemblée Nationale. » (Time)
Le modèle français, cible de toutes les critiques.
« Des décennies de politiques françaises pour forcer l'intégration des immigrés et de leurs enfants dans la société française sont considérées comme des échecs, et dans l’ère de la terreur, la crainte est que la fureur n’augmente le crédit des Islamistes radicaux au coeur de l'Europe. Pendant des années, les prédicateurs se sont déplacés dans ces mêmes communautés, recrutant pour des guerres saintes en Bosnie, en Tchétchénie et maintenant en Irak, où quelques jeunes musulmans français sont allés mourir en bombes humaines. Madrid et Londres ont montré ce qui se produit quand cette sorte de fureur est intériorisée. »
Le journaliste de Newsweek, avec beaucoup de savoir faire, rajoute une louche de péril islamiste, pour colorer le tout. Mais s’il avait raison ?
« La réponse du gouvernement est une preuve de ce que beaucoup de résidants de banlieue disent être une des causes de la violence: La classe gouvernante de la France est terriblement coupée du peuple. La jeunesse immigrée contrariée a essayé d’attirer l'attention du gouvernement _ en montant à plusieurs reprises des perturbations violentes _ pendant des années. Mais la France s'est accrochée à sa croyance qu'une fois que les nouveaux venus arrivent, ils sont officiellement des Français et n'ont pas besoin de traitement spécial pour obtenir l'égalité. "Les Français ne pensent pas que la classe politique peut résoudre ces problèmes," dit Stéphane Rozès, un analyste politique et sondeur. "Ils voient des gestes, pas résolution des problèmes. La distance entre le gouvernement et le peuple continue à s’accroître." (Time)
Commentaires
En 1961,en Algerie,la France avait proposé l'integration totale aux Algeriens qui n'en ont pas voulu,préférant l'indépendance.Maintenant,ils réclament l'integration tout en restant Algeriens...!Pourquoi,maintenant qu'ils sont indépendants,veulent-ils l'integration?Ils veulent proceder à une véritable substitution de population par le nombre des imigrants et des berceaux.Autrement dit,c'est une guerre de religion à laquelle nous assistons.ils veulent la convertion de l'occident chrétien à l'islam ou notre disparition.Là est le fond du problème,tout le reste n'est que litterature.
TROIS TEXTES LUCIDES SUR LES BANLIEUES
Je prétends que le mouvement de révolte de nos banlieues est fondé. Pour autant je ne cautionne pas les violences ni d'ailleurs les crémations de véhicules, qu'elles soient symboliques, politiques ou crapuleuses. Je soutiens simplement tout ce qui réveille les consciences, ébranle les coupables inerties. Toute société est vouée à progresser, rien n'est jamais figé en ce monde, perpétuel mouvement des animés comme des inanimés (même les pierres changent, bougent, évoluent à l'échelle géologique).
Quoi qu'il en soit, le temps seul nous dira ce qu'il en est à propos du mouvement de révolte des banlieues... Je suis prêt à faire mon mea culpa si nécessaire.
Raphaël Zacharie de Izarra
1 - LES FLAMMES DE LA RAISON
Il me semble que la crémation des moyens de locomotion généralisée dans les banlieues du pays est le signe d'un grand bouleversement social, un mouvement de fond qu'une stupide répression policière ne saurait éteindre. Je ne cesse d'entendre que brûler des voitures, ça n'est pas une solution pour résoudre les problèmes des jeunes de banlieue...
Justement, je pense que c'est une solution. Sans ces heurts spectaculaires (toucher à la tôle sacrée du français moyen, ça choque toujours l'opinion publique sensible à la préservation de ses joujoux favoris), comment faire avancer les choses, faire prendre conscience aux privilégiés des centres villes et des campagnes de la gravité de la situation dans les banlieues ? Brûler des voitures est, à mon sens, la meilleure solution pour faire bouger les choses, contribuer à faire changer les mentalités, secouer les consciences endormies. Brûler une voiture est certes répréhensible sur le plan strictement légal, mais c'est précisément avec ce genre de geste illégal, acte fondateur par excellence du pionnier social participant au progrès humain, qu'évoluent nos sociétés.
Mieux vaut faire une révolution en brûlant des voitures plutôt qu'en portant des têtes coupées sur des piques. Brûler des voitures est par conséquent un acte potentiellement héroïque, pour peu que cela débouche sur une amélioration de la vie des révoltés, une capitulation du pouvoir qui reconnaîtra par la suite la révolte comme un légitime soulèvement des banlieues contre l'injustice sociale.
C'est ainsi qu'évoluent les mentalités, que se fait le progrès social : en pratiquant la désobéissance civile, en manifestant illégalement contre le pouvoir. Aujourd'hui conspués, demain qui sait si les brûleurs de voitures ne seront pas honorés par les mêmes qui les condamnent actuellement ? Comme les porteurs de têtes coupées de 14 juillet 1789 sont de nos jours acclamés. La crémation des voitures de banlieue, c'est leur 14 juillet à eux. Leur révolution est en marche. C'est en se rebiffant de la sorte contre l'ordre social inique que progresse toute société. Aujourd'hui les mentalités ont évolué, dans sa grande majorité le peuple ne verse plus le sang pour se faire entendre, il brûle des voitures, brise du mobilier urbain. N'est-ce pas déjà un énorme progrès par rapport aux révoltes barbares du passé ? De nos jours même les plus enragés des insurgés des banlieues respectent la vie humaine. Plus civilisés que nos aïeux, ils se révoltent avec les moyens appropriés à leur portée : l'incendie de voitures. Où est leur crime ? Leur combat me semble parfaitement légitime. A leur place, ne réagirions-nous pas de même ? Pour avoir vécu dans la banlieue et côtoyé un peu ses habitants, je comprends leur révolte.
Vive la révolution, vivent les âmes éveillées !
Raphaël Zacharie de Izarra
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2 - A MES DETRACTEURS POLITIQUEMENT FRILEUX
On ne fait pas l'Histoire sans casser des oeufs.
J'ai dit "LA MAJORITE des révoltés de la banlieue respectent la vie humaine". Je n'ai pas fait des cas particuliers une généralité. Les émeutiers dans leur ensemble ne massacrent pas leurs semblables, ils brisent les carreaux, brûlent la tôle, font trembler le béton et les bonnes consciences. Il y a certes des brebis galeuses parmi ces insurgés, qui n'hésitent pas à s'en prendre violemment aux personnes, discréditant le mouvement de révolte. Ceux qui ont commis ces crimes doivent de toute façon être arrêtés et châtiés.
A ceux qui insistent pour rétorquer sur tous les tons que brûler des voitures n'est pas une solution, je réponds que si justement, je crois que brûler des voitures est une solution (une parmi d'autres d'ailleurs) et j'ai expliqué pour quelle raison dans mon texte précédent. Il n'y a que par ce moyen, spectaculaire et périlleux mais efficace en termes de retentissement médiatique, que les révoltés de la banlieue pourront obtenir gain de cause. L'Histoire a toujours donné raison aux insoumis qui s'insurgent contre l'injustice établie en ordre étatique.
Raphaël Zacharie de Izarra
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3 - APPEL A L'INSURRECTION DES BANLIEUES
Ému par la gravité et le caractère révolutionnaire des événements sociaux qui agitent actuellement le pays, je m'adresse aux "fauteurs de troubles" en termes solennels.
J'en appelle à la poursuite acharnée de la rébellion, à la résistance héroïque face à l'oppresseur étatique. Cependant, convaincu que pour être légitime, tant sur le plan éthique que politique, le droit des populations au soulèvement contre l'injustice sociale doit s'établir sur des fondements moraux élevés, les moyens mis en oeuvre pour parvenir à cette fin ne doivent pas contredire cette exigence morale. Aussi je m'en remets aux bonnes volontés et incite les insurgés à abandonner leurs méthodes archaïques. Violence et bris de biens publics et privés doivent être proscrits au profit d'une attitude résolument pacifique et non-violente. Mais toujours ferme, déterminée. Je propose de grandes marches pacifiques avec encerclements des établissements républicains sensibles tels que Palais de l'Élysée, Préfectures, postes de police.
Pacifique, cet appel à l'insurrection n'en demeure pas moins réel.
Marches militantes et sièges des établissements publics non-violents mais éminemment séditieux, hautement subversifs. Le pouvoir doit fléchir sous la volonté souveraine du peuple. Tant que les décideurs aux commandes de l'État n'auront pas capitulé face au souffle juste de la révolte populaire, j'engage à la persévérance, voire à l'entrée officielle ou clandestine en résistance des éléments les plus combatifs, les plus braves selon la tournure que prendra le soulèvement, et ce afin de faire triompher la cause. Je rappelle avec insistance que les moyens engagés pour poursuivre la lutte, qu'ils soient individuels ou collectifs, officiels ou clandestins devront toujours être non-violents, pacifiques, respectueux des biens et de la sécurité d'autrui.
Courage camarades, la victoire est au bout de la rue ! Le peuple vaincra ! Vive la révolution, vive la justice, vive la liberté !
Raphaël Zacharie de Izarra, Le Mans, le 10 novembre 2005
Raphaël Zacharie de Izarra
2, Escalier de la Grande Poterne
72000 Le Mans
Tél : 02 43 80 42 98
raphael.de-izarra@wanadoo.fr
Pour 'The Economist' qui titrait en couverture 'France's failure' - et dont les analyses volent un peu plus haut que Time ou Newsweek - la faute est mise notamment sur le chômage de masse dû au fait que la classe politique française n'a jamais mis en oeuvre de véritables réformes libérales.